Reconversions professionnelles : le Cese invite à changer de paradigme et monter en puissance
Dans un avis rendu le 23 mars, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dresse un état des lieux des dispositifs d’accompagnement et de formation des actifs et de leur nécessaire adaptation aux mutations induites par les crises numérique, écologique et sanitaire. Pour ce faire, il préconise un "véritable changement d’échelle qualitatif et quantitatif dans les politiques engagées".
Alors que la crise actuelle aura provoqué "une montée brutale du chômage", elle conduit à "traiter la question des reconversions professionnelles dans une approche qui s’inscrit désormais sur le temps long, celui qui va d’un changement d’emploi à un changement de métier". Aussi, dans son avis rendu le 23 mars 2021, le Cese préconise une intensification de l’usage des dispositifs de transition et de reconversion professionnelle à la fois pour "surmonter la crise dans ses dimensions économiques et sociales et conduire les transitions dans des délais inévitablement courts".
Le Cese recommande donc, et tout particulièrement en matière de reconversions professionnelles, un véritable changement d’échelle dans les politiques engagées, tant dans leur portée que dans les moyens à leur accorder. Les 16 préconisations contenues dans l’avis répondent à trois objectifs principaux.
Mieux anticiper les enjeux d’une transition professionnelle
Le premier consiste à renforcer les droits à la formation professionnelle et à la qualification de chaque personne, ainsi que les moyens d’y accéder, afin de mieux anticiper les enjeux d’une transition professionnelle. Il pourra s’agir de pouvoir abonder le compte personnel de formation (CPF) au-delà de la dixième année même si le salarié n’a reçu aucune formation en dix ans ou encore de sécuriser les parcours professionnels par la continuité des droits en matière de protection sociale, de retraite et de formation. Le Cese invite également à faire monter en puissance le conseil en évolution professionnelle (CEP), service gratuit et "en principe" accessible à tous les actifs, "afin de rendre effectifs et pertinents" les droits individuels à la formation professionnelle pour tous. Un plan national massif de promotion du CEP doit être déployé.
Accompagner les TPE-PME dans l’expression de leurs besoins
Le deuxième objectif vise à faciliter les mobilités et les reconversions professionnelles. Pour les actifs y compris les indépendants, il s’agira d’ouvrir les possibilités de certification de compétences par le décloisonnement des certifications professionnelles afin de promouvoir une approche plus transversale des compétences entre métiers et entre secteurs d’activité. Concernant les entreprises, il faudrait les accompagner, en particulier les TPE-PME dans la définition et l’expression de leurs besoins en compétences et en emplois. À ce sujet, le Cese s’interroge sur "la portée du dispositif 'transitions collectives' dans une crise économique qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur beaucoup de structures de petites tailles ou fortement fragilisées". Une "évaluation attentive du dispositif" devrait être conduite en mesurant la variété des profils de salariés volontaires, la durée des temps de formation nécessaire et de la réussite des projets de transition professionnelle (lire ci-dessous).
Plan massif d’investissement dans les compétences
Enfin, le troisième objectif porte sur la mise en place d’un plan massif d’investissement dans les compétences, coordonné entre l’État et les régions, pour que "tous les actifs (indépendants, salariés, demandeurs d’emploi), soient assurés des moyens d’une reconversion professionnelle dans des activités nouvelles ou transformées pour répondre aux enjeux écologiques, technologiques et démographiques de notre époque".
Pour ce faire, il faudrait confier à France Stratégie la réalisation d’une méta-analyse partagée avec l’ensemble des parties prenantes et privilégier une méthodologie commune à l’ensemble des organismes de prospective des métiers et des qualifications présents sur le territoire. Le Cese invite également l’État à "intégrer clairement dans les scénarios prospectifs les engagements des pouvoirs publics dans les principales transitions (numérique et écologique) pour mieux anticiper les besoins en termes d’emplois et de compétences et ainsi aider à définir les stratégies d’accompagnement nécessaires auprès des entreprises, des personnes et de Pôle emploi, dans les territoires". Les collectivités locales sont également invitées à "promouvoir, par la commande publique, la création de nouvelles filières et de nouveaux emplois dans les métiers d’intérêt général, afin de soutenir les reconversions professionnelles en relation avec les objectifs de transition partagés prédéfinis".
Tout en préconisant de pérenniser le dispositif de transitions collectives, à l’issue de son évaluation, le Cese suggère d’opter pour des accords de GPEC territoriale au niveau du bassin d’emploi ou de la branche, afin de faciliter l’accès à ce dispositif pour les salariés des petites entreprises. Dans le même sens, le Cese recommande d’instaurer un accompagnement spécifique des salariés des TPE-PME, avec des cellules d’accompagnement, d’information et de reclassement interentreprises ou multi entreprises dans les bassins d’emploi. Ces dispositions permettraient également aux salariés des entreprises en procédure de redressement judiciaire d'accéder au dispositif de Transition collective. |
"La compétence institutionnelle de l’orientation des demandeurs d’emploi les plus en difficulté dans la conduite de leur projet de transition professionnelle n’est actuellement qu’assez faiblement assurée", constate le Cese soulignant que "la mise en œuvre de cette compétence, en principe régionale, dépend d’une connaissance fine des marchés locaux du travail, des opportunités de développement économique". Alors que "l’articulation du plan d’investissement dans les compétences (PIC) et de plans régionaux d’investissement dans les compétences (Pric) a conduit à la mise en place d’un suivi des demandeurs d’emploi les plus vulnérables dans plusieurs régions, grâce notamment au maillage territorial des administrations régionales, un effort comparable devrait être engagé, compte tenu de l’urgence et du changement d’échelle que commandent les transitions en cours". Le PIC "transition professionnelle" devra, selon le Cese, prioritairement financer l’effort d’accompagnement des demandeurs d’emploi dont les besoins en termes de formation sont les plus lourds. Une enveloppe budgétaire spécifique du PIC et des Pric devrait abonder les CPF des demandeurs d’emploi rendus éligibles à un projet de transition professionnelle. Le Cese préconise que, dans chacune des régions, soient définis les secteurs professionnels stratégiques à soutenir et les politiques des compétences qui en découlent. Le plan régional d’investissement dans les compétences devrait intégrer ces priorités. |