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Politique de la ville - Premières statistiques sur les nouveaux quartiers prioritaires : effectivement, ça va plus mal que partout ailleurs

Opération "recentrage" réussie pour la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. Les premières données sur les 1.300 nouveaux quartiers, publiées dans le cadre de l'ouvrage "France, portrait social" 2014 de l'Insee, montrent que tout va effectivement plus mal que dans les 2.300 quartiers précédents. 31% des ménages perçoivent de "faibles revenus", 25,7% reçoivent au moins une allocation chômage, 64,4% sont locataires HLM, 7% des ménages sont des familles monoparentales et 7,5% des familles nombreuses...

Alors que les contours définitifs des futurs quartiers prioritaires de métropole ne sont pas encore finalisés, l'Insee publie dans le cadre de l'édition 2014 de son portrait social de la France (voir également notre article du jour ci-contre), une étude comparant l'ancienne et la nouvelle géographie prioritaire issue de la loi Lamy du 21 février 2014 (*). Menée en partenariat avec le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'étude s'attache à identifier les effets statistiques observés en métropole après le recentrage de la géographie prioritaire sur 1.300 quartiers (contre 2.300 auparavant, comprenant les périmètres des ZUS / zones urbaines sensibles et des Cucs / contrats urbains de cohésion sociale), concernant 700 communes (au lieu de 900 auparavant) et 4,7 millions d'habitants (au lieu de 7,8 millions auparavant).

31% des ménages à faibles revenus, contre 22% dans l'ancien zonage

Le recentrage s'est effectivement effectué vers ceux qui en ont le plus besoin. En termes de revenu, évidemment, puisque c'était le critère de délimitation des nouveaux quartiers prioritaires. La part des ménages à "faibles revenus" (soit ceux touchant moins de 5.829 euros par an et par unité de consommation) est de 31,4% en moyenne pour l'ensemble des quartiers de la nouvelle géographie prioritaire, alors qu'elle ne représente que 21,9% en moyenne si l'on prend les périmètres des quartiers de l'ancienne géographie prioritaire (ZUS + Cucs) et 8,1% pour la France métropolitaine dans son ensemble.
Le critère unique de revenu, parfois contesté, "résume bien les différentes dimensions urbaines, géographiques et sociales de l'ancienne géographie de la politique de la ville", a constaté l'Insee, prouvant ainsi la corrélation de l'indicateur revenu avec les autres indicateurs autrefois retenus pour délimiter les ZUS. Les nouveaux quartiers affichent des caractéristiques "plus prononcées" que les anciens, souligne Valérie Darrieu, chef du bureau Observation des territoires en politique de la ville au CGET. "Plus prononcés", mais pas dans les mêmes proportions.

Plus de locataires HLM, plus d'allocataires chômage, plus de jeunes…

Il y a ainsi beaucoup plus de ménages locataires HLM qu'avant (64,4%, contre 46,8% dans les périmètres des anciens ZUS et Cucs et 13,8% dans la France métropolitaine). Il y a un peu plus de ménages recevant au moins une allocation chômage (25,7%, contre 22,3% en périmètre ZUS + Cucs et 16,7% dans la France métropolitaine). Les habitants sont, en moyenne, encore plus jeunes (24,6% ont moins de 14 ans, contre 21,6% en périmètre ZUS + Cucs et 17,5% dans la France métropolitaine). La part des familles monoparentales est plus élevée également (7%, contre 5,7% en ZUS + Cucs et 3,4% dans la France métropolitaine) ainsi que celle des familles nombreuses (7,5% des ménages sont composés de six personnes ou plus, contre 5,3% en ZUS + Cucs et 2,4% dans la France métropolitaine).
Les logements sont également plus petits eu égard à la taille des ménages, puisque dans l'ensemble des quartiers prioritaires de la nouvelle géographie, la moitié des ménages disposent dans leur logement de moins de 28,7 m2 par personne (31,7 m2 en ZUS + Cucs et 39 m2 dans la France métropolitaine). La mobilité résidentielle y est aussi plus importante : 47,1% des ménages sont dans leur logement depuis moins de 5 ans, contre 45,2% en ZUS + Cucs et 41,9% dans la France métropolitaine)

