Le Nutri-score : "un péril mortel" pour les producteurs de fromage AOP
Alors que la stratégie "De la ferme à la fourchette" adoptée par le Parlement européen le 21 octobre prévoit de généraliser le principe du "Nutri-score" à l’échelle européenne, les producteurs de fromage en AOP sont vent debout contre ce mécanisme qui les pénalise. Sans le remettre en cause, le ministre de l’Agriculture a annoncé, jeudi 21 octobre, lors du 37e congrès de l’Anem, qu'il souhaitait revoir la méthode de calcul.
"On est dans une spirale infernale. Aidez-nous pour qu’on puisse encore vivre de notre métier." Marie-Louise Donzel, vice-présidente du département de Haute-Savoie et productrice de reblochon dans les Aravis a interpellé le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie sur l’impact du "Nutri-score" sur les producteurs de formages en AOP, jeudi 21 octobre, lors du 37e congrès de l’Anem (Association nationale des élus de la montagne) au Grand-Bornand. Cet étiquetage à cinq couleurs et autant de lettres qui vont de A à E (sur le modèle de l’efficacité énergétique des logements) a été instauré en 2016 en France pour mettre en avant la qualité nutritionnelle des aliments. Encore non obligatoire, il s’impose peu à peu sur les étals des supermarchés. Mais la Commission européenne et la France envisagent de le rendre obligatoire d’ici à 2023 pour toutes les denrées alimentaires. Une mauvaise nouvelle pour les produits laitiers par nature mal notés. Les fromages de brebis comme le roquefort sont tout particulièrement sur la sellette, compte tenu de leur forte teneur en sel. "95% des formages vont être classés en D et en E (…) ce qui veut dire liés à une mauvaise composition dangereuse pour la santé, alors que nos fromages ne sont pas des produits transformés", a regretté l’élue. C’est pour elle "une épine bien profonde" dans le pied de ces producteurs qui ont déjà des difficultés pour trouver de la main-d’œuvre, a-t-elle expliqué.
De lourdes conséquences
Les conséquences d'un mauvais classement sont lourdes : interdiction de faire de la publicité à la télévision aux heures de grande écoute, dans les prospectus de supermarchés, interdiction de commercialiser ces produits dans la restauration collective… Sans parler du risque de voir les consommateurs se détourner de ces produits, pourtant symboles de la gastronomie française. "Nous demandons que les AOP soient exclues des Nutri-scores", a-t-elle insisté. "Vous êtes conscients du danger qui nous guette", a abondé la députée du Doubs Annie Genevard, signataire d’une proposition de loi déposée cet été visant à exclure les AOP et les IGP du Nutri-score. L’ancienne présidente de l’Anem a cité l’exemple du comté, une "filière économiquement viable", qui fait que chaque départ à la retraite est aujourd’hui remplacé, mais dont l’équilibre pourrait se trouver soudainement fragilisé. "Il y a un péril mortel pour nous", a-t-elle lancée au ministre. Sans sous-estimer ces difficultés, le ministre a posé deux conditions : revoir la méthode utilisée et généraliser le Nutri-score au niveau européen pour éviter des distorsions de concurrence entre producteurs de différents pays. La lettre du Nutri-score est attribuée sur un critère de quantité, prenant en compte, pour 100 grammes ou 100 millilitres de produit, sa teneur en nutriments, a -t-il rappelé. "Ceux qui ont inventé le Nutri-score ont figé les quantités", a-t-il regretté. Le ministre souhaite aussi une généralisation au niveau européen. Ce qui semble bien parti avec le vote du Parlement européen, le 19 octobre, de la stratégie "De la ferme à la fourchette" qui prévoit d'instaurer un étiquetage européen. La Commission devrait présenter un texte d'ici la fin de l'année 2022.