Polluants éternels : Eau de Paris porte plainte contre X

La régie chargée de l'eau à Paris a porté plainte contre X pour pollution de son réseau d'eau potable aux polluants éternels (ou PFAS), afin que les fabricants de ces substances supportent le surcoût de la décontamination.

"Le combat ne fait que commencer contre les responsables de ce scandale sanitaire. Les industriels devront répondre de leurs actes devant les tribunaux (…). Ce n'est pas aux usagers de payer la facture", a estimé la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, à l'origine de la plainte contre X déposée au tribunal judiciaire ce 28 mars par la régie municipale Eau de Paris. Celle-ci vise "les délits de pollution des eaux, de pollution des sols par abandon de déchets et de dégradation substantielle à l'environnement comme définis par le Code de l’environnement (selon les articles L.216-6, L. 231-2 et L. 173-3)", indiquent les motifs de la plainte.

Principe pollueur/payeur

Le but est d'identifier les responsabilités des producteurs des substances chimiques "per- et polyfluoroalkylées", dits PFAS ou polluants éternels, d'origine industrielle ou agricole, pour les faire contribuer au financement de la dépollution de l'eau du robinet des Parisiens. Ces coûts, évalués à "plusieurs dizaines de millions d'euros", "ont largement augmenté ces dernières années et sont portés intégralement par les usagers à travers leurs factures d'eau", a dénoncé auprès de l'AFP Dan Lert, le président d'Eau de Paris, chargée de l'approvisionnement et de la distribution de l'eau dans la capitale. La régie publique, qui avait déjà exprimé en début d'année son souhait de faire payer aux industriels les surcoûts de traitement de l’eau (lire notre article), produit en moyenne 480.000 mètres cubes d'eau par jour afin d'approvisionner les plus de 2,1 millions d'habitants de la capitale, pour une consommation journalière moyenne de 120 litres par personne.

Contrôle renforcé de l'ARS à partir d'avril

L'eau potable distribuée à Paris est "100% conforme aux normes sanitaires, grâce aux traitements mis en place, et va le rester en 2026", a tenu à rassurer Dan Lert, également adjoint écologiste à la maire en charge de la transition écologique, de l'eau et de l'énergie. Fin janvier, les associations Générations Futures et UFC-Que Choisir ont révélé la présence de TFA, une molécule PFAS, dans l’eau potable de 96% des communes testées, dont Paris (lire notre article). "L’inquiétude des usagers est légitime bien que les taux constatés à Paris dans cette étude soient inférieurs aux normes en vigueur", souligne la régie, qui rappelle qu’à partir de ce mois d’avril, les 20 PFAS réglementés seront intégrés au contrôle de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France. Cela obligera Eau de Paris à "facturer la réalisation de 147 prélèvements supplémentaires sur ses ressources et son réseau en complément de son auto-surveillance", détaille la plainte.

"On ne peut pas aujourd'hui faire peser sur les distributeurs d'eau la responsabilité de cette pollution qui, jusqu'ici, n'était pas suivie, pas réglementée et est très complexe à traiter", a réagi auprès de l'AFP Alexis Guilpart, chargé des questions d'eau à France Nature Environnement (FNE). Il a salué la démarche d'Eau de Paris, susceptible de mettre le producteur de la pollution "face à ses responsabilités".

"Périmètre très large" de contamination

Quasi indestructibles et présentes dans quantité d'objets et de produits (emballages, textiles, ustensiles de cuisine...), les substances chimiques "per- et polyfluoroalkylées", dites PFAS, s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, l'eau, la nourriture et, in fine, dans le corps humain, notamment dans le sang et les tissus des reins ou du foie. Eau de Paris fait valoir "la multiplicité" des origines possibles de ces pollutions dans les périmètres de captage : les pesticides, mais aussi les industries polluantes classées pour la protection de l'environnement (ICPE, susceptibles de créer des risques pour les tiers et riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l'environnement). La contamination concerne "un périmètre très large", a reconnu Dan Lert, puisque l'eau du robinet des Parisiens provient à 50% d'eaux de surface de la Seine et de la Marne et 50% de nappes souterraines situées en Bourgogne, en Seine-et-Marne et en Normandie.

"Atteinte à la réputation" du distributeur

La plainte vise aussi à réparer un préjudice moral pour "atteinte à la réputation" du distributeur, étant donné "qu'à chaque révélation sur les pollutions de la ressource en eau, la confiance dans l'eau du robinet se dégrade", fait valoir le président d'Eau de Paris. "C'est un moyen de mettre les autorités nationales face à leurs responsabilités dans la prévention des pollutions futures", a-t-il poursuivi, jugeant que l'État n'était "pas à la hauteur".

Début mars, Anne Hidalgo avait adressé un courrier à la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher pour demander à l'État "d'interdire les PFAS afin de prévenir leur dissémination dans l'environnement".

 

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