Pour les entreprises de proximité, "la maison ne brûle pas mais ça chauffe"

Les entreprises de proximité ont subi une baisse de 1,4% de leur activité en volume au second trimestre 2024, d'après le bilan de l'U2P présenté le 5 septembre 2024. Les carnets de commandes commencent à se tasser et les défaillances augmentent. Pour l'U2P, les petites entreprises ne sont pas suffisamment prises en compte par les pouvoirs publics.

"L'environnement économique n'est pas folichon ; en volume d'activités, l'ensemble des petites entreprises perd 1,4% au cours du second semestre 2024." C'est le bilan tiré par Michel Picon, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), pour le second trimestre 2024. Présenté le 5 septembre 2024, ce bilan a été élaboré à partir d'une enquête réalisée par l'institut Xerfi. Sur les douze derniers mois, la tendance est même un peu plus nette avec un repli de 1,5% en volume. Elle était limitée à 1,1% en début d'année.

Les entreprises de la construction sont les plus impactées avec une baisse de leur activité de 3%, "voire -6% pour la construction neuve", a précisé Jean-Christophe Repon, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), vice-président de l'U2P. "Il y a aussi une grosse déception avec une baisse de 1,5% de la rénovation énergétique, qui est censée être une priorité nationale mais pour laquelle on entend parler d'une baisse à venir de MaPrimeRénov" et que la décision de mettre en œuvre les mesures de simplification qui avaient été identifiées n'a pas encore été prise. À noter que la Capeb a réagi ce même jour à la nomination de Michel Barnier en appelant à un "Grenelle du logement".

"Zone orange"

L'alimentation est aussi fortement impactée (-1,9%), "certains secteurs géographiques ayant mieux travaillé que d'autres avec les zones réservées aux Jeux olympiques", a souligné Joël Mauvigney, président de la Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD), lui aussi vice-président de l'U2P. Autre problème pour ce secteur : l'augmentation des prix des denrées et des flux type énergie qui n'a pas été répercutée sur les prix et qui réduit la marge des entreprises. "On est dans une zone orange, il faut être vigilant", a assuré Joël Mauvigney.

Les professions libérales connaissent une moindre dégradation (-0,8%), grâce aux métiers du droit. "Mais sur dix ans, les kinésithérapeutes ont perdu 19% de pouvoir d'achat, et des pharmacies voient leur marge baisser et sont parfois obligées de fermer", a insisté Christophe Sans, président de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et vice-président de l'U2P.

Enfin, le secteur des services et de la fabrication est stable à -0,3%. "Les coiffeurs souffrent toutefois beaucoup, comme l'automobile qui a des problématiques d'approvisionnement en pièces", a détaillé Laurent Munerot, président de la Confédération nationale de l'artisanat des métiers et des services (CNAMS), autre vice-président de l'U2P. 

Des petites entreprises pas assez prises en compte

"Les carnets de commandes commencent à se tasser, a précisé le président de l'U2P, et sur douze mois, les défaillances ont aussi augmenté de 22% selon la Banque de France, avec 60.000 entreprises qui ont fermé leurs portes en juin 2024 par rapport à juin 2023. Est-ce la fin de l'après-Covid avec des entreprises qui étaient déjà malades ou est-ce la conséquence d'une situation économique moyenne ?" À noter, 80% de ces 60.000 défaillances sont des petites entreprises… Des inquiétudes sont aussi ressenties au sujet de l'apprentissage.

"C'est pour ces raisons que nous interpellons les politiques, a insisté Michel Picon. La maison ne brûle pas encore mais ça chauffe." Pour l'U2P, les petites entreprises ne sont pas encore assez prises en compte. Et cela malgré leur poids avéré, encore confirmé par une étude publiée récemment par l'institut Terram (voir notre article du 25 juillet 2024) : elles représentent 20% des salariés et ont créé des emplois au cours des dix dernières années, alors que les grandes entreprises continuaient d'en détruire. L'idée est de pousser le nouveau gouvernement à voter le projet de loi de simplification de la vie économique qui est sur la table (voir notre article du 24 avril 2024) et de discuter entre partenaires sociaux des points à faire avancer.

"Jamais une période n'a eu autant besoin du dialogue social, nous devons démontrer la capacité des entreprises à mieux rémunérer le travail et à répondre au besoin des salariés de vivre mieux", a plaidé Michel Picon, qui a constaté que la taxation du revenu du travail (46%%) est largement plus élevée que la taxation des dividendes (30%), des retraites (14%) ou de l'héritage (6%). Une réunion était notamment prévue à la rentrée entre partenaires sociaux concernant les grilles des salaires et la rémunération du travail, à partir d'un rapport en cours de finalisation. "Nous invitons les partenaires sociaux à se réunir en urgence, détaille le président de l'U2P. Si on ne le fait pas, ça va nous péter à la figure, avec des mouvements sociaux à venir !"