Pour la Cour des comptes, l'équilibre du budget final de Paris 2024 n'est pas encore assuré
Dans un nouveau rapport sur l'organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, la Cour des comptes juge globalement positive l'avancée des réalisations. Elle souligne toutefois quelques points noirs, notamment en matière de sécurité, et attire l'attention sur un budget qui a grossi au fil des ans et dont la soutenabilité finale n'est pas encore assurée.
À un an de la tenue des Jeux de Paris 2024, l'actualité olympique bat son plein. Mercredi 19 juillet, à l'occasion d'un conseil olympique et paralympique, le président de la République a annoncé la création d'un observatoire des prix sur les meublés touristiques afin d'assurer un "accueil exemplaire" aux visiteurs, lequel pourrait être accompagné d'une "charte d'engagement sur les meublés touristiques". La veille, Tony Estanguet, président du Cojo (comité d'organisation des Jeux olympiques), avait annoncé que les recettes de partenariat avaient atteint le milliard d'euros - la Caisse des Dépôts compte d'ailleurs parmi les derniers partenaires enregistrés. Une situation qui permet au gouvernement d'estimer que "le niveau des risques budgétaires identifié à ce jour est inférieur à la réserve pour aléas du Cojo". La question du budget et des coûts de l'organisation des Jeux de Paris 2024 est justement le sujet central d'un rapport de la Cour des comptes publié ce 20 juillet.
Ce rapport, qui examine le budget révisé du Cojo adopté le 12 décembre 2022, intervient après un premier travail remis en décembre 2022 "qui n'avait pu en apprécier la soutenabilité". Huit mois plus tard qu'en est-il ? "De façon générale, les recommandations de la cour ont, pour la plupart, été ou sont en cours de mise en œuvre. La gouvernance a été resserrée et la préparation de la livraison des Jeux est désormais entrée de plain-pied dans la phase opérationnelle, tant pour ce qui concerne les services de l'État que pour ce qui relève de la responsabilité du Cojo et des collectivités territoriales, au premier rang desquelles la ville de Paris", peut-on lire.
Augmentation du coût des ouvrages olympiques…
En ce qui concerne la livraison des ouvrages olympiques, la cour se félicite "de délais et de coûts maîtrisés". Elle note cependant un bémol : "Le Grand Palais, […] est aujourd'hui le seul équipement sur lequel persiste un doute quant à sa capacité à être livré dans les temps." Et souligne que deux indexations de la maquette financière de la Solideo [Société de livraison des ouvrages olympiques], de 166 puis de 140,4 millions d'euros ont porté le budget de l'établissement public à 1.711,1 millions d'euros courants, "soit une hausse totale de 22%, deux fois supérieure aux prévisions initiales en raison d'une dynamique d'inflation sans précédent dans la période récente".
Sur l'organisation des Jeux, la cour pose un constat globalement positif, évoquant "une planification opérationnelle bien engagée mais à finaliser". Là encore elle met en avant un risque potentiel : la carence des sociétés privées de sécurité. "En dépit de la mise en place par l'État d'un plan d'action de grande ampleur pour stimuler les viviers de recrutement, dont les résultats finaux restent incertains, cette phase [opérationnelle] se heurte toutefois aux incertitudes persistantes quant à la capacité de la branche privée de la sécurité à relever le défi capacitaire des Jeux. Le recours, désormais probable, aux forces de sécurité intérieure et aux forces armées pour pallier ce déficit doit donc être anticipé", précise le rapport.
S'agissant des transports, la cour dit ne pas observer "de dérive dans le calendrier de livraison des chantiers d'infrastructures indispensables à la bonne tenue des Jeux (notamment Éole, la ligne 14, la porte Maillot et le franchissement urbain Pleyel)". Elle prévient néanmoins : "L'absence de marges de manœuvre calendaires […] exige cependant que le dispositif de suivi renforcé dont ils font l'objet soit maintenu." Mais en matière de transports, le dossier des infrastructures n'est pas le seul. La cour rappelle qu'il est "nécessaire d'accélérer les travaux relatifs au pilotage de la demande de transport", un point "essentiel pour réduire la demande de transports collectifs et routier par les usagers du quotidien lors des Jeux". Sur ce point, le gouvernement doit préparer une communication en direction des Franciliens (habitants, employeurs, responsables de grands équipements, commerces) "dans un calendrier adéquat et, dans tous les cas, d'ici la fin de l'année 2023".
