Projets agricoles et de prélèvement d’eau : un décret réduit les délais de recours contentieux

Un décret, paru ce 11 mai, adapte les règles du contentieux administratif s'appliquant principalement aux ouvrages hydrauliques agricoles et aux installations d’élevage. Ce texte, qui fait suite aux engagements du gouvernement pour répondre à la crise agricole, prévoit de réduire les délais de recours de quatre à deux mois, de supprimer un niveau de juridiction et de raccourcir les temps de procédure jusqu'à l'intervention d'une décision juridictionnelle irrévocable.

Alors que plusieurs milliers d’opposants se sont réunis, ce samedi 11 mai, dans le Puy-de-Dôme, pour protester contre de nouveaux projets de retenues d’eau (l’une de 14 hectares et l’autre de 18 hectares) destinées à irriguer 800 hectares dans la plaine de la Limagne, où est implanté Limagrain, le 4e semencier mondial, le gouvernement publiait, ce même jour, un décret portant le sceau des annonces faites au moment de la crise agricole, en particulier en matière de simplification. Ce texte visant à réduire les délais de recours contentieux contre les projets agricoles et ouvrages hydrauliques ("bassines") pourrait faire monter d’un cran l’ire des associations environnementales. "Pour s’adapter au changement climatique et restaurer notre souveraineté alimentaire, nos agriculteurs doivent en finir avec des procédures qui, par leur longueur, les découragent", s’est de son côté expliqué sur X le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. "Quand un projet est bon, ils doivent pouvoir le savoir rapidement pour réussir à le mettre en œuvre. Quand un projet ne l’est pas, ils doivent pouvoir le savoir rapidement pour chercher des alternatives", a-t-il ajouté. 

De premières mesures qui seront complétées par la voie législative

Concrètement, le décret permet de ramener de quatre à deux mois les délais pour former un recours contre les autorisations de prélèvements d’eau, les installations, ouvrages, travaux, activités (IOTA) et les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) agricoles. La réduction des délais de recours contentieux est par ailleurs opérée par la suppression d’un niveau de juridiction et des délais de jugement limités à dix mois. 

En matière d'ouvrages hydrauliques agricoles, le texte confie ainsi au tribunal administratif de Paris "la compétence pour connaître, en premier et dernier ressort, d'une liste de décisions administratives", précise la notice l’accompagnant. En matière d'installations d’élevage - de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi que de pisciculture -, le décret confie aux tribunaux administratifs "une compétence en premier et dernier ressort". Pour ces ouvrages et installations agricoles, le texte institue "une cristallisation des moyens ainsi qu'une obligation de notification des recours et prévoit que le tribunal doit juger en dix mois", indique également la notice. 

"Désormais, nos agriculteurs auront une visibilité plus rapide sur la conformité de leurs projets au droit, en purgeant les autorisations de tout recours en 24 mois, maximum",  s’est félicité le ministre. 

Il est à noter que le texte s'applique aux décisions administratives prises "à compter du 1er septembre 2024". Les deux retenues d'eau portées par l'Association Syndicale Libre des Turlurons (qui regroupe 36 agriculteurs, dont le président de la coopérative Limagrain) n'ont d'ailleurs pas encore fait l'objet de demande formelle d'autorisation, et leurs opposants espèrent à ce stade obtenir un moratoire. Ces "giga-bassines" se rempliront directement par pompage dans un affluent de la Loire, l’Allier, "une  zone classée Natura 2000 qui supporte localement l’alimentation en eau potable de plus de 200.000 habitants", souligne le collectif Bassines non merci. 

Ce volet réglementaire a vocation a être complété par une autre salve de mesures de simplification, prises cette fois dans le cadre du projet de loi d’orientation agricole, qui sera débattu à l'Assemblée nationale à partir de ce mardi 14 mai. Il s’agit notamment d’appliquer une "présomption d’urgence" en cas de contentieux contre les projets d’ouvrage hydraulique agricole et les grands bâtiments d’élevage classés ICPE. 

Référence : décret n°2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l'environnement en matière d'élevage et aux autorisations environnementales, JO du 11 mai 2024, texte n°16. 

 

 

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