PFUE - A Rouen, les 27 ministres de la cohésion esquissent des pistes d'amélioration
Au cours d’une réunion informelle à Rouen, les ministres chargés de la politique de cohésion des 27 ont planché sur l’après 2027. Si la voie de la simplification ne semble guère royale, l’attention est attirée sur la nécessité de renforcer "la qualité de l’administration". Un rapport de l’OCDE commandé pour l’occasion par la PFUE considère que "le manque de ressources humaines et de l’expertise appropriée" constitue pour de nombreux "gouvernements infranationaux" l’un des principaux défis à relever.
"Il n’y a pas eu d’expression d’inquiétude sur le non-prolongement de la politique de cohésion [après 2027]. Au contraire, on était déjà en train de réfléchir à la manière dont elle pourrait se prolonger." À l’issue de la réunion informelle des ministres chargés de la politique de cohésion des 27, qui s’est tenue à Rouen les 28 février et 1er mars, Jacqueline Gourault a tenu à dissiper les craintes. À bon droit, puisque son cabinet avait précisé en amont de la réunion que celle-ci visait bien à "identifier les priorités et la doctrine d’emploi" de la prochaine programmation – ou du moins à engager ces travaux –, au regard du 8e rapport sur la cohésion récemment publié (v. notre article du 9 février), mais aussi d’un rapport (version préliminaire) de l’OCDE commandé spécifiquement pour l’occasion par la présidence française (PFUE).
Politique de cohésion, indispensable mais insuffisante
Sans surprise, les participants y ont d’abord rappelé, 8e rapport à l’appui, combien la politique de cohésion était indispensable. "Dans certains États membres, comme en République tchèque, elle représente plus de la moitié des investissements publics", indique Jacqueline Gourault. "L’Europe ne fonctionnerait pas sans politique de cohésion", affirme pour sa part la commissaire Elisa Ferreira. "Le développement régional équilibré n’est pas naturel", explique-t-elle, mettant en exergue "l’impact toujours asymétrique des crises qui aggravent les disparités". Pour autant, "la politique de cohésion ne peut être la seule à penser le territoire. Toutes les politiques horizontales (agriculture, R&D, etc.) ont un impact territorial et on ne peut pas avoir des politiques spatialement aveugles", alerte-t-elle. "L’expression Do not harm [ne pas nuire] prend de plus en plus d’importance dans les débats", décode-t-on au cabinet de Jacqueline Gourault. Le concept, tiré du serment d'Hippocrate, désormais solidement ancré en matière environnementale (le "serment vert"), semble promis à un bel avenir.
À défaut de simplification…
"Même si nous obtenons de grands succès, des améliorations sont toujours possibles", concède néanmoins Elisa Ferreira. "On a beaucoup parlé de simplification", rapporte la ministre française, ce qui n’est pas sans faire écho aux demandes exprimées par les maires français lors de leur dernier congrès (v. notre article du 18 novembre). Jacqueline Gourault ajoute que certains États membres ont également plaidé pour "qu’il n’y ait pas de multiplication des fonds". La commissaire décrypte : "certains ont demandé si des leçons ne devaient pas être tirées du plan de relance afin de rendre [la politique de cohésion] plus souple, plus efficace." Dit autrement, affranchie d’un certain nombre de contraintes bruxelloises (ou nationales d’ailleurs). "Il est encore trop tôt pour tirer un bilan" du plan de relance, a d’abord botté en touche la commissaire – non sans être contredite par la publication, une heure plus tôt, du premier rapport annuel de la Commission sur la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), pièce maîtresse de NextGenerationEU. Avant de laisser clairement entendre que ce qui est nécessaire dans l’urgence n’est pas souhaitable au quotidien – "l’instrument de relance avait quelques caractéristiques propres à son ADN", notamment l’absence "de lien entre les financements et les coûts". Ou d’alerter "sur l’absence de territorialisation des politiques de plusieurs plans de relance" (v. notre article du 7 octobre 2020), jugeant que cela constituait "un peu l’élément faible du programme". Bref, un tel assouplissement du dispositif ne semble pas à l’ordre du jour.
La commissaire n’entend pas pour autant le "complexifier". À l’évocation de la proposition du président de la commission REGI du Parlement européen de créer un nouveau fonds "pour aider les régions de l’UE à s’adapter au changement climatique", la commissaire rétorque qu’ "on a déjà beaucoup d’instruments. La prolifération des fonds peut devenir quelque chose de très difficile à gérer". L’initiative semble en tout cas attester que la Charte européenne de l’autonomie locale – qui promeut des subventions globales plutôt que spécifiques (art. 9-7) – n’a pas encore fait totalement son chemin.
… renforcer l’expertise de l’administration
Plutôt que la simplification des procédures, Elisa Ferreira plaide pour le renforcement de la "qualité de l’administration publique, des institutions territoriales et de leur cohérence". "L’une des fragilités de certaines régions est le manque de qualités et de capacités pour préparer les programmes, développer une vision stratégique", juge-t-elle, rapport de l’OCDE à l’appui. Ce dernier considère en effet que "le manque de ressources humaines et de l’expertise appropriée constitue l’un des principaux défis en termes de capacité concernant les investissements pour de nombreux gouvernements infranationaux, en particulier pour les municipalités de petite taille". Elisa Ferreira assure que la Commission prend sa part, en "essayant d’apporter un appui, pas seulement sur la gestion des fonds, mais aussi sur les capacités de gouvernance". La commissaire indique qu’elle travaille ainsi avec Amélie de Montchalin à une "stratégie de renforcement de l’administration publique" et qu’elle participera prochainement à un débat en France sur le sujet.
Pas d’exportation de l’ANCT et de l’Agenda rural
De son côté, Jacqueline Gourault a mis en avant l’action de l’État français pour accompagner les collectivités dans la construction de leurs projets ainsi que l’importance de financer "les études, les capacités à construire des projets, au-delà du projet lui-même". Si la ministre estime que compte tenu de "l’attachement aux communes en France", et donc de leur "morcellement", il revient aux intercommunalités d’"apporter de l’ingénierie" à ces dernières, elle juge "nécessaire que l’État apporte un complément aux structures les plus petites – ce que l’on fait avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) –, qui ne sont pas seulement des petites communes, mais aussi des départements comme la Creuse ou la Nièvre". Invitée à se prononcer sur la promotion d’une telle agence dans l’UE, Elisa Ferreira s’est bornée à indiquer qu’il appartenait à chaque État membre de choisir son dispositif, en précisant que "les pays centralisés doivent faire des efforts supplémentaires pour prendre en compte la diversité des territoires".
Il apparaît par ailleurs désormais certain que la France, en dépit du renfort du Comité des régions (v. notre article du 31 janvier), ne parviendra pas plus à exporter son "Agenda rural" pendant sa présidence, comme nous l’indiquions récemment (v. notre article du 4 février). "Côté Commission, on ne parle pas à ce stade d’agenda rural européen, mais de pacte rural", admet de manière fort diplomatique le cabinet de Jacqueline Gourault, qui assure que les deux concepts sont néanmoins "très proches". On susurre que c’est, là encore, le principe de subsidiarité qui condamnerait le premier.