Pollution de l'air : une étude inédite sur la survenue de maladies chroniques et leur impact économique

AVC, asthme, cancer du poumon, diabète... L'exposition au long cours à la pollution atmosphérique entraîne un "fardeau considérable", sanitaire et économique, avec plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas de maladies chroniques chaque année dans l'Hexagone, conclut une étude inédite publiée ce 29 janvier par Santé publique France.

On savait déjà que 40.000 décès étaient attribuables chaque année aux particules fines. Cette fois, Santé publique France (SpF) a évalué, sur la période 2016-2019 - donc avant la pandémie de Covid - l'impact de la pollution de l'air sur le développement de huit maladies au lien avéré avec l'exposition aux particules fines et au dioxyde d'azote. Cancer du poumon, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), asthme, pneumopathie et autres infections aiguës des voies respiratoires inférieures (grippe exclue), mais aussi AVC, infarctus, hypertension et diabète de type 2 ont été explorés.

L’étude estime ainsi que "entre 12 et 20% des nouveaux cas de maladies respiratoires chez l’enfant (soit entre 7.000 et presque 40.000 cas, selon la maladie et le polluant considéré) et entre 7 et 13% des nouveaux cas de maladies respiratoires, cardiovasculaires ou métaboliques chez l’adulte (soit entre 4.000 et 78.000 cas, selon la maladie et le polluant considéré) sont attribuables annuellement à une exposition à long terme à la pollution de l’air ambiant en lien avec les activités humaines".

"Certaines populations sont plus vulnérables" : les enfants, davantage exposés à des maladies ultérieures en raison d'une capacité respiratoire entravée, les personnes âgées, les femmes enceintes, les travailleurs ou sportifs en extérieur, les fumeurs, a noté Sylvia Medina, coordonnatrice du programme Air et Santé de Santé publique France, lors d'une conférence de presse. "Réduire les niveaux des particules fines et de dioxyde d'azote dans l'air ambiant" permettrait d'éviter "plusieurs dizaines de milliers de cas de maladies" souligne l'étude menée avec plusieurs organismes partenaires.

Entre 50% et 75% de maladies évitables en appliquant les recommandations de l'OMS

Ramener les concentrations aux niveaux recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) éviterait les trois quarts des cas de maladies liées à l'exposition aux particules fines (PM2,5) et diviserait par deux celles liées au dioxyde d'azote (NO2). Ainsi, 30.000 nouveaux cas d'asthme chez les enfants de 0 à 17 ans seraient épargnés.

Si l'impact de la pollution de l'air sur les naissances prématurées et la survenue de maladies neurodégénératives comme les troubles autistiques ou Parkinson est établi, les données actuelles ne permettent pas encore de les quantifier, selon SpF. Idem pour les particules ultrafines, a précisé Sylvia Medina. Si l'"on sait que les populations les plus défavorisées ont un niveau de santé plus fragile et plus de difficultés d'accès aux soins", a rapporté Guillaume Boulanger (direction Santé Environnement Travail, à SPF), les chercheurs n'ont pas mis en évidence, à Rennes, Strasbourg, Lyon et Paris, "que les populations plus défavorisées étaient plus exposées à la pollution".

Un "poids économique" évalué à plus de 16 milliards d'euros

En revanche le "poids économique majeur" de l'impact de la pollution de l'air a, lui, été chiffré, en partenariat avec l'école Aix-Marseille School of Economics. Le résultat est de "12,9 milliards d'euros en lien avec les PM2,5, soit environ 200 euros par an et par habitant, et 3,8 milliards d'euros pour le NO2, soit 59 euros par an et par habitant". Cela comprend la consommation de ressources médicales (consultations, médicaments, hospitalisations, transports...), les ressources perdues par la société (salaires, moindre accès au marché du travail, retraite anticipée) et la perte de bien-être pour les patients, a détaillé l'économiste Olivier Chanel.

La nouvelle directive européenne sur la qualité de l'air ambiant va durcir en 2030 les seuils de particules et de dioxydes d'azote. "C'est un premier pas, qui supprimerait 15% du fardeau total des maladies prises en compte dans notre étude", a déclaré à l'AFP Guillaume Boulanger. L'objectif français reste toutefois de viser les valeurs OMS, plus ambitieuses. Ainsi, si les valeurs guides de l'OMS étaient respectées, les bénéfices seraient respectivement de 9,6 milliards d’euros (soit 148 euros par an et habitant) et 1,7 milliard d’euros (soit 26 euros par an et par habitant).

Les politiques publiques, au risque d'être impopulaires, doivent poursuivre leurs efforts sur tout le territoire et sur toutes les sources de polluants de l'air, notamment le trafic routier mais aussi le chauffage au bois, l'industrie, les émissions du secteur agricole, ont plaidé les experts. Ces dernières années, l'action s'est aussi prolongée en justice. En juin 2023, l'État a ainsi été condamné, pour la première fois, à indemniser des victimes de la pollution de l'air par un tribunal, qui a jugé que deux enfants atteints de bronchiolites et otites répétées avaient été rendus malades en raison, entre autres, du dépassement des seuils de pollution en région parisienne.