PLF : après le 49.3, ce que les collectivités retiendront du volet "recettes"

La Première ministre a activé, le 19 octobre, le "49.3" sur le volet du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 consacré aux recettes (première partie). Mais le texte sur lequel elle a engagé la responsabilité de son gouvernement "n’est pas le décalque" du projet de loi qui avait été présenté, fin septembre, en conseil des ministres. L'exécutif a en effet retenu au total une centaine d'amendements, dont la plupart n'avaient pas encore été examinés par les députés. Plusieurs d'entre eux, issus parfois du groupe Renaissance et de ses alliés (Modem, Horizons), mais plus fréquemment du gouvernement, ont trait aux finances des collectivités territoriales. Filet de sécurité contre la hausse des dépenses énergétiques, compensation de la suppression en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), élargissement à de nouvelles communes de la faculté de majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires… Localtis fait le point sur ces dispositions.

  • Prolongation en 2023 du "filet de sécurité" contre les effets de l'inflation, mais sous une forme différente de celle du dispositif mis en place pour 2022 (amendement du groupe Horizons). Le mécanisme ne vise désormais qu'à compenser l'envolée des prix de l'énergie subie par les collectivités les plus fragiles (pour 2022, la revalorisation du point d'indice et la hausse des prix des produits alimentaires sont également pris en compte). Autre différence : les départements et les régions seront éligibles l'année prochaine au filet de sécurité (ils ne le sont pas en 2022). 1,5 milliard d'euros sont budgétés pour financer la mesure.
     
  • Prise en compte de l'année 2023 pour la fixation du montant de la fraction de TVA venant compenser la perte de CVAE de chaque commune, intercommunalité et département (amendement du gouvernement). La compensation sera donc calculée sur la base de la moyenne des recettes de CVAE sur une période de 4 années (2020 à 2023). L'ajout du millésime 2023 et l'engagement du gouvernement de compenser aux collectivités la croissance (sans doute très forte) de la CVAE au titre de l'an prochain, occasionnent un gain de 826 millions d'euros annuels pour le bloc local (principalement les intercommunalités) et les départements.

    Par ailleurs, les modalités de répartition de la dynamique de la fraction de TVA sont déterminées dans leurs grandes lignes. Pour les communes et leurs groupements à fiscalité propre, elle sera affectée à "un fonds national d’attractivité économique des territoires", dont le fonctionnement sera précisé par décret. À l'issue d'une concertation que le gouvernement mène actuellement avec les représentants des maires et présidents d'intercommunalité, ce texte devrait déterminer les critères qui serviront à la répartition du fonds. L'enjeu est de "maintenir l’incitation pour les communes et groupements de communes à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire".
     
  • Extension du périmètre des communes dites en "zone tendue" : le critère d'appartenance à une zone d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants est supprimé (amendement du groupe Renaissance). Les communes ne répondant pas à ce critère, mais dans lesquelles sont constatés un niveau élevé des loyers ou des prix d’achat des logements anciens, ou encore un taux élevé de résidences secondaires, pourront ainsi être considérées en "zone tendue". Dans ces communes, dont la liste sera établie par décret, les logements vacants seront "imposés directement au bout d’un an de vacance volontaire". En outre, les "exécutifs locaux" pourront instaurer la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
     
  • Afin de permettre aux communes concernées par cette mesure, de l'utiliser dès 2023, la date-butoir permettant de délibérer pour instituer la taxe d’habitation sur les logements vacants et la majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires, est prolongée du 1er octobre 2022 au 28 février 2023.

    Simultanément, les taux de la taxe sur les logements vacants sont relevés de 12,5 % à 17 % la première année et de 25 % à 34 % à partir de la deuxième année (amendement du rapporteur général du budget).
     
  • Report de 2023 à 2025 de la prise en compte des résultats de la mise à jour des paramètres d’évaluation des valeurs locatives (périmètre des secteurs d’évaluation, grilles tarifaires, coefficients de localisation) dans les bases d’imposition (amendement du groupe Horizons). Dans de nombreux départements, les commissions locales chargées d'émettre un avis sur ce chantier avaient regretté la faiblesse de la collecte des loyers réalisée par les services fiscaux (voir notre article du 20 septembre).

    En conséquence, le calendrier de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation est décalé de deux ans (amendement du groupe MoDem). Les résultats de ce grand chantier seront pris en compte dans les bases fiscales de l'année 2028 – et non de celles de 2026.
     
  • Abondement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d'euros, conformément aux promesses de la Première ministre (amendement du groupe Renaissance). Cette enveloppe bénéficiera à la dotation de solidarité urbaine (+ 90 millions d'euros) et surtout à la dotation de solidarité rurale (+ 200 millions d'euros). Pour la première fois depuis des années, la croissance de ces dotations ne sera pas financée par redéploiement de crédits au sein de la DGF
     
  • Versement aux régions d'une aide de l’État de 191,3 millions d'euros afin de "les accompagner" financièrement dans la gestion des instituts de formation des soins infirmiers (amendement du gouvernement).
    La même disposition prévoit le versement aux régions d'une "aide exceptionnelle de solidarité pour la protection du pouvoir d'achat des étudiants boursiers des formations sanitaires et sociales" (5,8 millions d'euros pour 2022 seulement). Par ailleurs, l'État versera aux régions une compensation de 2,2 millions d'euros pour 2023, du fait du transfert des agents de l'État en charge de la gestion des "sites Natura 2000 exclusivement terrestres". Ce transfert est prévu par la loi "3DS" de février 2022.
     
  • Plafonnement du montant de la redevance sur les concessions hydroélectriques, dont les départements perçoivent un tiers et les communes et intercommunalités un sixième (amendement du gouvernement). Le plafond de cette redevance qui connaît une croissance exponentielle depuis 2022, sera déterminé par arrêté ministériel. Les recettes dépassant le plafond ne bénéficieront qu'à l'État.
     
  • Ouverture du droit aux allègements de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires aux personnes de condition très modeste, âgées ou invalides qui partagent leur logement avec une tierce personne (amendement du gouvernement). Aujourd'hui, ces allègements sont accordés "sous réserve de l’absence de tiers occupant le logement ou sous conditions de ressources, en prenant en compte l’ensemble des revenus des cohabitants." La perte de recettes fiscales (30 millions d'euros) sera compensée par l'État.

L'utilisation par le gouvernement de l'article 49.3 de la Constitution ouvre la voie à l'adoption, sans vote, de la première partie du PLF 2023. Mais ce résultat ne sera acquis que lorsque les motions de censure présentées par les groupes d'opposition auront été débattues, ce qui est prévu ce lundi 24 octobre à 16 heures. De plus, ces motions devront avoir été rejetées (sur la procédure du "49.3", voir notre article du 11 octobre).