Social - Pour le Cese, certaines prestations sociales sont aussi des investissements
Eviter l'émergence de certaines difficultés sociales pour diminuer les dépenses qui leur sont liées. Tel est le sens de la réflexion menée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son étude sur "La stratégie d'investissement social", présentée le 11 février 2014.
Adoptée à l'unanimité par le bureau du Cese, et inspirée des pratiques de certains pays comme l'Angleterre, la Suède et l'Allemagne, l'étude recommande ainsi de concevoir certaines politiques sociales comme des investissements, qui rapportent, et non plus seulement comme des coûts. "La logique développée par le Cese repose sur une idée : certaines prestations sociales sont des investissements sociaux. Il y a un retour social (le bien-être des personnes) mais aussi économique, car si elles sont correctement faites, elles évitent des dépenses ultérieures, et permettent à plus de personnes de travailler et donc de contribuer à plus de croissance. Les effets en retour sur l'économie et la société sont donc positifs", a expliqué Bruno Palier au nom de la section des affaires sociales et de la santé du Cese.
Pour citer un exemple, le fait de faciliter la garde des enfants de moins de trois ans peut permettre aux femmes de travailler davantage. Or à l'heure actuelle, 10% seulement des enfants de moins de 3 ans sont accueillis en crèche… Même chose pour les jeunes. Il serait possible, d'après le Cese, de mieux les soutenir, en sécurisant la recherche du premier emploi ou en mettant fin à l'empilement des dispositifs locaux qui leur sont destinés. Objectif : réduire leur taux de chômage qui s'élève à 25%... Une stratégie qui revient à "mieux préparer pour moins réparer", comme l'a souligné Bruno Palier.
Le Cese identifie plusieurs domaines dans lesquels la France pourrait agir. L'accueil de la petite enfance et l'investissement dans la jeunesse en font donc partie, tout comme la formation pour tous et tout au long de la vie professionnelle (chômeurs, personnes peu qualifiées, plus de 50 ans…), la prévention en santé, l'accompagnement des personnes dépendantes, handicapées ou seules, et la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
La question du financement
L'idée n'est pas de faire table rase de ce qui existe, comme les allocations familiales ou autres prestations sociales, mais de savoir si la France peut faire mieux dans ces domaines. En matière de prévention en santé notamment, le Cese recommande de proposer un véritable parcours de prévention "citoyen" à chaque individu dès le plus jeune âge et tout au long de la vie pour favoriser le vieillissement en bonne santé de la population. "En termes de soins, des marges de progression subsistent grâce à une meilleure articulation entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, le développement de nouveaux modes de rémunération des professionnels, l'extension des maisons de santé pluridisciplinaires ou encore la mise en place effective du dossier médical personnel…", détaille l'étude.
Sous ces bonnes intentions se cachent toutefois le problème de la gouvernance à mettre en place pour réaliser ces investissements sociaux et la question de leur financement. Sur le premier point, le Cese estime qu'il faut organiser l'intervention sociale tout au long de la vie des individus et non pas de manière découpée entre les différentes étapes de la vie (jeune, senior, au chômage…). Un processus qui pourrait notamment passer par la mise en place de guichets uniques pour les personnes en difficulté. "Pour ma part, je considère qu'il est nécessaire d'élaborer des plans nationaux pour mieux coordonner les choses", précise aussi Bruno Plaire à Localtis.
Côté financement, le Cese avance plusieurs pistes. Des gains d'efficacité pourraient être réalisés dans certains domaines comme le médical ou, plus polémiques, l'alignement des systèmes de retraite ou l'évolution du quotient familial. Autre source de financement envisageable : un redéploiement des dépenses. "On peut faire des économies sur certaines dépenses sociales pour investir dans d'autres", a expliqué Bruno Palier. Enfin, la possibilité de compter sur de nouvelles ressources, dans le cadre par exemple de la réforme fiscale prévue par le gouvernement, a également été citée par le Cese pour financer les investissements sociaux.
Les idées développées dans l'étude n'ont pas toutes fait consensus au sein de la section des affaires sociales du Cese, mais l'intérêt principal du document est de les mettre sur la table des discussions. "Il n'y a pas de consensus, mais il y a une avancée : on aborde la question, et on peut voir quels sont les terrains de négociation possibles, a détaillé Bruno Palier, pour la santé, il semble y avoir maintenant un consensus ; sur les prestations sociales il n'y en a pas, mais au moins la question est posée."