Protection des alignements d’arbres le long des voies : une procédure recentrée sur les préfets

À la faveur d’une réécriture de la loi 3DS, le régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique est désormais entre les mains du préfet. Le décret d’application fixant les modalités des procédures d’abattages dérogatoires, paru ce 21 mai, est toutefois loin de satisfaire les collectivités territoriales qui y voient une amplification des lourdeurs administratives.

Le décret fixant les modalités d’application du régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, tel que modifié par la loi 3DS (article 194), est paru au Journal officiel ce 21 mai. L’arsenal spécifique introduit à l’article L.350-3 du code de l’environnement par la loi Biodiversité de 2016 souffrait d’imprécisions à la source de nombreux contentieux et de difficultés d’application localement.

L’objectif poursuivi par le texte est donc de "clarifier" la procédure en désignant le préfet de département comme l’autorité administrative compétente pour se prononcer à l’avenir sur les atteintes éventuelles aux allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique. Il s'agit également de distinguer d’une part, une autorisation préalable pour les atteintes nécessaires aux besoins de projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagement et d’autre part, un régime plus souple de déclaration préalable pour les opérations justifiées par un autre motif alternatif (c'est-à-dire en cas de danger pour la sécurité des personnes ou des biens, de risque sanitaire pour les autres arbres, ou lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures).

Pour rappel, la loi 3DS intègre en outre ce dispositif dans l'autorisation environnementale délivrée pour l’ensemble d’un projet d’aménagement. 

Ombre portée aux maires

Force est de constater que l’argumentaire développé par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires n’a convaincu ni les associations de protection de l’environnement ni les élus locaux. Saisi les 3 novembre et 1er décembre 2022, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a émis à deux reprises un avis défavorable à l’égard de ce texte qui "complexifie", selon lui, le droit en vigueur et l’action des maires face à des situations d’urgence, et pourrait de surcroît favoriser "l’apparition de contentieux sur le sujet".

Les membres du collège des élus estiment en effet "que les maires sont les mieux à même de prendre une mesure d’abattage d’arbres". Dans la plupart des cas, l’abattage correspond en outre à une "situation d’urgence", aussi la procédure d’autorisation préalable ne peut "que retarder son action et mettre en danger les administrés".

Le ministère fait valoir de son côté que le maire dispose "d’une garantie d’information de la part du préfet". Par ailleurs en cas de situation urgente, "le maire peut intervenir et régulariser la situation a posteriori", explique-t-il. L’objet du décret est donc bien de "simplifier l’action des élus" par la création d’un plan de gestion, insiste-t-il. Ce plan de gestion - prévu pour une durée allant de 3 à 10 ans, et validé par le préfet - pourra permettre aux élus d’obtenir une autorisation de coupe sur le long terme. 

Des abattages dérogatoires soumis à compensation

L’objet du décret est de lister les informations, pièces et documents à fournir au préfet à l’appui des procédures de déclaration et d’autorisation préalables. L’étude phytosanitaire lui permet, par exemple, de s’assurer que les motifs d’abattage en cas de danger sanitaire ou sécuritaire sont avérés. Le décret prévoit également la possibilité de faire une déclaration unique pour les opérations prévues dans un plan de gestion dédié. 

Le préfet est principalement amené à contrôler l'exposé des mesures d'évitement envisagées, le cas échéant, et des mesures de compensation que le pétitionnaire (ou le déclarant) s'engage à mettre en œuvre prioritairement à proximité des alignements concernés et selon un calendrier raisonnable. Notons qu’en cas de "danger imminent" pour la sécurité des personnes, la déclaration préalable n'est pas requise. Les mesures de compensation lui sont toutefois soumises pour approbation. Le décret revient en détail sur les formalités de transmission ainsi que les délais et modalités de réponse du préfet. Celui-ci dispose ainsi d’un mois pour s’opposer aux opérations objet de la déclaration ou les subordonner au respect de prescriptions destinées à garantir l’effectivité des mesures de compensation. 

Contravention forfaitisée

Enfin, le décret introduit une contravention de cinquième classe (1.500 euros) réprimant la violation de ce régime spécifique. Il prévoit la "forfaitisation" de l’amende due faute d’avoir procédé à la déclaration ou à l’autorisation préalables, faute d’approbation du préfet (danger imminent), faute d’avoir mis en oeuvre les mesures compensatoires, ou pour avoir passé outre l’opposition du préfet ou les prescriptions destinées à garantir l’effectivité des mesures de compensation qu’il avait fixées. 

 
Référence : décret n° 2023-384 du 19 mai 2023 relatif au régime de protection des allées d'arbres et alignements d'arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, JO du 21 mai 2023, texte n° 7.