Protection de l’enfance : Olivier Sichel remet son rapport à Catherine Vautrin et Florence Dabin

Pour créer et rénover des places d’accueil, mais aussi pour améliorer la formation des professionnels ou encore soutenir l’autonomie des jeunes de l’aide sociale à l’enfance, la Caisse des Dépôts a des solutions à proposer aux départements et à l’État. Olivier Sichel, directeur général de la Caisse des Dépôts, les a présentées à la ministre des Solidarités et à la présidente du GIP "France enfance protégée" ce 7 janvier 2025. A l’issue de premières expérimentations, 350 millions d’euros de fonds d’épargne financeront des prêts bonifiés de long terme dans les trois prochaines années, avant une possible pérennisation de ce type de financement. L’enjeu : aider les départements à passer le cap de l’investissement pour, petit à petit, soulager le fonctionnement d’un secteur en souffrance. 

 

De l’espoir et un vent nouveau pour la protection de l’enfance ? La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin et la présidente du GIP "France enfance protégée" Florence Dabin se sont vu remettre ce 7 janvier 2025 le rapport d’Olivier Sichel, désormais directeur général de la Caisse des Dépôts – rapport qu’elles avaient sollicité en juin dernier aux côtés de Sarah El Haïry, alors ministre déléguée en charge de l’enfance. 

Des prêts de long terme pour créer et réhabiliter des places d’accueil 

Intitulé "Des propositions innovantes pour les acteurs de l’enfance protégée – Une approche écosystémique qui peut changer la donne" et élaboré en lien avec des acteurs départementaux et associatifs, ce rapport explore en particulier les défis immobiliers de l’aide sociale à l’enfance (ASE). "En 2022, pour une place en structure de protection de l’enfance (Mecs, familles d’accueil, villages d’enfants, lieux de vie et d’accueil) il y a 1,8 enfant confié à l’ASE", selon le rapport, citant la Drees. "Le parc immobilier de l’enfance protégée se révèle insuffisant et partiellement adapté", selon la Banque des Territoires-Caisse des Dépôts, qui estime que les besoins se situent entre 1,4 et 2,4 milliards d’euros pour la réhabilitation (entre 11.000 et 19.000 places) et la création (entre 5.000 et 9.000 places). La saturation du dispositif a des conséquences directes sur les décisions de justice, les délais d’exécution de décisions de placement, le recours contraint à des solutions inadaptées telles que l’hôtel et donc sur la trajectoire des enfants. 

Sollicitée par plusieurs départements dès la crise sanitaire, la Banque des Territoires a mis en place une enveloppe de prêts de long terme à taux bonifié – par une subvention de l’Etat et de la Caisse des Dépôts – ayant notamment permis la création d’une maison d’enfants à caractère social (Mecs) dans le Maine-et-Loire (voir notre article). Ouverte début juillet 2024, une enveloppe de 67,5 millions d’euros alloués a été épuisée en trois semaines, au bénéfice de 15 opérations qui permettront l’ouverture de 1.200 places dans sept régions. Pour ces opérations, les prêts représentent plus de 70% du plan de financement. La Caisse des Dépôts annonce le déploiement sur trois ans d’une nouvelle enveloppe bonifiée de 350 millions de prêts sur fonds d’épargne. Par la suite, est envisagée "la mise en œuvre d’un dispositif pérenne de prêts concessifs sur maturités longues contribuant à soutenir un vaste programme d’investissement et offrant une visibilité accrue aux acteurs". 

Des financements et de l’ingénierie pour soutenir les départements 

Si une telle opportunité représente "beaucoup d’espoir", comment les départements peuvent-ils s’en saisir alors même qu’ils sont actuellement "dans une situation qui les dépasse totalement" ? a interrogé Marie-Christine Ségui, 6e vice-présidente du Val-de-Marne, indiquant que son département pourtant pleinement engagé en matière de protection de l’enfance n’a aujourd’hui "pas les moyens d’initier quoi que ce soit". "Il y a toute une ingénierie que l’on est capable de faire", lui a répondu Olivier Sichel, évoquant les outils de l’économie mixte, la création de foncières ou encore l’appui aux associations propriétaires de leurs locaux. Est cité dans le rapport l’exemple de La Sauvegarde du Nord qui travaille à émettre des titres associatifs pour financer la réhabilitation thermique de son parc immobilier. 

"Les financements ne manquent pas, la collecte du Livret A est très forte et cette année nous avons prêté 29 milliards d’euros", ajoute le directeur général de la Caisse des Dépôts, insistant sur la capacité de ses services à "aller sur du très long terme". Présidente du département de Maine-et-Loire, Florence Dabin encourage ses collègues élus à se saisir de "ce partenariat de confiance" pour investir de façon sécurisée dans la création et la rénovation de lieux d’accueil variés. 

