Recours gracieux du maire de Grande-Synthe auprès de l'État pour "inaction climatique"
C'est une première en France : le maire écologiste de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême, a engagé ce 19 novembre un recours gracieux auprès de l'État pour "inaction en matière de lutte contre le changement climatique". Ce recours gracieux a été déposé auprès du ministre de la Transition écologique, du Premier ministre et du président de la République "pour que la France mette enfin en place les politiques nécessaires pour respecter les engagements que nous avons pris, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", a affirmé à l'AFP l'avocate du maire, Corinne Lepage. À partir de la réception du recours gracieux, le gouvernement dispose d'un délai de deux mois pour accéder à la demande du plaignant. "Si dans les deux mois, on n'a pas de réponse ou si l'État nous répond 'non', on ira devant le juge", a affirmé l'ancienne ministre de l'Environnement.
"La commune de Grande-Synthe, particulièrement exposée au changement climatique, a un intérêt à ce que les mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre soient effectives et importantes", a expliqué Corinne Lepage. En effet, la ville "peut être très impactée par le changement climatique, car Grande-Synthe est sur un territoire de polder inquiété par la submersion marine en cas d'augmentation du niveau de la mer", a indiqué à l'AFP Damien Carême. "Le gouvernement ne fait pas suffisamment en matière de lutte contre le changement climatique et donc met à mal l'avenir de ma commune", a-t-il poursuivi.
Face aux dérèglements climatiques, les recours en justice se multiplient dans le monde. Aux Pays-Bas en 2015, un tribunal, saisi par l'ONG Urgenda et 900 citoyens, a ordonné à l'État de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le pays de 25% d'ici à 2020. Un jugement confirmé en appel en octobre. Aux États-Unis en 2015, une vingtaine d'enfants et adolescents ont déposé avec l'association Our Children's Trust un recours devant un tribunal de l'Oregon, réclamant au gouvernement de baisser de manière significative les émissions de CO2.
Doutes de François de Rugy sur l'efficacité d'actions en justice
Le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a douté ce 21 novembre de l'efficacité de telles actions et de l'initiative du maire de Grande-Synthe. "Je suis tout à fait prêt à le rencontrer, d'abord pour comprendre sa démarche, parce que vous voyez bien que faire des démarches dans les tribunaux... Franchement, vous croyez que c'est dans les tribunaux qu'on va régler le problème du dérèglement climatique ?", a-t-il déclaré sur France Inter. "On va dire que c'est symbolique, une façon symbolique de dire 'on n'en fait pas assez'", a-t-il ajouté. "C'est le comble au moment où nous sommes en plein débat sur la taxe carbone", a estimé le ministre, alors que le gouvernement reste inflexible sur la taxe sur les carburants face au mouvement des "gilets jaunes". Il a souligné la "contradiction dans laquelle nous sommes" entre des discours reprochant à l'État de ne "pas aller assez vite, pas assez fort, pas assez loin dans l'action contre le dérèglement climatique" et d'autres qui "disent au contraire 'oh là là il faut tout arrêter', à la première difficulté." "L'écologie qui agit ce n'est pas facile (...). Si M. Carême a des idées pour que ce soit plus facile, pour que beaucoup plus de Français y participent, que des entreprises y participent et disent 'on va plus vite, on va plus loin, on va plus fort', moi je serais le premier à en être satisfait", a-t-il ajouté. "Malheureusement @FdeRugy, ce sont les tribunaux qui vous ont obligé à réduire la pollution de l’air et ce sont eux qui vous obligeront à respecter vos engagements", a twitté Corinne Lepage ce 21 novembre en réponse au ministre.