Protection de l'enfance : trois décrets, dont celui sur l'hébergement
Trois décrets concernant la protection de l'enfance ont été publiés ce dimanche 18 février au JO. Dont celui, attendu, devant théoriquement acter l'interdiction d'héberger des jeunes de l'ASE en hôtel en précisant les conditions d'accueil, "à titre dérogatoire", dans des structures "jeunesse et sport". Les deux autres concernent le mentorat et le parrainage.
Les mineurs d'au moins 16 ans et les jeunes majeurs de moins de 21 ans relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) pourront être mis à l'abri dans une structure d'hébergement dite "jeunesse et sport" pour une durée limitée, indique un décret au Journal officiel ce dimanche 17 février. Adoptée en 2022, la loi Taquet avait fixé au 1er février 2024 l'interdiction de logement à l'hôtel des enfants de l'ASE mais le décret d'application manquait à l'appel.
Cet hébergement sera possible dans une structure telle qu'"un centre de vacances ou relevant du régime de la déclaration, mais uniquement dans une situation d'urgence, et jamais plus de deux mois", a détaillé dans un communiqué le ministère chargé de l'enfance, de la jeunesse et des familles. L'accueil exigera "une surveillance de nuit comme de jour au sein de la structure", avec un "professionnel formé". "Le conseil départemental au titre de sa mission de protection assure en parallèle un accompagnement socio-éducatif et sanitaire adapté par des professionnels diplômés, ainsi que des visites régulières sur site pour vérifier les conditions matérielles de prise en charge", souligne également le ministère. Lequel insiste sur un autre point : "L'hébergement en hôtel est totalement interdit, sans dérogation possible."
D'aucuns pourtant, s'interrogent. D'ailleurs, le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), avait émis un avis négatif sur le projet de décret; évoquant, "malgré les intentions favorables d'encadrement des accueils dérogatoires", un "besoin de précisions sur le contenu et la portée effective du texte soumis".
Pour la présidente de la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale, Perrine Goulet, le décret est "insuffisant". "C'est une bonne chose que l'interdiction entre en vigueur (…). Là où je suis plus mitigée, c'est sur les conditions de taux d'encadrement (...). Le décret dit qu'il faut au minimum une personne, c'est très light si on est dans un établissement où il y a 50 enfants", a déclaré à l'AFP la députée Modem. Même déception chez le militant des droits de l'enfant Lyes Louffok, qui s'inquiète de "dérogations trop larges" et "d'un manque de précisions" qui risquent de limiter la portée du décret. "Les dérogations possibles, comme l'habilitation d'hôtels par les départements, ouvrent la porte à des contournements de la loi", estime-t-il sur X (ex-Twitter).
C'est aussi ce qu'affirme la députée LFI du Puy-de-Dôme Marianne Maximi : "Les départements continueront à faire des conventions avec des établissements hôteliers. Cette procédure reste purement 'déclarative' et rien dans ce décret ne précise quel professionnel doit s'assurer que l'accueil est adapté aux besoins fondamentaux de l'enfant. Pire, le décret autorise l'absence de professionnels éducatifs formés dans ces 'structures'. Préférant dans sa rédaction un professionnel formé à la 'surveillance', ce décret permet de continuer les placements hôteliers sans la présence de professionnels éducatifs diplômés. Les départements continueront à y orienter des jeunes fragiles et vulnérables."
Face aux interrogations, la ministre déléguée chargée de l'Enfance, Sarah El Haïri, a assuré lundi qu'il "y aura un certain nombre de contrôles qui permettront aussi d'affiner ce décret". "Rien n'est figé dans le marbre", a-t-elle ajouté, en déplacement en Meurthe-et-Moselle.
Les deux autres décrets doivent faciliter la proposition d'un parrain ou d'un mentor pour un enfant ou jeune de moins de 21 ans accueilli à l'aide sociale à l'enfance. Il s'agit, afin d'"offrir à chaque enfant de nouveaux appuis pour l’accompagner individuellement vers l’autonomie et dans son développement", d'"encourager la proposition d'un parrain ou d'un mentor pour l'enfant accueilli à l'ASE", tel que le résume le ministère. L'intervention de bénévoles, "dans un cadre associatif et donc sécurisé", apportera "soutien et accompagnement aux enfants qui le souhaitent", écrit-il.
Dans un cas comme dans l'autre (mentorat ou parrainage), une "évaluation préalable à toute décision" est réalisée pour "s'assurer de l'adéquation" du dispositif "aux besoins et à l'intérêt du mineur ou majeur pris en charge". Les décrets précisent "les missions et les rôles respectifs du conseil départemental et de l'association chargée de la mise en œuvre de l'action".
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