Présidentielle : la montagne œuvre pour le "bien commun"
A un peu plus de deux semaines de l'élection présidentielle, l'Association nationale des élus de montagne (Anem) adresse aux candidats les 85 propositions de son livre blanc adoptées lors de son dernier congrès. Son leitmotiv : la montagne est un "bien commun qui doit être protégé et qui bénéficie à l’ensemble de la communauté nationale".
"Château d’eau", "poumon" de la France, "terrain de jeux préféré des Français", "richesse millénaire"… La montagne s’invite à son tour dans l’élection présidentielle. Sacrifiant à l’exercice du moment, l’Association nationale des élus de la montagne (Anem) a transmis ses attentes et propositions aux candidats, ce mercredi 23 mars. "Nous souhaitons que le ou la futur(e) président(e) de la République soit attentif à nos propositions liées aux spécificités de la montagne en ayant à l’esprit qu’elle représente plus qu’un quart de la superficie de la France métropolitaine et d’outre-mer et 6 millions de Français", appuie l’Anem, dans un communiqué, accompagné des 85 propositions de son livre blanc validées lors de son dernier congrès au Grand-Bornand, après un an de travail. "La montagne est un bien commun qui doit être protégé et qui bénéficie à l’ensemble de la communauté nationale", pose l’Anem. Dans son livre blanc, elle estime qu’il ne s’agit plus seulement aujourd’hui "de compenser ses handicaps", "mais surtout de donner à la montagne les moyens de valoriser ses atouts". Le document insiste longuement sur ces aménités, les bienfaits que la montagne procure à l’ensemble de la population ; la première de ces bienfaits étant la ressource en eau. L’Anem souhaite remettre sur la table la question de la taxe Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et celle du maintien des compétences eau et assainissement aux communes. Elle rappelle par ailleurs que l’hydroélectricité représente la moitié de la production d’électricité renouvelable en France (50,3%) et constitue un levier de développement essentiel pour les territoires ruraux, en particulier en zone de montagne. Elle encourage la création de petites centrales hydroélectriques.
Un tiers de la forêt métropolitaine
Alors que la montagne représente le tiers de la forêt métropolitaine (5,4 millions d’hectares sur 16,2), l’Anem réclame un plan d’action en faveur de la gestion des petites forêts privées. Poumon vert, la forêt est aussi un gâchis économique, s’indigne l’Anem prenant l’exemple de la Corse où la forêt couvre 58% de l’île alors qu'elle importe 90% de sa matière première. La forêt privée y représente 80% du total mais se trouve "excessivement morcelée", ce qui, comme ailleurs, rend difficile une gestion durable. L’Anem propose d’expérimenter dans chaque massif une gestion commune des forêts publiques et privées et de créer un "plan local forestier", document unique sur cinq ans de gestion des forêts à l’échelle d’un territoire : l’exploitation groupée des parcelles serait redistribuée à l’ensemble des propriétaires. L’Anem propose aussi de soumettre à autorisation les coupes rases et d’encourager via des aides la technique du débardage par câble plus respectueux de la biodiversité.
Le ski reste la locomotive
Le tourisme représente 15% du PIB national, rappelle l’Anem, et les sports d’hiver y jouent une grande part. Le ski reste la "locomotive" avec 300 communes supports de stations, tient à rappeler l’Anem, et si le modèle de l'or blanc est de plus en plus contesté, "il est essentiel que tous les acteurs du tourisme publics et privés, restent attachés à cette vérité économique" (voir aussi notre article du 7 mars 2022). Mais la montagne c’est aussi 6.000 autres communes qui "offrent bien d’autres attraits". L’association propose de créer un nouveau classement "station climatique" dédié aux stations qui développe une offre autour du "bien être", comme le thermalisme. Elle se penche aussi sur les conditions de vie de travailleurs saisonniers et propose un véritable statut pour eux, avec des aides au logement, des formations, notamment en langues étrangères. Elle aspire aussi à relancer le tourisme social : classes de neige, colonies de vacances. L'association avance l'idée d'un "passe montagne", sur le modèle du passe culture. Beaucoup des autres propositions de l’Anem vont dans le sens du plan Avenir montagne (ascenseurs valléens, réhabilitation de l’immobilier…) dont elle souhaite la pérennisation (voir notre article du 22 octobre 2021).
Autre richesse : l’agropastoralisme de montagne qui représente 18% des élevages français et 22% du cheptel. Il permet d’entretenir 1,5 million d’hectares de prairies naturelles généralement entre 2.000 et 2.400 mètres d’altitude. Seulement l’association alerte sur le risque d’une "spirale de démotivation" des bergers et éleveurs, liée notamment à la présence des grands prédateurs pouvant déboucher sur une "régression sans précédent de l’agropastoralisme", "voire à sa disparition sur certains territoires". Le livre blanc demande de maintenir les aides à la protection, de mobiliser de nouveaux moyens (au titre de l’environnement et plus seulement de l’agriculture), de revoir les diagnostics de vulnérabilité afin d’éviter aux éleveurs d’avancer les fonds et d’expérimenter une concertation sur les mesures de protection. L’arrivée du Nutri-score (mécaniquement défavorable aux produits de montagne) n’a pas arrangé les choses. L’Anem demande d’en exempter les produits issus d’une AOP ou d’une IGP (voir notre article du 21 octobre 2021). Enfin, elle demande un bilan complet des effets actuels du changement climatique sur l’agriculture massif par massif.
Accès aux services publics
Si la montagne a des atouts, elle a aussi des handicaps et doit pouvoir compter sur un accès aux services publics, comme le prévoit l’acte II de la loi Montagne de 2016. Déplorant une implication "très inégale" des grands opérateurs de service public en montagne, l’Anem demande par exemple de développer dans tous les territoires de montagne les espaces France services itinérants. Elle demande aussi un assouplissement de la labellisation des maisons France services, avec un seul emploi à temps plein par exemple (au lieu de deux). Elle s’inquiète aussi de la démographie médicale. Là encore c’est l'application de la loi de 2016 qui est invoquée, en particulier son article 18 qui prévoit l’adaptation des projets régionaux de santé et des schémas interrégionaux d’organisation des soins. Une "spécificité" montagne qui, trente-sept ans après la loi Montagne, a encore du mal à s'imposer.