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Environnement - Procès de l'Erika : de l'indemnisation du préjudice écologique à la responsabilité environnementale

Les régions du littoral atlantique et les organisations de défense de l'environnement ont unanimement salué le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 16 janvier qui a reconnu l'existence d'un "préjudice écologique" à la suite de la gigantesque marée noire provoquée par le naufrage de l'Erika dans le golfe de Gascogne le 12 décembre 1999. Pour le tribunal, "les collectivités territoriales qui reçoivent de la loi une compétence spéciale en matière d'environnement leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion et la conservation d'un territoire, peuvent demander réparation d'une atteinte causée à l'environnement sur ce territoire". Cependant, seul le département du Morbihan a été indemnisé à ce titre et a obtenu 1,015 million d'euros de dommages et intérêts. Contrairement à la Vendée, à la Loire-Atlantique et au Finistère, il a été en effet le seul à invoquer un préjudice écologique compte tenu de sa compétence en matière d'espaces naturels sensibles (662 hectares alors qu'au total 400 km de côtes ont été souillées).
Les autres collectivités territoriales ont quant à elles été indemnisées au titre du préjudice matériel et d'image. La région Bretagne va ainsi percevoir 5,5 millions d'euros, les Pays-de-la-Loire 4,7 millions d'euros et Poitou-Charentes 1 million d'euros. Les départements ont obtenu de 1,1 million d'euros (Vendée) à 5,3 millions d'euros (Loire-Atlantique). Des villes comme Saint-Nazaire et Pornichet recevront 500.000 euros et des EPCI telle la communauté d'agglomération de Lorient 300.000 euros.
Le tribunal correctionnel de Paris a aussi reconnu que les associations de défense de la nature peuvent se voir allouer des dommages et intérêts non seulement au titre "du préjudice matériel et moral, directs et indirects, causés aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre, mais aussi de celui résultant de l'atteinte portée à l'environnement". Ainsi 300.000 euros ont été alloués à la Ligue de protection des oiseaux (LPO).

 

Un précédent en Languedoc-Roussillon

Pour autant, si cette décision, du fait de son fort retentissement dans les médias, apparaît comme symbolique et inédite, elle n'est en réalité que le prolongement d'une jurisprudence déjà établie et surtout un avant-goût de la directive communautaire sur la responsabilité environnementale qui n'a pas encore été transposée en droit français.
Déjà, le tribunal de grande instance de Narbonne dans un jugement du 4 octobre 2007 avait reconnu "un préjudice environnemental" au parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée suite à une pollution par un déversement accidentel d'insecticide. Le parc, situé sur la côte languedocienne, est composé de 20 communes classées et 7 communes associées sur un périmètre de 80.000 hectares. Bien évidemment, les sommes qui ont été allouées au titre du préjudice ne sont en rien comparables à celles de l'affaire de l'Erika, mais le juge avait déjà considéré que "le parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, compte tenu de sa mission légale (...)" justifiait de l'intérêt direct à obtenir réparation du préjudice environnemental et lui avait accordé à ce titre une réparation de 10.000 euros.
Au-delà de la jurisprudence, il semblerait que le juge ne fasse qu'anticiper la transposition de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 publiée au JOUE L 143 du 30 avril 2004 relative à la responsabilité environnementale, transposition qui aurait dû intervenir avant le 30 avril 2007. Le projet de loi de transposition, préparé par Nelly Ollin, ministre de l'Ecologie du gouvernement Villepin, avait soulevé quelques inquiétudes de la part des associations de défense de l'environnement. Celles-ci s'interrogeaient sur le champ d'application restreint de ce texte. La nouvelle rédaction de ce texte pourrait subir les répercussions de l'actualité juridique, en confirmant la notion de "préjudice environnemental", fondé sur le principe du "pollueur-payeur", dont les objectifs sont de  prévenir et de réparer les dommages environnementaux.
 

Virginie Verdier-Bouchut / Proximum, avec Anne Lenormand

 

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