Plus de 2.000 distributeurs de billets supprimés en 2023

Près de 8.500 distributeurs automatiques de billets (DAB) ont fermé en cinq ans, dont 2.000 en 2023, selon le dernier rapport de la Banque de France sur "l'accès du public aux espèces". Aujourd'hui, 56% des communes représentant 10,4% de la population n'ont aucun accès aux espèces : ni automate ni point privatif chez un commerçant.

Le nombre de distributeurs automatiques de billets (DAB) a encore fortement baissé en 2023. Plus de 2.000 ont fermé, selon le nouveau rapport de la Banque de France sur "l'accès du public aux espèces" publié chaque année. Leur nombre est passé 46.249 à 44.123, soit une baisse de 4,6%. Sur 2.126 DAB supprimés dans l’ensemble des communes, 2.085 DAB le sont dans les communes de plus de 2.000 habitants. "Il est notable que la diminution du nombre de DAB s’observe essentiellement pour les communes de plus de 2.000 habitants (environ -5%). Pour les communes de moins de 2.000 habitants, le repli est modeste (-1 %) témoignant ainsi une volonté de rationalisation du parc et non pas d’un déséquipement des communes", analyse la Banque de France qui est garante de l'accessibilité des espèces sur le territoire.

Or l'ouverture de points privatifs chez des commerçants parvient à peine à compenser cette érosion. Au total, le pays comptait quelque 71.541 DAB ou points privatifs fin 2023, soit une baisse de 2,3%. Parmi eux, 27.418 points d'accès chez les commerçants étaient recensés. Mais dans les communes de moins de 2.000 habitants ces points privatifs reculent de 2% alors qu'ils augmentent de 6% dans les autres.

Le rapport se montre cependant optimiste et souligne "le maintien d’une très bonne accessibilité aux espèces sur l’ensemble du territoire en 2023". "La part de la population située à moins de quinze minutes en voiture d’un point d’accès aux espèces équipé d’au moins un distributeur automatique de billets (DAB) est de 98,8% à fin 2023 et elle est même de 99,9% si on prend également en compte les points d’accès privatifs chez les commerçants, soit des données quasiment identiques à celles de l’année dernière", se félicite la Banque de France.

56% des communes sans aucun accès aux espèces

Il n'en reste pas moins que 56% des communes n'ont aucun point d'accès aux espèces - ce qui représente 10,4% de la population (contre 10,3 en 2022) - et que 25%  n'ont aucun DAB et sont équipés d'au moins un point privatif (12,4% de la population contre 12,3 en 2022). Sachant que les points privatifs, tributaires des horaires d'ouverture du commerce, réservés parfois aux clients du réseau bancaire concerné et avec des plafonds de retraits, n'offrent pas les mêmes services. En somme, 22,8% de la population n'a pas d'accès à un distributeur automatique dans sa commune.

Si 58 communes qui n'étaient pas équipées en 2022 le sont devenues en 2023, 112 communes ont fait le chemin inverse et ne possèdent plus aucun distributeur. À noter cependant que le rapport ne comptabilise pas le "cashback" ou "rendu d'espèces", à savoir le retrait d’argent liquide auprès des caisses des commerçants, une solution permise depuis un décret de 2018. Le principe : pour 10 euros de courses, le consommateur demande à payer 30 euros avec sa carte et le commerçant lui rend 20 euros de monnaie en espèces.

L'érosion des DAB s'est accentuée depuis la crise sanitaire avec l'encouragement des paiements par voie aux électronique et la généralisation du paiement sans contact. Les réseaux ont profité d'une moindre demande de cash pour fermer des automates peu "rentables". En cinq ans, 8.328 distributeurs ont disparu en France, soit environ un sur six. Et la tendance devrait se poursuivre. Pour des raisons de rentabilité, la Société générale, BNP Paribas et le Crédit Mutuel Alliance fédérale (et sa filiale le CIC) ont décidé de mutualiser une partie de leurs distributeurs. Depuis le mois de mars, les premiers automates en commun commercialisés sous la marque "Cash services" ont ouvert.

Des avantages "non négligeables"

La politique de l'exécutif n'a pas toujours été claire au sujet des espèces. On se souvient d'un rapport du comité Action publique 2022 de juin 2018 qui faisait la promotion d’une "société zéro cash", afin de mieux lutter contre la fraude, avant d'être jeté aux oubliettes dans le contexte de la crise des gilets jaunes. Or la Banque centrale européenne exhorte au contraire les banques centrales nationales à maintenir l'accès aux espèces qui présentent plusieurs avantages "non négligeables" à ses yeux. Elles apportent "liberté et autonomie", "ont cours légal", "garantissent le respect de la vie privée", "assurent l'inclusion sociale" et "nous aident à suivre nos dépenses", "constituent "un moyen de paiement rapide" et "sûr" et "constituent une réserve de valeur", estime-t-elle. C'est aussi la position de la Commission européenne qui, en juin 2023, a déposé une proposition de règlement visant à garantir les paiements en espèces dans la zone euro. Même si celle-ci semble davantage soucieuse de préserver le cours de légal de l'euro que par l'égalité territoriale. "Il est essentiel de garantir la facilité d’accès aux euros en espèces, car si les citoyens n’ont pas accès aux espèces, ils ne seront pas en mesure de payer avec ces espèces, dont l’effectivité du cours légal sera alors compromise", justifie-t-elle. 

Pour pallier l'absence d'automates sur leurs communes, de plus en plus de municipalités se tournent vers des solutions indépendantes, fournies par des convoyeurs de fonds comme Brink's, Euronet ou Loomis. Pour la Banque de France, la part de ces automates dits "indépendants" demeure "confidentielle", à 0,1%. Leur nombre est cependant passé de 117 en 2019 à 679 en 2023.

Désertification bancaire

"La présence de ces DAB est indispensable pour la vitalité économique de nos centres-bourgs", alertait déjà le sénateur Éric Gold dans une proposition de loi de 2018 "visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux" mais restée lettre morte. Comme de nombreux textes dans cette situation, il vient tout juste d'être remise en ligne. "L'amplification de ce phénomène de désertification bancaire s'accompagne généralement de la baisse du chiffre d'affaires des commerces locaux, voire de leur fermeture et, ce, au profit des grandes surfaces en périphérie et du e-commerce. Ce processus participe à la fuite des équipements et des services du quotidien, rendant le territoire moins attractif pour ses habitants", expliquait-il dans l'exposé des motifs de son texte. Le sénateur propose créer un fonds dédié au maintien et à la création de distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales, géré par la Caisse des Dépôts. Il préconise aussi un critère de distance pour les bureaux de la Poste comportant un automate afin que moins de "10% de la population d'un département puisse se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile". On verra si la nouvelle législature lui sera plus payante.

 

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