QPV : Juliette Méadel durcit le ton avec les bailleurs sociaux

La ministre déléguée chargée de la ville a enjoint aux bailleurs sociaux de mieux entretenir les parties communes de leurs immeubles dans les quartiers en politique de la ville sous peine de ne plus bénéficier d'abattement de TFPB. Selon l'Union sociale pour l'habitat, Juliette Méadel se trompe de cible.

Dans une instruction adressée jeudi 13 février aux préfets, Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville, a confirmé les propos qu'elle avait tenu début janvier : à bref délai, les manquements significatifs à l’obligation d’entretien des cages d’escaliers, des caves, des sous-sols et des parkings des logements sociaux donneront désormais lieu à des sanctions financières pour les bailleurs concernés. Il a ainsi été demandé aux préfets qu’un état des lieux soit remonté au ministère d’ici au 7 mars et de se montrer particulièrement exigeants dans le suivi de la bonne réalisation des actions de la part des bailleurs. "Les abattements (30% de la taxe foncière sur les propriétés bâties, soit 315 millions d’euros, NDLR) seront remis en cause dès lors que les bailleurs ne satisferaient pas à leurs obligations", précise la ministre. 

Le coup de pouce fiscal que représentent les abattements en question vise en effet à apporter un niveau supplémentaire de qualité de service, notamment en termes d’entretien des locaux. Par l’instruction du 13 février, Juliette Méadel entend donc insister sur le contenu des conventions d’utilisation des abattements, préciser les procédures de suivi, et veiller à l’engagement des bailleurs sociaux. 

Des modalités de suivi et de contrôle précises

Les préfets devront notamment s’assurer de la transmission annuelle par les bailleurs sociaux du bilan des actions entreprises pour améliorer la qualité de vie, et de leur utilisation de l’outil de pilotage collaboratif Quartier-Plus développé par l’Union sociale pour l’habitat. Par ailleurs, au moins une fois tous les trois ans, des enquêtes ciblées de satisfaction seront menées dans chaque quartier par les bailleurs. 

L’objectif : s’assurer que les bailleurs sociaux offrent des conditions d’habitation dignes et durables aux habitants des quartiers populaires. En cas de non-respect des engagements, le préfet devra rappeler le bailleur concerné à ses obligations et entamer une médiation. Si les manquements sont graves, avérés et non corrigés, la dénonciation de la convention d’abattement pourra être mise en œuvre.

"Nous parlons de choses très concrètes du quotidien (mal-propreté, ascenseurs dysfonctionnels, halls squattés…) afin de redonner de la dignité aux habitants des quartiers, explique la ministre. Si ces efforts ne sont pas au rendez-vous, nous serons vigilants et remettrons en cause les avantages fiscaux : je serai intraitable vis-à-vis des engagements de chacun !"

Indignation chez les bailleurs sociaux

Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), n’a pas tardé à réagir : après avoir souligné que les abattements en question permettaient aux bailleurs d’investir dans les QPV (entretien, projets socioculturels, etc.), elle a rappelé les difficultés auxquelles font face les bailleurs au quotidien, en renvoyant l’État à ses propres responsabilités : "On peut réparer 10 fois des portes et voir 10 fois son investissement anéanti par des trafiquants. C’est souvent mission impossible d’assurer la tranquillité résidentielle lorsque la tranquillité publique n’est pas assurée, quand les moyens de l’État ne sont pas au rendez-vous. La ministre le sait très bien."

Si Emmanuelle Cosse affirme ne voir aucun problème à ce que les bailleurs sociaux rendent des comptes sur leurs actions, elle refuse qu’ils servent "de prétexte médiatique pour cacher la faiblesse de l’État dans ses missions lorsqu’il s’agit des habitants en QPV". La présidente de l’USH a invité Juliette Méadel à organiser un comité interministériel des villes avec l’ensemble des acteurs concernés (y compris l’État), afin d’organiser une réflexion autour des problématiques rencontrées dans les quartiers.