… et du budget du Cojo
Le rapport de la Cour des comptes devient plus critique quand il en vient à traiter du budget pluriannuel du Cojo. Il évoque alors "une soutenabilité qui reste marquée par de fortes incertitudes". Le budget modifié du Cojo s'inscrit ainsi en progression de 573,2 millions d'euros par rapport au budget de candidature, à périmètre courant, soit une augmentation de 15,1%.
La Cour des comptes avance ici une explication multifactorielle : si une part résulte d'une inflation, exogène à l'organisation des Jeux nettement supérieure à celle anticipée, les deux tiers de cette augmentation proviennent "d'une sous-estimation évidente du budget de candidature et d'une méconnaissance de la complexité du cahier des charges du CIO [Comité international olympique] et de la difficulté de le remettre en question, ne serait-ce qu'à la marge".
À ce stade, cette hausse a nécessité une augmentation de 330 millions d'euros des recettes commerciales prévisionnelles du Cojo, ainsi que de nouvelles contributions publiques, à hauteur de 70 millions d'euros, justifiées par le besoin de financement des Jeux paralympiques, et des transferts de charges vers les pouvoirs publics à hauteur de 40 millions d'euros. "Le budget pluriannuel révisé de décembre 2022 n'offre pas de marges de manœuvre substantielles et son exécution est désormais sous une contrainte forte, sous peine de ne pouvoir en assurer l'équilibre final", pointe le rapport, avant de poursuivre : "Un effort continu et systématique de recherche de nouvelles optimisations doit être poursuivi et les plafonds de dépenses alloués aux directions du Cojo doivent être strictement respectés, le cas échéant en procédant à des redéploiements."
La Cour des comptes se montre en fait bien plus pessimiste que le gouvernement : "Rien ne permet à ce stade d'affirmer que le niveau de la réserve pour aléas, comme celui de la provision pour inflation, soient suffisants pour faire face aux risques identifiés". Elle conclut en rappelant qu'il conviendra de procéder en décembre 2023 à une nouvelle révision du budget pluriannuel du Cojo.
La cour regrette enfin qu'"aucun progrès" n'ait été réalisé depuis son rapport de décembre 2022 s'agissant du coût global des Jeux et de son impact total sur les finances publiques et affirme ne toujours pas être en mesure de les évaluer.
Dans un communiqué du 18 juillet, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a annoncé la candidature commune des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes pour accueillir les Jeux olympiques d'hiver de 2030. Le CNOSF et les deux régions mettent d'ores et déjà en avant quelques points clés de la candidature. Tout d'abord, les Jeux de 2030 "devront marquer une inflexion majeure dans le modèle d'organisation des Jeux d'hiver". Ils devront également "s'inscrire dans une stratégie plus large au niveau national sur les sports d'hiver de demain, dans un contexte de réchauffement climatique". Enfin, ils affirment "la nécessité d'utiliser les infrastructures existantes" dont certaines sont issues des Jeux d'Albertville de 1992 et leur volonté de réduire les coûts d'organisation tout en visant à faire assurer le financement des Jeux " essentiellement par des recettes de nature privée". Alors que le CNOSF a émis le souhait d'ouvrir une phase de dialogue formel avec le CIO, un travail associant l'ensemble des services concernés de l'État va être mené dans les prochaines semaines. Cette phase doit permettre, en lien avec les acteurs du sport français et de la montagne, les territoires concernés et les athlètes, d'identifier les atouts d'une candidature française dans les deux régions. L'objectif est de pouvoir arrêter "collectivement, après une large concertation", une décision mi-septembre 2023. La France a déjà accueilli les Jeux d'hiver à trois reprises : à Chamonix en 1924, à Grenoble en 1968 et à Albertville en 1992. La dernière candidature en date, celle d'Annecy pour 2018, avait été infructueuse. |