Recensement de la population : de nouvelles questions, dont une fait débat

Avec le recensement de la population dont le démarrage est prévu le 16 janvier, quelque 9 millions de personnes sont appelées à répondre à un questionnaire qui a fait peau neuve, puisque trois nouvelles questions y figurent. Dont une, sur l'origine des parents, est critiquée par plusieurs organisations. Selon le bilan démographique publié par l'Insee, la natalité a de nouveau baissé en 2024, pour s'établir à un nouveau point bas.

Jamais depuis que le recensement est devenu annuel - c'était en 2004 - le questionnaire servant à la collecte des informations n'avait connu des évolutions d'une telle "ampleur", comme l'a fait remarquer Muriel Barlet, cheffe du département de la démographie à l'Insee, lors d'une conférence de presse ce 14 janvier.

Le questionnaire auquel les personnes sollicitées auront à répondre se décompose en trois parties : des questions sur le logement, des questions sur la composition du ménage qui l’habite, ainsi qu’un bulletin individuel pour chacun des occupants. C'est à la liste des questions les concernant en propre qu'ont été ajoutés trois items, à la suite de plusieurs années de réflexion et de concertation, notamment avec l’Institut national d’études démographiques (Ined) et la Défenseure des Droits.

Informations utiles notamment aux collectivités

Avec le développement du télétravail depuis la crise du Covid-19, le sujet est apparu incontournable. "Actuellement, à quelle fréquence télétravaillez-vous ?" Telle est la question désormais posée aux personnes enquêtées. Leurs réponses (parmi cinq items allant de "jamais" jusqu'à "trois jours par semaine ou plus") seront croisées avec les autres éléments statistiques, pour ainsi offrir des informations nouvelles et localisées. "Cela va permettre d'adapter par exemple les infrastructures, comme l'offre de transport ou les espaces de coworking, à la situation de chaque agglomération, par exemple", se réjouit Muriel Barlet.

Par une autre question, là encore inédite jusqu'à présent, l'Insee cherche à savoir si la personne répondant est, ou non, "limitée, depuis au moins 6 mois, à cause d'un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement". Celle qui répondra "oui, fortement limitée", sera considérée comme étant en situation de handicap. Mais la personne aura la possibilité de déclarer qu'"elle ne souhaite pas répondre" à la question. Avec les nouvelles statistiques ainsi produites, les acteurs locaux en charge des politiques du handicap "pourront disposer d’informations précises quant aux besoins sur leurs territoires, par exemple pour définir l’offre d’hébergement ou l’offre de services à domicile pour les personnes handicapées ou dépendantes", met en avant l'Insee dans un article publié sur son blog.

"Un pas vers une possible inégalité de traitement"

La troisième question introduite dans le questionnaire du recensement, concernant le lieu de naissance des parents de la personne interrogée, fait beaucoup moins l'unanimité. Elle invite en particulier les personnes dont l'un des parents, ou les deux, sont nés à l'étranger, à déclarer le pays d'origine de celui-ci ou ceux-ci.

Mais plusieurs organisations, dont la Ligue des droits de l'homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) et plusieurs syndicats - dont la CGT - ont appelé dans une tribune publiée notamment sur Mediapart à "ne pas répondre" à cette question présentant "beaucoup de dangers". "L’enregistrement de cette information est un pas vers une possible inégalité de traitement par l’État sur cette base", pointent-elles, en rappelant des positions prises par le Rassemblement national. Les personnes enquêtées convaincues par ces arguments pourront facilement s'abstenir de répondre à la question, puisqu'elle n'est que facultative.

Toutes les précautions ont été prises, leur répond Muriel Barlet. "Confidentielles", les données statistiques issues du recensement de la population ne feront l'objet d'"aucune diffusion sous un seuil de 5.000 habitants" et "ne pourront en aucun cas être utilisées pour prendre des décisions au niveau individuel". 

