Polluants éternels dans l’air : les incinérateurs bientôt contraints de réaliser des campagnes de mesures
C’est une mesure prise dans la suite du plan d’actions interministériel sur les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) mis à jour en avril dernier (voir notre article du 8 avril 2024). Un arrêté, paru ce 10 novembre, impose une campagne de prélèvements et d'analyses dans les rejets atmosphériques des installations d’incinération et de co-incinération et d’autres traitements thermiques des déchets - au titre des rubriques 2770, 2771, 2971, 3520 de la nomenclature ICPE -, associée à des délais précis allant de mi-2025 à mi-2028. "Cette action vise à vérifier que l’incinération permet bien la destruction des substances PFAS contenues dans les déchets, et améliorer les connaissances globales sur la thermodégradation des PFAS", précisait le ministère de la Transition écologique lors de la mise en consultation publique du texte en juillet dernier.
Le calendrier de mise en œuvre des campagnes de mesures permet d’étaler les analyses afin de tenir compte de la faible disponibilité des laboratoires accrédités, en commençant par les installations les plus susceptibles de traiter des déchets contenant des PFAS. Les 49 substances PFAS dont la mesure est demandée par l’arrêté, ainsi que les méthodes de prélèvement et d’analyse à respecter sont basées sur "l’état de l’art", en particulier la méthode américaine de mesure des PFAS dans les émissions atmosphériques appelée "OTM-45".
Pour Amorce, plusieurs zones d’ombre et questions demeurent précisément quant à la méthode et aux modalités d’application de ces mesures. "Une phase d’expérimentation préliminaire des mesures proposées sur une dizaine d’installations est absolument indispensable avant toute édiction d’une règlementation en la matière" pour fiabiliser les valeurs limites à respecter sur les émissions et cibler les familles de PFAS, faisait-elle valoir lors de la phase de consultation du texte. Visiblement, l'association n’a pas été entendue. Et son invitation à reprendre "dans les plus brefs délais" l’examen de la proposition de loi écologiste - adoptée à l’unanimité par les deux chambres en première lecture - visant à protéger la population des risques liés aux substances PFAS, pour planifier l’interdiction progressive des PFAS dans les produits de grande consommation, n’a pas eu plus d’écho. Le député Nicolas Thierry, à l'origine de cette PPL, a interpellé la ministre de la Transition écologique à ce sujet lors de la séance des questions au gouvernement, ce 12 novembre, regrettant que les groupes politiques soutenant le gouvernement aient bloqué en conférence des présidents sa réinscription à l’ordre du jour pour adoption définitive.
En l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible d’estimer le coût que représenterait le traitement des PFAS à mettre en œuvre par les collectivités en charge de l’assainissement ou de la gestion des déchets, qui pourraient s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros. Amorce attend "un engagement ferme de l’État d’un financement du plan d’actions PFAS et particulièrement des solutions de traitement et de dépollution par les metteurs en marché de produits contenant encore des PFAS, afin d’éviter aux Français une augmentation injuste du prix et l’eau et la gestion des déchets".
Référence : arrêté du 31 octobre 2024 relatif à l'analyse des substances per- et polyfluoroalkylées dans les émissions atmosphériques des installations d'incinération, de co-incinération et d'autres traitements thermiques de déchets, J.O. du 10 novembre 2024, texte n°11. |