Quand l'État appelle les collectivités à accueillir dans leurs cantines les élèves du privé en situation de handicap
Dans une réponse à une question parlementaire, le ministère de l'Éducation nationale invite les collectivités à accueillir dans les cantines publiques les élèves du privé en situation de handicap. Et, partant, suggère d'assurer la prise en charge de leurs accompagnants.
Et si les collectivités locales ouvraient leurs cantines aux élèves des écoles privées en situation de handicap afin de pouvoir prendre en charge financièrement des AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) intervenant sur le temps de la pause méridienne ? C'est en substance ce que propose le ministère de l'Éducation nationale en réponse à une question écrite de Philippe Paul, sénateur du Finistère.
Après que la presse s'est fait l'écho à la rentrée de 2022 du cas d'un élève de Loire-Atlantique fréquentant un collège privé sous contrat d'association obligé de manger dans la voiture de sa mère le midi, la question de la prise en charge des AESH sur le temps périscolaire pour les élèves du privé a suscité de nombreuses réactions d'élus. Parmi eux, Philippe Paul rappelle que s'il revient à la commune de prendre en charge la rémunération des AESH quand l'enfant est scolarisé dans un établissement public, le financement relève, dans le cas d'une scolarisation dans le privé, de l'organisme gestionnaire, et in fine des familles.
"Inégalité de traitement"
L'élu du Finistère demandait donc quelles mesures le gouvernement entendait proposer pour remédier à ce qui, selon lui, apparaît comme une "inégalité de traitement entre les familles n'ayant pas lieu d'être s'agissant d'un soutien à des élèves en situation de handicap".
Dans sa réponse, le ministère de l'Éducation nationale rappelle qu'"il n'appartient pas à l'État mais aux collectivités territoriales, lorsque celles-ci organisent un service de restauration scolaire […], de s'assurer que les enfants en situation de handicap y aient effectivement accès et par conséquent de prendre en charge un éventuel accompagnement humain". Il souligne également que le Conseil d'État, dans un arrêt très remarqué du 20 novembre 2020 (lire notre article du 26 novembre 2020), ne s'est pas prononcé sur le cas des établissements privés.
Volontarisme des collectivités
Or, selon le ministère, un raisonnement similaire doit s'appliquer au privé. En l'occurrence, la prise en charge de l'accompagnement d'un élève en situation de handicap ne relève de la compétence de l'État que sur le temps scolaire. Et même s'il précise que des échanges se tiennent au niveau local entre les services, les collectivités et les établissements concernés afin de trouver des solutions, le ministère renvoie pour l'heure à la structure gestionnaire compétente la responsabilité de la prise en charge du salaire de l'AESH pour permettre l'accès de l'enfant au service de restauration scolaire.
Toutefois, ajoute le ministère, "les collectivités territoriales peuvent, de manière volontaire, décider d'ouvrir leur service de restauration scolaire aux élèves des écoles privées sous contrat". L'article L. 533-1 du code de l'éducation prévoit en effet que "les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les caisses des écoles peuvent faire bénéficier des mesures à caractère social tout enfant sans considération de l'établissement d'enseignement qu'il fréquente". "Dans une telle hypothèse, conclut le ministère, il appartient à la collectivité territoriale de veiller à ce que les élèves en situation de handicap puissent aussi bénéficier de ce service." Ou plutôt de "ces services"… car si l'accès à la cantine publique peut être ouvert à un élève en situation de handicap issu du privé, c'est surtout la prise en charge de son AESH sur le temps méridien par la collectivité que suggère – sans l'écrire noir sur blanc – la réponse du ministère de l'Éducation nationale.