Projets d’aménagement : la Scet vante les mérites de l’évaluation socio-économique
Dans un livre blanc intitulé "l’évaluation socio-économique des projets d’aménagement pour une décision politique éclairée", publié ce 25 avril, le groupe Scet invite les collectivités territoriales à s’investir dans cette démarche permettant, à travers l’analyse coûts-bénéfices des projets, d'en apprécier le bénéfice global - appelé Valeur actuelle nette (VAN) -, et notamment dans leurs dimensions sociales, économiques et environnementales. Il a déjà accompagné l’évaluation socio-économique de près d’une dizaine d’opérations d’aménagement, comme à Toulouse pour le projet Paléficat-Rives de l’Hers, qui prévoit la construction de 4.000 logements sur 83 hectares.

© SCET, Citadia, et Ville en Œuvre
"Valoriser et éclairer la décision publique en objectivant ses impacts socio-économiques" : c'est le nouveau mantra du groupe Scet (filiale de la Caisse des Dépôts) qui, dans un livre blanc sur l’évaluation socio-économique des projets d’aménagement, publié ce 25 avril, insiste sur les nombreux avantages de cette analyse coûts-bénéfices et sur la méthode à mettre en œuvre pour assurer sa réussite. Bien qu’elles permettent de sortir d’une approche purement budgétaire pour une vision plus globale intégrant les externalités sociales et environnementales, les études socio-économiques (ESE) pour les projets d’aménagement restent "trop rares". Cette démarche a d’ailleurs longtemps été réservée aux infrastructures de transport, avant de devenir obligatoire en 2012 pour tous les projets d’investissement dont le financement par l’Etat ou l’un de ses établissements est susceptible de dépasser les 20 millions d’euros. Mais sa diffusion progressive au secteur de l’aménagement, le plus souvent sur la base du volontariat, prend encore d’avantage de sens à l’heure du zéro artificialisation nette (ZAN).
Fournir une vision à 360° des projets
"Obliger les maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre, détenteurs du pouvoir de faire, faire faire et financer (collectivités, EPL, bailleurs, promoteurs...) à poser un nouveau regard sur l’impact de leurs réalisations", tel est l’objectif de l’ESE, qui consiste à réaliser une analyse coûts-bénéfices (ACB) pour calculer la rentabilité du projet en fonction de ses coûts complets (financiers, sociaux, économiques, environnementaux) à long terme. "En quantifiant ex-ante les retombées socio-économiques et environnementales induites, l’évaluation socio-économique vient bousculer l’appréciation traditionnelle d’un projet au seul respect du programme, de l’enveloppe financière prévisionnelle et de son planning de réalisation", souligne le livre blanc. Le groupe Scet y voit au moins trois vertus : favoriser le bon ciblage des investissements vers les projets à forte valeur ajoutée ; objectiver les choix des décideurs au regard d’une vision à 360° des projets ; valoriser en amont ou ex post les projets ou politique de territoire auprès de financeurs, partenaires, usagers, habitants ou du grand public et garantir la traçabilité des investissements.
Le livre blanc en fournit plusieurs illustrations. Pour l’opération d’aménagement Mérignac Soleil, située entre Bordeaux et son aéroport, visant la construction de 210.000 m2 de logements et 90.000 m2 de commerces, en parallèle de l’arrivée du tramway sur cette zone, la SPL La Fabrique de Bordeaux Métropole (La Fab) a ainsi voulu valoriser son opération en renouvellement urbain, sur le volet respect de la loi ZAN, et sur sa proposition de revitaliser "la France moche" en rendant habitable et agréable cet espace urbain tout en conservant sa fonction marchande essentielle.
Il s’agit en particulier, explique la Scet, "de mieux prendre en compte les avantages et risques du projet", en utilisant une analyse coûts-bénéfices qui prend en compte des éléments variés comme le confort (thermique), l’usage (proximité, services), la praticité (mobilité) mais aussi des notions plus abstraites sur le fait de se sentir bien (propreté, sécurité), le sentiment d’appartenance pour une relation respectueuse des lieux... L’ESE peut également nourrir les éléments de conception si elle est intégrée en amont, et ainsi "dépasser la réponse technique et réglementaire à un besoin déterminé pour penser le projet dans son cycle de vie : exploitation, maintenance, entretien des extérieurs, embellissement, renouvellement, résilience aux conditions extrêmes…".
Une méthodologie complexe
C’est aussi ce qui fait toute la difficulté de l’exercice, "puisque cela veut dire quantifier les différents impacts attendus (coûts et bénéfices) pour en donner une traduction monétaire, en s’appuyant le cas échéant sur des valeurs tutélaires qui font consensus". Aujourd’hui, c’est le guide de l’évaluation socio-économique des investissements publics, élaboré par France Stratégie (auquel la Scet a contribué), et mis à jours en 2023, qui fait office de référence méthodologique en la matière. "(….) avec l’aménagement, on est sur un objet très complexe, multi-acteurs et multi-temporel. Elle [l’ESE] ne vise pas à normer les acteurs, mais bien à nourrir la décision", reconnaît Sabine Baietto Beysson, présidente du groupe de travail ayant rédigé le Référentiel méthodologique de l’évaluation socio-économique des opérations d’aménagement urbain, actuelle présidente de l’Observatoire régional du foncier. La Scet préconise ainsi des valeurs tutélaires exprimées en euros pour quantifier les bénéfices de chaque dimension d’un projet. Par exemple, le bénéfice lié à la proximité d’un îlot de fraicheur est estimé à 3,5 euros par ménage par an (correspondant à la baisse des dépenses d’électricité). La suppression d’une friche urbaine est estimée par l’impact sur la valeur des biens immobiliers à proximité grâce à l’amélioration du cadre de vie des riverains. Le prix des biens situés à une distance de 0 à 100 m d’une friche urbaine est inférieur de 3,5% au prix du marché.
Scénario sans projet
C’est de cette façon que l’on apprécie le bénéfice global que la collectivité retirera du projet, que l’on appelle aussi "valeur actuelle nette (VAN)". "Mais attention, cette valeur prise dans l’absolu ne dit pas grand-chose !", relève le groupe qui a réalisé près d’une dizaine d’évaluations socio-économiques d’opérations d’aménagement, dont celle du Paléficat-Rives de l’Hers, nouveau quartier au nord de Toulouse prévoyant près de 4.000 logements sur 83 hectares, ou du Grand Matabiau, vaste projet d’amélioration des mobilités et de renouvellement urbain du quartier de gare (3.000 logements et 200.000 m2 de bureaux sur 43 hectares). Il est nécessaire de comparer le projet avec un scénario contrefactuel (ou miroir), c’est-à-dire à ce qui se passerait sur le territoire sans le projet d’aménagement. Le processus se veut ici itératif. Ce scénario miroir "ne peut être conçu en chambre et c’est aussi ce qui en fait un moment particulièrement stimulant, source de nombreux échanges et débats avec la maîtrise d’ouvrage, qui doit impérativement être partie prenante de son élaboration pour partager et stabiliser les hypothèses retenues quant au type d’urbanisation qui se déploierait, à la nature des constructions et à leur localisation, aux charges de fonctionnement, aux équipements publics et à la consommation foncière qui surviendrait en l’absence du projet", remarque le groupe.