Investir dans la formation des professionnels 

En matière d’immobilier (voir ci-dessous la liste des propositions), la Caisse des Dépôts entend aussi mobiliser les bailleurs sociaux pour accroître l’accueil de jeunes issus de l’ASE dans des logements sociaux. Et, au-delà du logement, l’ambition est de prendre appui sur l’ensemble des missions portées par l’établissement public et ses filiales pour faciliter l’accès aux droits, dans des domaines aussi divers que la santé, les services bancaires, la recherche d’une formation et d’un emploi. Un parcours d’accompagnement à l’autonomie, prenant appui sur un "compagnon numérique " et du mentorat, est ainsi en cours d’expérimentation dans le Nord, auprès de 74 jeunes âgés de 16 à 21 ans. 

Olivier Sichel appelle également à poursuivre les travaux initiés avec l’Etat et les départements visant à faciliter l’accès des jeunes majeurs au pécule qui est géré par la Caisse des Dépôts. S’adressant à la ministre, Anne Devreese, présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), a appelé à aller plus loin en refondant les critères d’accès à ce fameux pécule, estimant non acceptable que certains jeunes en soient privés et considérant que ces inégalités sont une cause du faible recours actuel – des professionnels étant placés dans l’embarras vis-à-vis d’enfants confiés n’ayant pas les mêmes droits. 

A travers six propositions, la Caisse des Dépôts affiche également son ambition d’investir dans la formation des professionnels de l’ASE. "Nous avons absolument besoin de votre soutien", a rebondi Anne Devreese, citant les travaux actuellement menés par le Haut conseil du travail social et le CNPE pour "diversifier les formes de recrutement" en protection de l’enfance.

Sur les quatre volets développés dans le rapport – immobilier, formations, services numériques, accès aux droits -, la ministre des Solidarités s’est montrée enthousiaste. "Le champ des possibles est tout à fait ouvert", a-t-elle résumé, appelant de ses vœux une mobilisation de l’ensemble de la société pour soutenir les quelque 400.000 enfants et jeunes protégés. Avant de s’y pencher plus avant, Catherine Vautrin doit toutefois s’atteler à la priorité gouvernementale du moment : la négociation avec l’ensemble des forces politiques en vue de l’adoption des textes budgétaires et en particulier du projet de loi de financement de la sécurité sociale. 

Les 20 propositions du rapport Sichel pour la protection de l’enfance 

Augmenter, rénover et adapter le parc immobilier de l’enfance protégée 

  1. Diagnostiquer et définir des plans stratégiques de patrimoine 

2. Mettre en place un financement de long terme au service des lieux d’accueil 

3. Développer des modèles de solutions d’hébergement temporaires 

4. Mobiliser les bailleurs pour augmenter l’accueil en logement social 

5.Favoriser le passage à l’échelle des solutions innovantes comme l’accueil en résidence intergénérationnelle 

 6. Créer une plateforme écosystémique d’accompagnement aux projets immobiliers innovants 

Contribuer à l’attractivité des métiers de la prévention et de l’accompagnement 

7. Investir dans des établissements de formation de l’ASE 

8. Créer une plateforme commune à l’ensemble des professionnels leur permettant d’accéder à des formations standardisées, partager des connaissances et des pratiques éprouvées et s’informer sur les dernières évolutions du secteur 

9. S’appuyer sur la plateforme “Mon Compte Formation” pour mobiliser des dispositifs existants 

10. Développer les formations par la voie de l’apprentissage dans les professions de l’ASE 

11. Engager une nouvelle action du programme “Compétences et métiers d’avenir” 

12. Assurer une meilleure qualité de vie au travail pour les professionnels de l’ASE 

Mettre en place des services numériques structurants pour le secteur de l’enfance protégée 

13. Accélérer l’interopérabilité des systèmes d’information et des solutions logiciels métiers 

14. Mutualiser et encourager les coopérations en matière d’études et d’expérimentations pour développer des outils numériques et faciliter leur diffusion 

15. Viser la création d’un datahub de l’enfance protégée 

Renforcer l’accès aux droits des jeunes de l’ASE 

16. Déployer une action du groupe Caisse des Dépôts en faveur de l’accès à l’autonomie 

17. Développer un véritable parcours de l’autonomie des jeunes grâce à un accompagnement humain et des bouquets de services pertinents et accessibles sur application mobile 

18. Poursuivre les travaux menés sur le pécule avec l’Etat et les Départements pour identifier des solutions facilitant l’accès au pécule des jeunes à leur majorité 

19. Restituer le pécule non réclamé au bout de 30 ans au secteur de l’ASE 

20. Favoriser l’accès aux métiers d’avenir par les jeunes de l’ASE 

 

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