Recensement effectué par des facteurs 

En outre, les nouvelles informations collectées vont permettre de "mesurer les questions d'inégalités de situation" - sur le logement et l'emploi, par exemple - "à un niveau fin", par exemple celui d'une agglomération, insiste la responsable de l'Insee. "Le recensement de la population n'est pas l'instrument adapté, ce n'est pas son objet", rétorquent les organisations opposées à la question. "Le développement d’enquêtes approfondies (…) auprès d’échantillons représentatifs de la population" leur paraît plus adapté.

Quelque 24.000 agents recenseurs municipaux sont déployés dans environ 8.000 communes, pour mener à bien la collecte du recensement de la population – qui, sauf à La Réunion, se terminera le 15 février dans les communes de moins de 10.000 habitants et le 22 février dans celles de plus de 10.000 habitants. 

On notera aussi la contribution de 130 facteurs dans 38 communes de métropole et d'outre-mer (Besançon, Béziers, Châteaudun, Dax, Fort-de-France, Saint-Brieuc, Saint-Denis de la Réunion, Valenciennes…). Ces dernières ont en effet passé un contrat avec la Poste, un décret du 4 décembre dernier permettant de recourir à un prestataire extérieur pour les opérations de recensement (voir notre article).

La population française augmente légèrement, le nombre de bébés reste au plus bas 

Légèrement plus d'habitants mais toujours moins de bébés : la France compte depuis le début de l'année 68,6 millions d'habitants, soit une petite progression de 0,25% sur un an, limitée par une nouvelle baisse de la natalité et une hausse de la mortalité. C'est ce qui ressort du bilan démographique annuel présenté ce 14 janvier par l'Insee.

Au 1er janvier 2025, 68.606.000 personnes vivaient en France, dont 2,3 millions dans les cinq départements d'outre-mer. La population a augmenté de 0,25%, un rythme "très légèrement inférieur" à celui de 2023 et 2022. Cette croissance de la population est principalement liée au solde migratoire (estimé à +152.000 personnes), soit la différence entre le nombre de personnes entrées et celles sorties du territoire.

Elle a également été tirée par le solde naturel de la population, à savoir la différence entre naissances et décès. Ce solde est tout juste positif : +17.000 personnes. Il atteint son "plus bas niveau depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale", précise l'Institut national de la statistique.

Cette situation s'explique par deux facteurs : la baisse des naissances et la hausse de la mortalité. "Si les naissances annuelles restent sous la barre des 700.000, le solde naturel deviendra négatif", a commenté lors d'une conférence de presse Sylvie Le Minez, cheffe de l'unité des études démographiques. "Mais on ne sait pas comment elles vont évoluer, il y a eu des retournements à plusieurs reprises."

En 2024, 663.000 bébés ont vu le jour dans le pays, soit 2,2% de moins que l'année précédente, ce qui correspond au plus faible nombre de naissances sur un an depuis 1946. La natalité était déjà au plus bas depuis cette période l'année précédente. Ce nouveau repli est surtout dû au recul de la fécondité, selon l'Insee.

Dans ce contexte, l'indicateur conjoncturel de fécondité baisse encore lui aussi: il s'est établi à 1,59 enfant par femme en métropole en 2024, soit son plus bas niveau depuis plus d'un siècle.

En 2024, on comptabilise également 646.000 décès, un nombre en progression de 1,1%, en raison de "l'arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges de forte mortalité".

En ce qui concerne la pyramide des âges, au 1er janvier 2025 en France, 21,8% des habitants ont au moins de 65 ans, contre 16,3% en 2005. Les moins de 15 ans représentent eux 16,7% de la population, une part en légère diminution du fait de la baisse des naissances.

Quant à l'espérance de vie à la naissance, elle s'est stabilisée à un "niveau historiquement élevé" : 85,6 ans pour les femmes et 80,0 ans pour les hommes.

À noter, 247.000 mariages ont été célébrés en France l'an dernier, dont 240.000 entre personnes de sexe différent et 7.000 entre personnes de même sexe. Leur nombre augmente légèrement (+2%), alors que la tendance était à la baisse avant la crise sanitaire, selon l'Insee.

Le nombre de Pacs a lui reculé de 3% pour s'établir à 204.000 en 2023, un niveau toutefois élevé.

(AFP)

 

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