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Environnement - Projet de loi Biodiversité : le Sénat adopte plus de 200 amendements en commission

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a achevé le 8 juillet son examen en première lecture du projet de loi "pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages". Elle a adopté au total 225 amendements. De nombreux articles ont été supprimés, dont ceux interdisant les bâches publicitaires sur les monuments historiques et celui créant des zones prioritaires pour la biodiversité. Parmi les ajouts, les sénateurs ont introduit le préjudice écologique dans le Code civil. Ils ont aussi soutenu les mesures introduites à l'Assemblée sur la gestion de l'eau, tout en retouchant la rédaction des articles.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a examiné en première lecture les 7 et 8 juillet le projet de loi "pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages", adopté le 24 mars dernier par l'Assemblée nationale. Sur les 564 amendements soumis à son examen, la commission, qui était saisie sur le fond, en a finalement adopté 225, à l'initiative de son rapporteur, Jérôme Bignon, et de sénateurs de l'ensemble des groupes politiques. Dans un communiqué, elle affirme ainsi avoir voulu donner à la protection de la biodiversité "une vision moderne et dynamique" et souhaité "valoriser l'incroyable richesse de la biodiversité française, notamment dans ses territoires ultramarins, loin de toute posture idéologique". "Si le texte doit être ambitieux, il ne doit pas être perçu comme culpabilisant ou punitif par les agriculteurs, les chasseurs, les collectivités locales ou tout autre agent économique. Il doit mobiliser l'ensemble de ces acteurs au profit d'une vraie protection de la biodiversité", a prévenu Hervé Maurey (UDI-UC, Eure), président de la commission.

Un "Parlement" de la biodiversité

Parmi les amendements retenus, les sénateurs ont voulu clarifier les rôles respectifs du Comité national de la biodiversité et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Autour de ses principaux acteurs, le premier a vocation à être le "Parlement de la biodiversité" auquel tous les textes devront être soumis et la seconde l'opérateur chargé de la mise en œuvre des mesures en faveur de la biodiversité. "Le Comité national de la biodiversité est composé de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, des établissements publics nationaux oeuvrant dans le champ de la biodiversité, des organismes socio-professionnels concernés, des propriétaires et des usagers de la nature, des associations, organismes ou fondations oeuvrant pour la préservation de la biodiversité, des gestionnaires d'espaces naturels, des scientifiques ou représentants d'organismes de recherche et de personnalités qualifiées", a précisé un amendement de Jérôme Bignon.
Parmi les amendements concernant l'AFB, le rapporteur a obtenu que soit rendue systématique la création de délégations territoriales de l'AFB. Un comité d'orientation pérenne pour les territoires ultramarins est également prévu. Les alinéas relatifs à la composition du conseil d'administration de l'AFB ont aussi été réécrits, en supprimant les précisions sur le nombre de personnes présentes dans chaque collège, au motif que cela relève du domaine réglementaire.

Gouvernance de l'eau

Concernant la gouvernance de l'eau, la commission du développement durable du Sénat n'a pas supprimé les articles introduits par Delphine Batho à l'Assemblée nationale mais les a modifiés en partie. Alors que la députée des Deux-Sèvres proposait de diviser en deux le collège actuel des usagers (40%) dans les comités de bassin, pour assurer une meilleure représentation des usagers domestiques et des associations environnementales (20%) par rapport aux usagers économiques (20%), le rapporteur de la commission sénatoriale revient à un collège unique de 40%. Il a cependant précisé que ce collège "est composé de trois sous-collèges, comprenant chacun des représentants respectivement des usagers non professionnels, des usagers professionnels des secteurs de l'agriculture, de la pêche, de l'aquaculture, de la batellerie et du tourisme et des usagers professionnels du secteur industriel et de l'artisanat", et que chacun des sous-collèges "élit un vice-président en son sein". Quant à la prévention des conflits d'intérêts chez les membres du conseil d'administration des agences de l'eau, elle est renvoyée à un décret sur les "règles de déontologie" qu'ils devront respecter. Un amendement de Jérôme Bignon précise en outre que l'action des agences de l'eau s'exerce, concernant la biodiversité terrestre, dans le cadre des stratégies régionales pour la biodiversité.

