Tempête Klaus - Quels enseignements pour l'aménagement des forêts ?
Des dégâts considérables : 45 millions de m3 de bois abattus contre 32 en 1999. La tempête Klaus laissera des cicatrices profondes dans le Sud-Ouest. Pour le seul massif des landes de Gascogne, 39 millions de m3 de bois ont été dévastés. "Klaus a abattu quatre fois la récolte annuelle. C'est énorme", constate avec dépit le sénateur Philippe Leroy, président du groupe "forêt et filière bois" au Sénat. Pour la filière, qui se remettait tout juste de la précédente tempête de 1999, le coup est très rude. Plus encore dans le contexte de crise économique. Il y a dix ans, "l'économie du bois marchait bien, le bois abattu avait pu être valorisé, aujourd'hui le marché est déprimé", explique le sénateur. A l'époque, les arbres abattus par Lothar et Martin avaient en effet pu être récupérés grâce à une forte demande dans la construction, un secteur aujourd'hui en panne. Or le pin maritime, principale essence touchée, doit être traité rapidement, au risque de "bleuir". "Il faut se dépêcher de mettre en place toutes les mesures d'exploitation du bois, déployer un maximum de bucherons et d'exploitants forestiers sur place, regarder ce qui peut être sauvé, stocker ce qui peut l'être pour le sciage, la pâte à papier", poursuit encore le sénateur dont le groupe d'études va se rendre sur place au mois d'avril.
Jusqu'à 45% des recettes communales
Le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier, a fait le déplacement, jeudi, pour inspecter l'ampleur des dégâts, après avoir annoncé la veille d'importants moyens en conseil des ministres. 600 millions d'euros seront débloqués pour sortir les bois de chablis à terre. Les entreprises sélectionnées par appel d'offres obtiendraient une garantie de l'Etat à hauteur de 500 millions d'euros. Les propriétaires privés bénéficieront de mesures fiscales : déduction du bénéfice forestier des charges exceptionnelles résultant de la tempête, dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties "qui fera l'objet d'une compensation par l'Etat aux collectivités territoriales". Le gouvernement a également promis de soutenir la création de nouvelles aires de stockage en 2009, grâce à une aide immédiate de 60 millions d'euros. Au cours des huit prochaines années, l'Etat dépensera 300 millions d'euros pour le nettoyage et la reconstitution des parcelles touchées. Il prendra en charge le chômage partiel à 100% dans les entreprises touchées par la tempête des neuf départements sinistrés (Aude, Haute-Garonne, Gers, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales). Au total, un milliard d'euros seront ainsi mobilisés.
Pour les communes aussi la facture risque d'être salée. Les forêts communales n'ont pas été épargnées : dans leurs parcelles, environ un million de m3 sont tombés. Par endroit, les destructions représentent jusqu'à 80% de leur patrimoine, estime la Fédération des communes forestières (FNCofor). Or certaines d'entre elles tirent de la forêt de 35 à 45% de leurs recettes !
Le plan du gouvernement a prévu un soutien financier transitoire pour leur permettre d'équilibrer leur budget. Par ailleurs, les communes qui n'ont pas été touchées mais qui ont décidé de retarder leurs ventes par solidarité avec leurs voisines attendent des prêts à taux bonifié et à remboursement différé. "Nous avons obtenu un certain nombre de garanties", se réjouit Jean-Claude Monin, le président de la FNCofor qui a récemment écrit au ministre de l'Agriculture en ce sens.
Diversification ?
La fédération demande aussi de veiller à la remise en état des routes que vont devoir emprunter les engins de débardage. "Ces déplacements vont occasionner d'importantes dégradations à la charge des communes", explique Jean-Claude Monin.
Exploitants privés et élus revendiquent par ailleurs la création d'un système d'épargne qui permettrait d'avoir accès à des assurances tempête à des prix abordables.
Au-delà de l'urgence, il faut d'ores et déjà réfléchir à l'après. Les replantations vont démarrer dès le printemps 2010 et la question se pose de savoir si les pins maritimes sont les plus adaptés compte tenu de leur fragilité. "Compte tenu de la nature des sols, de la géologie, c'est ce qui semble le plus probable", estime Philippe Leroy. Pourtant, France Nature Environnement (FNE) invite à ne pas "céder à la précipitation". L'association plaide, elle, pour une plus grande diversité des essences avec l'introduction de feuillus, moins rentables mais plus résistants. Les chercheurs de l'Inra (Institut national de recherche agronomique), qui planchent sur les conséquences des tempêtes en milieu forestier, participeront au "comité de suivi forestier de la tempête Klaus" mis en place sous l'égide du ministère de l'Agriculture. Parmi les solutions qui semblent consensuelles : des rotations plus courtes pour les récoltes. "Il faut revoir les méthodes de sylviculture avec des récoltes pour les pins maritimes à 30 ou 40 ans [contre 50 à 60 aujourd'hui, NDLR], explique Philippe Leroy, ils offriraient alors moins de prise au vent."
Michel Tendil