Politiques Jeunesse : un rôle structurant des départements amené à se renforcer ?
"La collectivité départementale joue un rôle structurant, bien que fragmenté, dans la prise en charge des jeunes", selon l’Injep qui vient de publier une étude menée en partenariat avec le laboratoire Arènes et l’Assemblée des départements de France. Alors que les régions sont depuis 2017 officiellement les chefs de file des politiques de jeunesse, elles se sont peu saisies de ce rôle, ce qui permet aux départements de se positionner sur la coordination des différentes interventions à l’échelle de leur territoire.
"Dans un contexte institutionnel marqué par la montée en compétence des conseils régionaux et le développement de l’intercommunalité dans la prise en charge des jeunes, la place des conseils départementaux demeure centrale." Dans une étude menée en partenariat avec le laboratoire Arènes et l’Assemblée des départements de France (ADF) et publiée le 29 juin 2022, l’Institut national de l’éducation et de l’éducation populaire (Injep) met le projecteur sur les politiques départementales dédiées à la jeunesse.
Il est d’abord rappelé que les départements agissent en direction des jeunes dans le cadre de trois grands ensembles de politiques publiques : les politiques sociales, "notamment à travers la politique d’aide sociale à l’enfance (ASE), mais également le pilotage du fonds d’aide aux jeunes (FAJ)", les politiques éducatives avec la "gestion des collèges (construction, rénovation, fonctionnement, équipement, restauration)" et l’"appui aux activités pédagogiques (soutien aux projets éducatifs et à l’acquisition d’outils pédagogiques, le plus souvent sous forme numérique)" et enfin les politiques dites "jeunesse", c’est-à-dire "relevant de l’action des services jeunesse". L’Injep précise que ces dernières "visent à faciliter l’accès aux loisirs (culturels, sportifs, etc.), aux vacances, à la mobilité internationale, au permis de conduire, et à soutenir l’engagement ainsi que la participation des jeunes dans une logique de développement de la citoyenneté (soutien aux projets, mise en place d’un conseil de jeunes, etc.)".
Une fragmentation des politiques dédiées aux jeunes, du fait de logiques sectorielles spécifiques
L’Injep estime que l’action départementale en faveur de la jeunesse est "fragmentée", du fait des "régulations sectorielles spécifiques" - l’action sociale, l’éducation… - mais aussi parce que "les tranches d’âge ciblées varient fortement d’un dispositif à l’autre". Alors que les départements sont face à un enjeu d’articulation entre ces différentes formes d’interventions, "cette coordination demeure, à ce jour, largement impensée – malgré les injonctions au développement de la transversalité dans l’action publique", observent les auteurs. Interrogés dans le cadre d’une enquête relayée par l’ADF, 17 départements affirment avoir une ou plusieurs instances de coordination sur les enjeux de jeunesse, 6 déclarent qu’ils sont en train d’en créer une et 22 répondent qu’ils n’en ont pas. Dans une minorité de 15 départements – sur 48 répondants -, un agent serait spécifiquement chargé d’animer la coordination interne.
À partir de deux territoires ayant fait l’objet d’une enquête qualitative – la Nièvre et l’Isère -, l’Injep observe deux cas de figure. Dans le département n’ayant pas spécialement mis en place de démarche de coordination, prévaut "une logique de répartition entre les publics considérés comme vulnérables, relevant de l’action sociale, et ceux, qualifiés de ‘tout venant’" pour le service jeunesse. Dans l’autre département qui s’efforce de "[construire] une transversalité interne" à travers un plan départemental dédié aux 12-25 ans, un poste de chef de projet, un comité de pilotage et un comité technique, le "dialogue interne" est institutionnalisé mais il reste difficile de "faire évoluer, dans le cadre d’une approche globale, chacune des politiques sectorielles les plus structurantes, notamment en matière sociale et éducative".
Région chef de file : "pas d’incidence significative" sur les politiques départementales
Quant à l’animation du partenariat sur le territoire, la moitié des départements ayant répondu à la question disposent d’une instance de dialogue sur les politiques de jeunesse (19 départements) ou sont en train de la créer (trois départements). L’Injep mentionne plus largement la "très grande diversité de partenariats" noués par les départements avec leurs partenaires – État et en premier lieu l’Éducation nationale, CAF et MSA, communes et intercommunalités, missions locales, associations… Depuis l’adoption de la loi Égalité et citoyenneté en 2017, la désignation des régions comme "chefs de file" des politiques de jeunesse n’aurait "pas eu d’incidence significative sur les politiques menées par les conseils départementaux", de l’avis de 41 départements répondants sur 45.
En substance, conclut l’Injep, les nouvelles grandes régions aux compétences élargies semblent se désintéresser de leur rôle de chef de file – "un nombre relativement limité" se seraient saisies de ce rôle -, ce qui offre une opportunité, une "légitimité nouvelle" aux départements qui "n’ont pas abandonné leur volonté de se saisir d’un rôle d’animation et de coordination partenariale à leur échelle".