Réforme territoriale - Projet de loi Notr : l'accord en CMP suscite des réactions contrastées
L'instauration pour les intercommunalités d'un seuil de population de 15.000 habitants assorti de clauses dérogatoires
Pour l'Association des maires de France (AMF), le seuil obligatoire de 15.000 habitants a un "caractère artificiel et inadapté", ce que prouve l'existence d'une "multitude d'adaptations".
Pour l'Association des maires ruraux de France (AMRF), le principe d'un seuil est "une absurdité", mais les dérogations "semblent laisser la place à une discussion locale".
L'Assemblée des communautés de France (ADCF) déclare "prendre acte" des nouvelles règles. L'association qui promeut l'intercommunalité ne fait donc pas preuve d'un grand enthousiasme. Au cours des débats parlementaires, l'ADCF semblait plutôt se satisfaire d'un seuil à 20.000 habitants accompagné d'assouplissements pour les territoires peu denses. Une telle exigence "a le mérite d'élever le débat et oblige à se poser des questions" confiait en décembre dernier Loïc Cauret, président délégué.
Les sénateurs centristes, dont certains - en particulier Michel Mercier - avaient défendu en seconde lecture l'instauration du minimum de population à 15.000 habitants, ont estimé que cela "permettra de préserver les bassins de vie de nombreux territoires ruraux".
La suppression des dispositions sur l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires
L'Association des maires de France s'est félicité "qu'une disposition rédhibitoire ait été levée". "En créant une nouvelle collectivité de plein exercice, c'est la disparition des communes, auxquelles les Français sont pourtant très attachés, qui était clairement engagée", indique-t-elle. Pour les maires ruraux, les députés et les sénateurs ont "évacué une tentative grossière de bouleverser notre organisation démocratique, sans débat". L'Association des petites villes de France (APVF) affiche quant à elle sa satisfaction, rappelant qu'elle s'est toujours "opposée au passage de l'intercommunalité à la supracommunalité".
A l'inverse, Nathalie Appéré, députée-maire de Rennes, qui a été l'une des principales instigatrices de l'amendement sur l'élection des conseillers communautaires, a exprimé des regrets, parlant dans un twitt d'un "rendez-vous manqué". "Il était sans doute trop tôt pour franchir cette étape, aussi nécessaire soit-elle pour donner davantage de leviers de contrôle démocratique à nos concitoyens", a-t-elle également écrit sur son site internet.
La révision de la carte intercommunale
L'échéance du 31 décembre 2016 prévue par le texte "n'est évidemment pas adaptée à la réalité des situations de terrain" déclare l'ADCF. Pour l'AMF, il est nécessaire de "desserrer le calendrier, les délais retenus étant irréalistes".
Les compétences des communautés
Les transferts en matière d'eau et d'assainissement aux intercommunalités correspondent à "une avancée attendue" a déclaré l'ADCF. Quant à leur report à 2020, ils permettront de "lever les blocages". Ce sur quoi l'APVF est d'accord : la nouvelle échéance "permettra une adaptation sereine et efficace du cadre renouvelé de leurs missions". Mais l'AMF déplore qu'aucune étude d'impact n'ait préalablement évalué l'efficience et le coût de ces transferts.
Aussi bien l'AMF, l'AMRF, l'APVF que les sénateurs saluent le maintien des règles votées l'année dernière sur le transfert du plan local d'urbanisme (PLU) aux intercommunalités.
Les compétences des départements
Les sénateurs centristes ont rappelé que les collèges et la voirie demeurent des compétences départementales. "Des transferts incompatibles avec l'exigence de proximité voulue par nos concitoyens" ont ainsi été "évités". Dans une vidéo diffusée sur le site du Sénat, Philippe Bas, président de la commission des lois, s'est réjoui de son côté de la "reconnaissance pleine et entière du rôle des départements".
Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), s'est déclaré quant à lui "mitigé". L'accord obtenu en CMP est "une réponse malheureusement trop partielle aux attentes des départements", a-t-il réagi. Il "regrette tout particulièrement la confirmation du transfert des transports scolaires à la région". S'agissant des ports maritimes, il "constate que les départements pourront candidater et conserver cette compétence".
Sur la même longueur d'onde, Benoît Huré, président du groupe de droite, du centre et des indépendants, a parlé d'un "accord en demi-teinte". Il est "particulièrement regrettable que la CMP acte le transfert aux régions des politiques d'aide au monde économique ainsi que celui des transports scolaires". "Cette nouvelle organisation sera source de complexité et de lenteur", a-t-il conclu.
A l'opposé, Jean-Christophe Fromantin, député UDI très présent durant le débat sur la réforme territoriale, aurait aimé que le projet de loi final concrétise les premières déclarations du Premier ministre sur le département. "Plutôt que de supprimer les départements (...) on consolide à nouveau les strates territoriales et on renforce le surpoids administratif dont souffre la France", a-t-il regretté.
Les compétences des régions
L'Association des régions de France n'a pas fait connaître sa position sur le projet de loi tel qu'adopté en CMP. Elle attend le vote définitif par les deux assemblées pour le faire.
Philippe Bas a déploré que le Sénat n'ait pas obtenu "une vraie décentralisation" de la politique de l'emploi au bénéfice des régions.
Pour exercer ces nouvelles compétences, les régions se verront attribuer une part supplémentaire de CVAE. Un souhait du gouvernement qui inquiète beaucoup les présidents de départements.
Selon la députée Nathalie Appéré, l'Assemblée nationale et le Sénat procéderont le 16 juillet prochain au vote définitif sur le texte. Des parlementaires (en particulier Patrick Devedjian) ont déjà annoncé qu'ils comptaient saisir le Conseil constitutionnel, notamment pour contester des dispositions sur le Grand Paris.