Tourisme - PLFR 2014 / taxes de séjour : les protestations se multiplient et le gouvernement hésite
Dans un climat déjà tendu, l'adoption par l'Assemblée nationale de deux amendements, d'origine parlementaire, au projet de loi de finances rectificative pour 2014 - relevant de 1,5 à 8 euros par nuitée le montant maximal de la taxe de séjour et instaurant une taxe additionnelle spécifique de 2 euros pour chaque nuitée hôtelière en Ile-de-France - devient un nouveau motif de friction entre le gouvernement et sa majorité (voir notre article ci-contre du 27 juin 2014). Ces deux amendements - destinés à financer les travaux d'infrastructure, notamment pour les transports - ont été adoptés avec l'accord implicite du gouvernement, puisque le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, s'en est, selon la formule consacrée, "remis à la sagesse de l'Assemblée".
Les noms d'oiseaux volent...
Les premiers à réagir ont été les professionnels du tourisme. Dès le lendemain de l'adoption de ces deux amendements, les qualificatifs peu aimables ont fusé : "racket des hôtels", "folie pure et simple", "totalement irresponsable", "signal extrêmement négatif", "point de rupture dans le dialogue entre les professionnels et les pouvoirs publics"...
L'action des professionnels n'a pas cessé depuis lors. Dans une interview du 1er juillet au site spécialisé "La Quotidienne", Roland Heguy, le président de l’Umih (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), explique ainsi que "cette taxe supplémentaire sur l’hôtellerie en Ile-de-France est une faute en contradiction totale avec le message des Assises du tourisme". Des représentants de la profession ont obtenu d'être reçus au cabinet du Premier ministre.
Le Quai d'Orsay ne mâche pas ses mots
La colère ne s'exprime toutefois pas seulement du côté des professionnels. C'est peu dire que Laurent Fabius - en charge du tourisme et qui avait présenté, la veille de l'adoption des amendements, une communication en Conseil des ministres sur "Le tourisme, un secteur stratégique pour la France" - n'a pas apprécié l'initiative des députés socialistes.
Dans un communiqué du 29 juin, le ministre des Affaires étrangères estime, dans un langage très peu diplomatique, que ces amendements "sont dangereusement et totalement contraires à la promotion du tourisme qui est une priorité pour l’emploi et l’équilibre extérieur de la France". Ces deux mesures sont en outre "incohérentes avec le fait que les députés sont en train de procéder précisément à une étude d’ensemble de la fiscalité du tourisme". Conclusion : "il est impératif de renoncer à ces hausses et de trouver d’autres pistes dans la suite de la discussion parlementaire". Laurent Fabius a été rejoint sur cette position par Arnaud Montebourg, qui a affirmé que la déclaration du ministre des Affaires étrangères "reflète parfaitement la position de Bercy" et souhaite "que le Parlement revienne sur cette décision".
Les propos des deux ministres ont été très mal pris par l'aile gauche des députés de la majorité. Razzy Hammadi, l'un des "députés frondeurs", y voit par exemple une remise en cause de "l'indépendance" de l'Assemblée nationale.
En attendant le rapport sur la fiscalité hôtelière...
Pour sa part, le secrétaire d'Etat au Budget, qui a laissé passer les deux amendements sans réagir, se trouve dans une situation délicate. Interrogé sur BFM Business, Christian Eckert a pourtant affirmé que "le Parlement est dans son rôle" et que la taxe spécifique sur l'Ile-de-France n'est pas "complètement anormale". Une position qui ne cadre pas vraiment avec le soutien apporté à Laurent Fabius - au nom de Bercy - par Arnaud Montebourg...
Lors de la dernière séance de questions au gouvernement, le secrétaire d'Etat au Budget a toutefois reconnu que le gouvernement "aurait préféré attendre les conclusions" du rapport des députés Monique Rabin (PS) et Eric Woerth (UMP) sur la fiscalité des hébergements touristiques. Celui-ci devait être examiné ce jour, en fin d'après-midi. Quoi qu'il en soit, Christian Eckert souhaite profiter "de la navette parlementaire ou du projet de loi de finances en fin d'année, pour peaufiner le travail".
Il n'est pas sûr toutefois que la navette débouche sur un consensus. Mettant ses pas dans ceux du ministre des Affaires étrangères, le sénateur (PS) Luc Carvounas - proche de Manuel Valls - a en effet annoncé son intention de déposer un amendement supprimant la nouvelle taxe sur l'Ile-de-France. Soucieux de concilier les points de vue opposés, il demande que l'on "n'oppose pas le développement des transports et l'industrie du tourisme ; la France a besoin des deux". Réponse au Sénat dans les prochains jours...