Rationaliser le mécanisme de compensation écologique

Le rapporteur a par ailleurs défendu un amendement pour étendre la possibilité de confier aux établissements publics de coopération environnementale des missions dans tout le champ des missions de l'AFB, à l'exception des missions de police, et faire en sorte que ces missions puissent s'exercer dans le cadre d'une délégation de cette agence.
La commission sénatoriale a également voulu rationaliser le mécanisme de compensation écologique. Un amendement prévoit un agrément préalable par l'Etat des opérateurs de compensation. La commission a également instauré un suivi par l'AFB, et prévu de renforcer la nature contractuelle du mécanisme. "L'AFB réalise un inventaire national afin d'identifier les espaces naturels à fort potentiel écologique, appartenant à des personnes morales de droit public et susceptibles d'être mobilisées pour mettre en œuvre des mesures de compensation", a encore prévu Jérôme Bignon dans un article additionnel. La commission a en outre voulu sécuriser le dispositif des obligations réelles environnementales en précisant le contenu du contrat ainsi que les relations entre obligations réelles et contreparties.

Les zones prioritaires pour la biodiversité à la trappe

Par ailleurs, la commission a supprimé l'obligation d'installer des toitures végétalisées ou des dispositifs de production d'énergies renouvelables sur les surfaces commerciales. Autre suppression voulue par les sénateurs Les Républicains et UDI : celle des zones prioritaires pour la biodiversité. Elles représentent un "zonage supplémentaire pour les agriculteurs", ont-ils fait valoir. Or, "il convient de n'imposer de nouvelles pratiques agricoles qu'en concertation avec la profession, et en compensant les surcoûts que cela représente pour les agriculteurs".
Certains moyens d'action du Conservatoire du littoral sont en outre facilités. L'article 49 du projet de loi prévoit, en cas de renonciation de la commune, la priorité de transfert des biens vacants et sans maître au Conservatoire de l'espace littoral lorsque celui-ci est territorialement compétent et qu'il en fait la demande. Un amendement communiste élargit la liste des biens pouvant faire l'objet de ce transfert à l'ensemble des biens définis par l'article L.1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. La rédaction proposée permet aussi aux conservatoires régionaux d'espaces naturels de bénéficier de cette disposition.

Maintien de la procédure d'inscription des sites

La commission sénatoriale a en outre rétabli la procédure actuelle d'inscription des sites. "Il serait regrettable qu'un outil historique de la préservation du patrimoine naturel soit remis en cause, pour des gains administratifs et budgétaires réduits", a jugé Jérôme Bignon. Les sénateurs ont également supprimé l'article 74, qui proposait d'interdire les bâches publicitaires sur les immeubles classés ou historiques. Cette mesure priverait "ces édifices de recettes considérables, pourtant nécessaires à leur entretien et à leur rénovation", a justifié le rapporteur. Depuis sa création en 2008, ce dispositif a rapporté 17 millions d'euros en Ile-de-France, essentiellement à Paris, a fait valoir Jérôme Bignon. Par ailleurs, a-t-il argué, "celui-ci est très encadré, puisqu'il est limité à la durée des travaux et fait l'objet d'un régime d'autorisation spécifique, dérogatoire au droit de la publicité et des enseignes".
Par la création d'un article additionnel, la commission a également introduit la notion de préjudice écologique dans le Code civil en reprenant la proposition de loi de Bruno Retailleau, sénateur de Vendée, qui avait été adoptée à l'unanimité au palais du Luxembourg le 16 mai 2013.
A l'issue de l'examen en commission, aucune date pour la discussion du projet de loi en séance publique du projet de loi n'a encore été annoncée.
 

 

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