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Commande publique - Quid des documents communicables, de l'égalité de traitement des candidats ? Un nouvel éclairage du Conseil d'Etat

Dans un arrêt du 7 novembre, le Conseil d'Etat rappelle la distinction entre les dispositions relatives à la sélection des candidatures et celles relatives à la sélection des offres. Les juges de cassation font également le point sur l'obligation qui incombe à l'acheteur public de transmettre, sur demande des candidats évincés, certaines informations.
En l'espèce, le syndicat Valor'Aisne avait lancé une procédure de passation d'un marché pour le traitement des ordures ménagères résiduelles du département de l'Aisne. Candidate évincée, la société Sita Dectra s'estimant lésée sur plusieurs points, invoque notamment la rupture d'égalité de traitement des candidats au regard de l'exigence du syndicat de communiquer la copie d'autorisations préfectorales. Saisi par celle-ci, le juge des référés va annuler la procédure de passation du marché. Le syndicat décide alors de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.
Les juges de cassation ont dû répondre à plusieurs questions, et en premier lieu celle de la différenciation des régimes applicables aussi bien à la sélection des candidatures qu'à la sélection des offres.

Attention à la distinction entre sélection des candidatures et sélection des offres

Les juges du Palais Royal vont annuler l'ordonnance du juge des référés au motif que ce dernier a commis une erreur de droit en se fondant sur l'article 45 du CMP pour annuler la procédure de passation du marché. Cet article concerne les renseignements que le pouvoir adjudicateur peut réclamer pour apprécier les candidatures. En l'occurrence, la société évincée contestait l'exigence de fournir une copie de l'arrêté préfectoral autorisant l'exploitation du centre de traitement au stade de la sélection des offres. Cependant, l'article 45 n'est pas applicable à la phase de sélection des offres mais seulement lors de la sélection des candidatures, rappelle la Haute Juridiction administrative. La sélection des candidatures et la sélection des offres sont deux phases bien distinctes de la procédure de passation d'un marché, obéissant à des règles différentes.

Pas d'atteinte à l'égalité de traitement des candidats tant que les documents requis permettent l'évaluation des offres présentées

Le Conseil d'Etat a également dû se pencher sur la question de savoir si l'exigence de communication de certains documents pouvait être considérée comme une rupture d'égalité entre les candidats. En vertu de l'article 53 du CMP, pour déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde soit uniquement sur le prix, soit sur une multitude de critères tels que la qualité, la valeur technique, le délai, etc. En l'espèce, le syndicat avait défini trois critères d'attribution, dont celui de la valeur technique de l'offre pour laquelle il avait demandé aux candidats de fournir une copie des autorisations préfectorales. Dès lors, la société évincée ne pouvait pas légitimement soutenir que l'exigence de transmission dudit document était constitutive d'une rupture d'égalité entre les candidats puisque, selon le Conseil d'Etat, ce document "permet de déterminer les moyens dont disposent les candidats pour exécuter le marché et donc d'évaluer leurs offres au regard des critères retenus".

L'obligation de communiquer certains documents

Enfin, s'est posée la question de savoir si, au titre des articles 80 et 83 du CMP, la non communication de documents pouvait être assimilée à un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Ces dispositions prévoient d'une part la notification obligatoire de certaines informations aux candidats non retenus. D'autre part, sur demande d'un candidat évincé dont l'offre était recevable, le pouvoir adjudicateur doit "lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue". Cependant, le syndicat n'a pas fait suite aux demandes d'informations de la société candidate. Dès lors, le Conseil d'Etat a jugé que le syndicat n'avait pas respecté les obligations de publicité et de mise en concurrence et l'enjoint donc de communiquer sous huit jours les informations relatives "aux caractéristiques de l'offre retenue" (prix de l'offre choisie et note obtenue par la société attributaire). En revanche, les informations réclamées par la société mais qui "sont étrangères aux caractéristiques de l'offre retenue" ne sauraient être communiquées.
Il convient de préciser que cette affaire n'est pas définitivement réglée. En effet, suite à l'injonction prononcée par le Conseil d'Etat, la société évincée, à compter de la réception des informations requises, disposait d'un délai de huit jours pour éventuellement produire de nouvelles observations et contester utilement son éviction.

Référence :  CE, 7 novembre 2014, n°384014

 

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