Politique de cohésion : régions françaises et Länder allemands mettent la pression
Dans une déclaration commune adoptée dans le cadre des célébrations du soixantième anniversaire du traité de l’Élysée, représentants des régions françaises et des Länder allemands demandent aux institutions européennes de reporter la clôture de la programmation 2014-2020 et fourbissent déjà leurs armes pour préserver la politique de cohésion après 2027. Ils entendent par ailleurs travailler à la création d’un "Airbus du ferroviaire".
Dans le cadre des célébrations du soixantième anniversaire de la signature du traité de l’Élysée – précisément ce 22 janvier –, représentants de régions françaises et des Länder allemands se sont réunis à Strasbourg ces 17 et 18 janvier. "La troisième fois seulement de leur histoire", précise Carole Delga, présidente de Régions de France, à l’initiative de cette rencontre avec la région Grand Est. Ils ont, à l’issue de ces travaux, signé une déclaration commune qui met particulièrement en avant la politique de cohésion.
Sauver la clôture de la programmation 2014-2020
À court terme d’abord, avec la clôture de la programmation 2014-2020, qui suscite l’inquiétude, exprimée récemment lors du lancement officiel de la programmation 2021-2027 en décembre dernier, à Tours (voir notre article du 6 décembre 2022). Les Français, qui avaient vu à cette occasion leurs demandes de report rejetées par la commissaire Ferreira, reçoivent ici le renfort des Allemands. "Des risques de retards dans les contrôles nécessaires à la certification de dépenses liées à React-EU (le volet territorial du plan de relance européen, NDLR) et à d’autres programmes subsistent, si bien que les délais légaux de clôture pourraient ne pas être tenus. Ceci menace la capacité des autorités de gestion en France et en Allemagne à liquider des dépenses", alertent ainsi les signataires dans leur déclaration. Dans laquelle ils demandent officiellement aux institutions européennes "de prendre les mesures nécessaires pour octroyer plus de flexibilité dans le calendrier de clôture des programmes et de prolonger d’une année les délais de transmission des documents de clôture, y compris les demandes de paiement".
Préserver la politique de cohésion après 2027
À moyen terme ensuite, en affirmant solennellement que "la poursuite ciblée de la politique de cohésion pour toutes les régions d’Europe, par le biais de la gestion partagée et la dotation de moyens adéquats par les fonds structurels et d’investissement européens, est fondamentale pour soutenir la poursuite du développement positif des régions". Chaque mot compte : "pour toutes les régions d’Europe", alors que la tentation est toujours grande pour certains d’écarter les régions les plus riches de cette politique ; "gestion partagée", alors que la tentation de la recentralisation n’est jamais très loin, quand elle n’est pas déjà à l’œuvre (voir notre article du 22 mars 2022) ; "moyens adéquats", pour conjurer le spectre des coupes budgétaires. Les signataires s’engagent à "s’impliquer à nouveau activement et suffisamment tôt dans le débat sur la future politique de cohésion et le cadre financier pluriannuel (CFP) après 2027", sans doute conscients que lors des négociations de l’actuel CFP 2021-27, le couperet n’était pas passé loin, que ce soit avec le principe de "macro-conditionnalité" (voir notre article du 15 février 2019) ou avec la réduction du budget (voir nos articles du 2 mai 2018 et du 21 octobre 2019) alors promus par la Commission – parmi d’autres.
Modifier l’actuelle programmation et lancer un "Airbus du ferroviaire"
Les signataires invitent également les institutions européennes à veiller à la bonne adéquation de l’actuelle programmation aux réalités. Ils estiment ainsi que, dans le cadre du fonds pour une transition juste, "les changements structurels dans d’autres branches de l’industrie, comme par exemple l’industrie automobile, devraient également être abordées plus spécifiquement". Ils demandent par ailleurs à la Commission de vérifier "si le budget actuel d’Interreg dans ses quatre volets est adapté aux besoins" (voir notre article du 28 juillet 2021).
Au-delà, les signataires s’engagent à poursuivre et renforcer leur coopération dans différents domaines, comme la jeunesse avec l’Office franco-allemand pour la jeunesse et le fonds citoyen, "d’une importance primordiale pour l’entente et les rencontres au niveau communal et régional", l’économie avec notamment la promotion des "projets importants d’intérêt européen commun" (Piiec) ou encore les transports, singulièrement du ferroviaire. "Parmi les priorités, dans les mois qui viennent nous allons travailler à la création d’un véritable Airbus du ferroviaire pour accompagner la décarbonation des mobilités", a ainsi déclaré Carole Delga.
Franck Leroy, nouveau président de la région Grand Est après la démission en décembre de Jean Rottner (voir notre article du 13 janvier 2023), succédera également à ce dernier à la tête de la commission Mobilité, transports et infrastructures de Régions de France. "Cette commission travaille sur l’une des compétences majeures pour nos régions, les mobilités demeurant un sujet hautement stratégique avec des attentes fortes sur nos territoires, particulièrement en cette période d’inflation des coûts de l’énergie", souligne Carole Delga (voir notre article du 19 septembre 2022). Régions de France met par ailleurs en avant le fait que la région Grand Est "est particulièrement engagée en matière de transports publics", prenant pour preuve le lancement récent du réseau express métropolitain européen (Reme) mis en œuvre par la région et l’eurométropole de Strasbourg. |