Rénovation urbaine - PNRU : les questions de 2003 ne sont plus ce qu'elles étaient...
Bernadette Malgorn, présidente de l'Onzus (Observatoire national des zones urbaines sensibles) est revenue pour la presse sur "Dix ans de programme national de rénovation urbaine : bilan et perspectives", rapport remis à François Lamy, ministre déléguée à la Ville, le 4 mars dernier (voir notre article du 5 mars).
La préfète, par ailleurs conseillère régionale de Bretagne, estime qu'"une meilleure articulation des nouvelles opérations de renouvellement urbain devra être recherchée avec la politique de la ville, mais également avec la politique nationale du logement". Ce qui permettrait "une sortie progressive du traitement exceptionnel que constitue le PNRU", l'enjeu étant que, "institutionnellement comme dans la réalité, les quartiers soient intégrés dans la ville et dans la République", selon elle. L'enjeu étant aussi de trouver des financements au PNRU 2, pourrait-on ajouter.
"Le PNRU était indispensable, il faut le parachever et se mettre en situation de ne pas avoir à recommencer", résume-t-elle, rappelant le contexte de 2003 : un ralentissement du chômage (moins de 400.000 en 2003), des ressources budgétaires et financières non pas abondantes mais au moins disponibles (45 milliards d'euros programmés sur 15 ans), une démographie déclinante dans les quartiers (- 5% sur la décennie 90, contre + 4 % dans la population nationale) et un taux de vacance dans les logements sociaux en constante augmentation (il était passé de 1,4% en 1993 à 2,8% en 2001 et rien ne permettait de penser qu'il commencerait à baisser à partir de 2002).
Démolition = mixité sociale ?
Dès lors, rappelle Bernadette Malgorn, "le PNRU est parti d'une hypothèse : par le biais de la restructuration urbaine, on allait faire de la mixité sociale et donc créer une nouvelle attractivité dans les quartiers et ne plus avoir des territoires de relégation". Mais le postulat de 2003, qui était de dire que la démolition permettrait la diversification laquelle produirait de l'attractivité, donc de la mixité sociale, donc on parviendrait à une banalisation de ces quartiers, est-il toujours d'actualité ?
D'autant que si démolitions il y a bien eu (145.000), la diversification de l'habitat est estimée à seulement 80.000 voire 85.000 logements maximum (*). La mixité sociale n'a pas eu lieu, pas plus que la banalisation, comme le constatait d'ailleurs l'observatoire dans son dernier rapport annuel (voir notre article du 16 novembre 2012 intitulé "Rapport Onzus 2012 : la ghettoïsation va bien ").
Dès lors, et compte tenu de l'aggravation du mal-logement et du sans-abrisme en France, n'est-il pas d'actualité d'abandonner tout angélisme (ou utopie) et de renoncer à l'objectif de mixité sociale, comme le suggère le CES de l'Anru (voir ci-contre notre article du 13 février 2013), pour mieux valoriser "les potentialités" des quartiers et les "atouts" de ses habitants ? A l'Onzus, on ne veut pas entendre parler de cette perspective : la mixité sociale, François Lamy y tient, et le dernier Comité interministériel des villes aussi.
Un nouveau modèle économique pour l'Anru
Parmi les recommandations de l'Onzus, on notera la nécessité d'étudier le futur modèle économique de l'Anru, celui fondé sur les subventions ayant trouvé ses limites. Une piste serait de valoriser le foncier existant auprès d'investisseurs privés (comme l'envisage d'ailleurs déjà l'actuel délégué général de l'Agence, voir nos articles du 26 octobre et du 4 décembre 2012).
Localement, l'Onzus constate le manque de suivi et de coordination entre et avec les collectivités. Il suggère notamment de créer ou de renforcer la cohérence entre rénovation urbaine et politique du logement, par exemple en expérimentant la délégation des aides à la rénovation urbaine (volet habitat) auprès des EPCI délégataires des aides à la pierre ou encore en se penchant sur l'articulation entre rénovation urbaine et traitement des copropriétés privées dégradées.
Sur la question du relogement des ménages, il suggère de "mobiliser les conseils généraux sur leurs compétences de droit commun pour améliorer le suivi et l'accompagnement des ménages les plus en difficultés, en les impliquant le plus tôt possible dans le processus de relogement" ; sur la réhabilitation des logements, de "mieux articuler les plans stratégiques de patrimoine avec la stratégie urbaine définie par les collectivités locales sur les quartiers" ; sur l'application des clauses d'insertion par l'économique de "solliciter les conseils régionaux sur leur compétence de droit commun 'formation professionnelle' en accompagnement de l'application des clauses d'insertion par l'économique dans les marchés de travaux en vue de consolider les parcours d'insertion professionnelle et développer des actions de préformation" ; sur les attributions de logements sociaux de "prévoir des dispositions pour conforter le travail partenarial engagé par les différents réservataires (Etat, bailleurs HLM, collectivités locales et collecteurs du 1%) à la faveur des opérations de relogement " et d'étendre le travail partenarial engagé entre les différents réservataires à la faveur du PNRU aux pratiques d'attribution de logements" ; sur les contrats de ville d'"intégrer les orientations des plans stratégiques locaux dans les futurs contrats de ville et dans les documents de programmation en vigueur (PLU, PLH, CUS, etc.)" et de "prévoir dans les futurs contrats de ville, un volet spécifique aux sorties de rénovation urbaine…
Valérie Liquet
(*) 50.000 dédiés à l'accession, 19.000 produits par l'Association Foncière Logement, 7.500 logements sociaux "haut de gamme" (PLS ou locatif intermédiaire), 2.500 logements en résidences (étudiants ou personnes âgées), auxquels s'ajoutent 2.800 logements HLM mis en vente.