Pour le Sénat, les communes nouvelles ont besoin d'un plus grand soutien
Alors que l'Association des maires de France organise ce 29 juin des Assises des communes nouvelles dans le Maine-et-Loire, la délégation sénatoriale aux collectivités fait des propositions pour conforter ces regroupements. Un rapport préparé notamment par sa présidente, Françoise Gatel, appelle à un renforcement de l'accompagnement par l'État. Il préconise aussi la correction de certains effets de seuil qui pénalisent les communes nouvelles.
Près de quatre ans après la promulgation de la loi sur l'organisation des communes nouvelles – dont elle est à l'origine –, la sénatrice Françoise Gatel plaide, avec son collègue socialiste Eric Kerrouche, en faveur de nouveaux assouplissements et d'un certain nombre de mesures pour conforter ces regroupements de communes. En effet, si quelque 800 d'entre eux ont émergé en dix ans, le mouvement marque le pas depuis le début de l'actuel mandat. Afin d'impulser un "nouvel élan", il convient d'apporter un soutien plus vigoureux, affirment les deux sénateurs, dans un rapport que la délégation a examiné ce 28 juin.
Ils estiment que ce soutien doit venir en premier lieu des services de l'État, alors que l'accompagnement des collectivités par ces derniers est "très variable d'un département à l'autre". Selon eux, la direction générale des finances publiques (DGFIP) devrait plus souvent fournir une étude d'impact financier, et la préfecture des conseils juridiques aux élus qui portent des projets de communes nouvelles.
"Bâtir un solide projet de territoire"
La recherche d'économies ou de recettes supplémentaires ne peut être la première motivation qui pousse les élus à unir leurs communes, insistent-ils par ailleurs. En prévenant que "la commune nouvelle doit, surtout, naître à partir d’un projet et d’une vision que les élus ont pour leur territoire". Sinon, "la commune nouvelle sera en difficulté". S'appuyant sur les résultats d'une enquête de la délégation, à laquelle 280 communes nouvelles ont répondu au cours du printemps, les rapporteurs conseillent de "bâtir un solide projet de territoire partagé, afin de répondre aux enjeux de gouvernance, d’accompagnement au changement et de démocratie participative". Ce projet peut être décrit dans une charte fondatrice rédigée et votée en amont de la création.
La question de la gouvernance est particulièrement délicate : 46% des élus ayant répondu à la consultation du Sénat estiment que la commune nouvelle a conduit à des difficultés dans ce domaine. Il convient de "bien réfléchir à la place des maires délégués dans le cadre de la création d’une commune nouvelle", soulignent la sénatrice d'Ille-et-Vilaine et son collègue des Landes. Le rôle de ces élus chargés de la gestion des communes historiques est particulièrement justifié dans les communes nouvelles d'une grande superficie. Mais, pour les sénateurs, cette fonction est appelée à devenir "secondaire". Ils suggèrent qu'à compter du premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle, chaque maire délégué se voie confier la fonction d’adjoint. Cette responsabilité leur serait systématiquement attribuée à partir du deuxième renouvellement.
Effets de seuils
Les sénateurs s'attaquent, par ailleurs, aux effets de seuil, qui peuvent freiner la réalisation de projets de communes nouvelles. La loi Gatel du 1er août 2019 avait déjà prévu un délai de trois ans pour se conformer à certaines obligations (aménagement d'un site cinéraire, ouverture d’un centre médico-social scolaire…) au bénéfice des communes nouvelles, qui, à leur création, franchissaient les seuils de population correspondants. Mais rien n'avait été fait pour empêcher qu'une commune nouvelle, en particulier en milieu rural, ne soit assujettie dès sa création à l'obligation d'atteindre une proportion de 25% de logements sociaux (qui concerne les communes de plus de 3.500 habitants, situées dans un EPCI à fiscalité propre de plus de 50.000 habitants). Les rapporteurs prônent donc, au bénéfice des communes nouvelles qui "conservent une identité rurale", la création, pendant "un ou deux mandats", d'un "statut particulier" qui les exonérerait des obligations en matière de logements sociaux.
Toujours en faveur des communes nouvelles présentant les caractéristiques d'un territoire rural, les rapporteurs proposent de "lisser dans le temps" les effets de seuil qui, au moment de la création, génèrent parfois une perte de dotations de l'État. Le nombre des communes nouvelles qui ont connu un tel sort est loin d'être négligeable : 21% des maires interrogés par la délégation déclarent avoir rencontré cette situation. Le sujet avait déjà été identifié avant même la préparation de ce rapport et la loi de finances pour 2023 a apporté de premiers correctifs.
Assises des communes nouvelles
Mais plusieurs mesures complémentaires peuvent encore être prises. Certaines seront d'ailleurs peut-être examinées dans le cadre de la discussion parlementaire, à l'automne, du projet de loi de finances pour 2024. Les rapporteurs indiquent en effet qu'un groupe de travail, placé sous l’égide de la ministre déléguée aux Collectivités territoriales et associant des parlementaires, a été créé, en vue de ce rendez-vous législatif.
C'est sans doute volontairement que la délégation aux collectivités territoriales a examiné le rapport la veille des Assises des communes nouvelles. L'Association des maires de France (AMF) est à l'origine de cet événement qui se tient, donc, ce 29 juin, à Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire). Intitulé "Osons la commune nouvelle", la rencontre - qui se tiendra en présence de Françoise Gatel - sera notamment l'occasion de fournir des pistes pour relancer le mouvement de création des communes nouvelles.