Quatre profils de quartiers prioritaires

Entrant dans le détail de ces données exprimées en moyenne, l'Insee a identifié quatre profils de quartiers de la nouvelle géographie prioritaire. Le premier profil est caractérisé par une forte proportion de logements HLM (79,4% des ménages contre 64,4% dans les autres quartiers de la nouvelle géographie prioritaire) accueillant des familles nombreuses (3,3% sont des ménages de 6 personnes ou plus). La mobilité résidentielle y est plus faible de 5 points par rapport aux autres quartiers prioritaires (mais identique à l'ensemble des agglomérations de plus de 10.000 habitants de France métropolitaine). Ils sont principalement situés dans des métropoles (Paris, Lyon et Marseille), un peu également dans des agglomérations de l'est de la France ou proches de celle de Paris. Ce profil regroupe 37% des quartiers prioritaires.
Le deuxième profil est marqué par beaucoup de logements HLM (80,6%), principalement situés en ville-centre d'agglomération, où les familles monoparentales sont surreprésentées (9,1% des ménages contre 7% pour les autres quartiers prioritaires). C'est là que l'on trouve le plus de ménages à faibles revenus (33,8%, contre 31,4% dans les autres quartiers prioritaires et le plus de ménages recevant au moins une allocation chômage (27,3% contre 25,7%). Ce profil regroupe 29% des quartiers prioritaires. Ils sont situés principalement sur le littoral ouest ou dans la moitié nord de la France.

Des quartiers avec moins de HLM

Le troisième profil regroupe davantage de quartiers "entrant" dans la géographie prioritaire. Ils sont situés majoritairement dans le sud de la France et rassemble 17% des quartiers prioritaires. Leurs caractéristiques : une population plus âgée (16,2% ont plus de 65 ans, contre 12,1% dans les autres quartiers prioritaires), une mobilité résidentielle plus forte (53% des ménages sont dans leur logement depuis moins de 5 ans, contre 47,1%), il y a autant de logements HLM que de logements privés (50,2% des habitants sont des locataires HLM, "l'autre moitié est principalement locataire d'une présidence privée", indique l'Insee sans préciser s'il s'agit de copropriétés dégradées ou non).
Le quatrième profil compte encore moins de logements HLM que le précédent (30,4%). Ces quartiers d'"habitat mixte", ainsi que les qualifie l'Insee, représentent 16% des quartiers prioritaires et se situent principalement dans la ville-centre de l'agglomération de Toulon, les agglomérations de Douai-Lens ou encore Béthune. C'est là où on trouve le plus de propriétaires de leur logement (plus de 20%) et l'habitat ancien est surreprésenté (11% du bâti contre 7% pour l'ensemble des quartiers prioritaires). Ce sont également ces quartiers qui comptent le moins de familles monoparentales (5,8%, contre 7% en moyenne dans les quartiers prioritaires).

La "banlieue" n'est plus ce qu'elle était

"Les équilibres des grandes régions sont globalement maintenus", souligne l'Insee. La région parisienne, le nord de la France et le sud-est continuent à concentrer les territoires urbains les plus fragilisés mais d’autres territoires comme le Centre, le Languedoc-Roussillon ou la Picardie abritent désormais davantage de quartiers prioritaires. En région parisienne, le poids relatif de la Seine-Saint-Denis a augmenté (de 9% à 14%) tandis que celui de la ville de Paris a reculé (de 4,5% à 3,0%).
"Les quartiers prioritaires sont toujours situés majoritairement dans les grandes agglomérations", observe l'Insee. Dans la nouvelle géographie comme dans l’ancienne, 39% de la population vit dans une agglomération d’au moins 200.000 habitants hors Paris et presqu’un tiers vit dans l’agglomération parisienne.
Comme auparavant, environ la moitié de la population couverte réside dans une ville-centre d’agglomération et l’autre moitié en banlieue. C'est une moyenne. Car au sein de l’agglomération parisienne, la population de la nouvelle géographie prioritaire se situe dorénavant plus souvent en banlieue qu’en ville-centre.
Alors que hors agglomération parisienne, la tendance est inverse. Déjà, on y trouvait auparavant les deux tiers des quartiers prioritaires dans la ville-centre des agglomérations et un tiers seulement dans la banlieue. La population de la nouvelle géographie prioritaire se trouve encore un peu plus souvent dans la ville-centre, et un peu moins en banlieue. La paupérisation en marche de certaines villes-centre de province explique certainement autant le phénomène que le redécoupage de la géographie prioritaire lui-même. De quoi abandonner définitivement le qualificatif de "banlieue" pour désigner ces quartiers...

Valérie Liquet

(*) L'étude a porté sur les périmètres des quartiers prioritaires avant la phase de consultation des collectivités fixant précisément (et à la marge) les contours des quartiers.