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Qualité de service de la fibre : l’Arcep hausse enfin le ton

Nouvelles obligations pour les opérateurs, investigations sur le terrain et enquête administrative ciblant XP fibre, l’Arcep vient d’annoncer tout un train de mesures pour tenter de mettre fin aux errements de la sous-traitance des raccordements à la fibre. Un plan attendu depuis des mois par l’Avicca.

Le timing choisi ne doit rien au hasard. L’Arcep a choisi d'annoncer son plan qualité des raccordements de la fibre au moment même où se tenait le Trip d'automne de l'Avicca réunissant opérateurs et collectivités investissant dans les RIP (voir notre article dans la même édition). Un événement où il a encore été beaucoup fait état des problèmes de qualité de service des nouveaux réseaux. "On nous remonte des cas d’abonnés déçus de la fibre qui reviennent à l’ADSL. C’est inquiétant même si c’est heureusement très minoritaire", s’était ému Patrick Chaize la veille de l’intervention de Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep. Un diagnostic parfaitement partagé par la présidente de l’autorité qui reçoit "chaque semaine" des courriers d’élus faisant état d’habitants déconnectés lors du branchement de leur voisin, de portes d’armoires fracturées quand elle ne se transforment pas en "plat de nouilles"…

Des problèmes amenés à durer

Pour venir en aide à des élus contraints de s’improviser experts télécom pour servir de médiateurs avec les opérateurs, l’Arcep a décidé – enfin – de prendre des mesures plus coercitives. Jusqu’alors, l’autorité attendait de voir les effets de mesures décidées en 2019 et notamment du nouveau contrat de sous-traitance, dit Stoc V2. Un contrat destiné à assurer un meilleur suivi des interventions grâce à des photos prises par les techniciens qui n’a cependant pas été signé par les deux grands opérateurs d’infrastructure que sont Orange et XP Fibre. La présidente de l’Arcep, qui n’a pas mentionné les coupables, a regretté une attitude "difficilement compréhensible" tout en se rendant à l’évidence : "Les problèmes sont encore devant nous." En d’autres termes, ce contrat n’est pas la solution miracle et nécessite un plan d’action pour juguler durablement un problème qui pèse sur l’image même de la fibre.

Les casseurs à la caisse

Concrètement, les opérateurs vont avoir l’obligation de limiter la sous-traitance des raccordements "à 2 niveaux" contre parfois "5 à 6 niveaux" car cette sous-traitance en cascade conduit assez logiquement à une dilution des responsabilités en cas de malfaçon. Les sous-traitants devront en outre remonter des "données en temps réel" pour mettre fin aux coupures intempestives. En pratique, le système pourrait s’appuyer sur l’application "check voisinage" développée par Bouygues Telecom, dont le code a récemment été publié en open source. L’analyse de photos par une intelligence artificielle sera également généralisée. Elle vise à éviter l’envoi de photos truquées ou ne correspondant pas à l’armoire où le technicien est effectivement intervenu. L’Arcep va aussi imposer aux opérateurs de remettre en conformité les infrastructures les plus dégradées. "Cela aura un coût" a souligné la présidente de l’Arcep, Patrick Chaize refusant pour sa part que "les collectivités paient" et invitant à "faire passer les casseurs à la caisse".

En parallèle, l’Arcep va "ouvrir" 750 points de mutualisation situés dans des villes moyennes et des zones rurales pour se faire une idée "qualitative et quantitative" des problèmes rencontrés. Le résultat de ces investigations devrait être connu à la fin premier semestre 2022.

Éviter les échecs de raccordement

Pour tenter d’éviter les échecs de raccordements l’Arcep a créé en octobre un groupe de travail sur les "raccordements non standards". Il s’agit notamment d’établir des bonnes pratiques "en cas d’indisponibilité du génie-civil sur le domaine public et sur le domaine privé" et d’améliorer la réponse apportée à l’usager en cas d’échec de raccordement. Pour faciliter l’intervention des techniciens, un guide à destination des particuliers va être élaboré avec l’appui de l’État et des opérateurs. Celui-ci rappellera aux particuliers "leurs droits et devoirs" et notamment leurs obligations d’élagage, préalable souvent indispensable à un raccordement par voie aérienne.

XP fibre dans la mire de l’Arcep

Quant aux indicateurs de qualité des raccordements promis par l’autorité depuis plusieurs mois, ils vont être présentés "en décembre" au gouvernement, aux opérateurs et à l’Avicca avant d’être publiés. Ces indicateurs devraient notamment montrer les mauvais élèves parmi les opérateurs. Sans attendre leur publication, l’Arcep a cependant annoncé le 25 novembre le lancement d’une "enquête administrative"  à l’encontre d’Xp Fibre (groupe Altice-SFR) et ses filiales. "On constate qu’il nous arrive plus de courriers de particuliers et d’élus sur ces réseaux que sur d’autres", a justifié Laure de La Raudière. Au-delà des problèmes de qualité de raccordement, il s’agit pour l’autorité de vérifier "les choix d’architecture" et le "bon dimensionnement des équipements". L’analyse des fichiers IPE de l’opérateur par ses services a en effet montré des points de mutualisation supportant au maximum 110 lignes installés sur des zones comptant 300 logements... Une situation qui pourrait expliquer les écarts de taux d’échec de raccordement entre territoires, en moyenne de 20%.

L’Arcep saisie sur les engagements d’Orange

Concernant les zones d’initiative privées AMII et Amel, où la stagnation des déploiements en dépit des obligations contractuelles des opérateurs a le don d’exaspérer l’Avicca, l’Arcep a annoncé avoir été saisie par le gouvernement "la semaine dernière". Pour les zones AMII pilotées par Orange, l’autorité en faisait un préalable à toute enquête, les conventions de déploiement ayant été signées par le gouvernement. Saisie par le président du conseil départemental de la Savoie, l’autorité va également examiner le respect des engagements Amel d’Orange sur ce département. L’opérateur, qui s’était notamment engagé à raccorder 92% des zones AMII avant la fin 2020 (pour certaines communes) et 2022 risque des sanctions. Reste à savoir si elles seront effectivement prononcées.

 

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