PLF 2022 : un nouveau mécanisme de péréquation entre les régions
Jeudi 28 octobre, l'Assemblée nationale a examiné la mission "Relations avec les collectivités territoriales" figurant dans la seconde partie (volet consacré aux dépenses) du projet de loi de finances pour 2022. A cette occasion, les députés ont adopté (en l'amendant) une proposition du gouvernement qui instaure un nouveau mécanisme de solidarité financière entre les régions. Ils ont aussi validé plusieurs amendements touchant au financement de la péréquation entre les communes, aux communes nouvelles, ou encore aux dotations pour l'investissement local. Localtis fait le point.
Les députés ont institué un mécanisme qui rénove et renforce la péréquation des ressources des régions, en application d'un engagement figurant dans l'accord de méthode qu'elles ont signé en septembre 2020 avec le gouvernement.
Première étape, la loi de finances pour 2021 avait instauré un fonds de péréquation des ressources régionales égal à 1% (la première année) des recettes réelles de fonctionnement perçues par les régions. Il restait à préciser le dispositif, ce qui est fait avec l'amendement gouvernemental qui vient d'être adopté. Issu d'une concertation avec Régions de France, le nouveau système s’appuiera sur deux mécanismes.
"Service minimum"
En premier lieu, le calcul de la fraction de TVA attribuée à chaque région sera modifié à compter de 2022. La fraction de TVA sera majorée des reversements ou minorée des prélèvements subis en 2021 dans le cadre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Depuis 2010, ce dernier permet d’assurer à chaque collectivité territoriale que les ressources perçues après la suppression de la taxe professionnelle sont identiques à celles perçues avant.
En second lieu, un fonds de solidarité sera constitué "au profit des régions dont les ressources héritées de la suppression de la taxe professionnelle sont les plus faibles". Il sera réparti en fonction des critères de ressources et de charges représentatives des compétences des régions. Ce fonds sera d'un peu moins de 10 millions d'euros en 2022 (soit 0,1% de la TVA), puis il sera complété chaque année, en cas de croissance de la TVA, par 1,5% de la dynamique de la taxe (soit 3 à 4 millions d'euros dans le cas d'une hausse des recettes de TVA de 2,5%). Le gouvernement proposait des objectifs "plus ambitieux", mais plus élevés que ceux voulus par Régions de France. Les montants retenus sont finalement ceux qui étaient préconisés par l'association. Les régions "ont choisi d’assurer le service minimum. (…) Ce n’est pas d’une grande violence pour des régions qui disposent d’à peu près 30 milliards de recettes réelles de fonctionnement", a regretté Jean-René Cazeneuve (LREM). Le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s'est toutefois déclaré "ravi qu’une péréquation horizontale entre régions voie le jour".
Compensations
L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté un amendement qui prévoit la création pour l'année 2022 d'une dotation de 107 millions d'euros au profit des régions. L'objectif est de compenser l'impact de la réforme des impôts dits "de production" en 2021 sur le montant des frais de gestion de la fiscalité locale, que les régions perçoivent depuis 2014, au titre du financement de la formation professionnelle. Cette compensation avait été promise par le Premier ministre lors du congrès de Régions de France, le 30 septembre dernier, à Montpellier. Alors que, lors de ce congrès, les régions avaient fait de la baisse de 50 millions d'euros de leurs dotations ("variables d'ajustement") un véritable casus belli, le rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin (LREM), a déclaré espérer que leurs élus "reconnaîtr[ont] ce que fait réellement l’État en matière de compensations aux collectivités territoriales et aux régions en particulier".
De son côté, la ministre en charge de la Cohésion des territoires a regretté que "le mécanisme de provision, dit serpent budgétaire", lequel avait été prévu dans l'accord de méthode Etat-régions, ne soit pas prêt. Ce dispositif qui, vise à "mettre de côté durant les années fastes des recettes qui pourront ainsi être employées lors des années de crise", n’est "pas encore mûr", a confié Jacqueline Gourault. "Il faudra reprendre cette discussion avec les régions", a-t-elle dit. "Cet engagement n’a pas été tenu par les régions", a critiqué pour sa part Jean-René Cazeneuve, qui participe à la réflexion sur ce chantier.
Dans le cadre du même débat, les députés ont adopté toute une série d'autres dispositions, visant à :
- Relever le seuil à partir duquel les communes subissent un "écrêtement" de leur dotation forfaitaire pour financer notamment la croissance des dotations de péréquation destinées aux communes. En faisant passer ce seuil de "0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant logarithmé" à 0,85 fois ce critère, l'idée est de ponctionner "les communes dont les ressources sont les plus élevées".
- Améliorer les incitations financières dont bénéficieront les communes nouvelles à partir de 2022. Les députés ont ainsi relevé de 6 euros à 10 euros le montant de la "dotation d'amorçage" qui sera attribuée aux communes nouvelles, lorsque celles-ci résulteront du regroupement de communes ne comptant pas plus de 3.500 habitants. Pour rappel, la dotation est octroyée au cours des trois années suivant la création de la commune nouvelle. En outre, les députés ont autorisé les communes nouvelles appartenant à la ruralité, mais dépassant 10.000 habitants, à être éligibles à la dotation de solidarité rurale, à condition de ne pas pouvoir percevoir la dotation de solidarité urbaine. La mesure bénéficierait en 2022 à 13 communes nouvelles, principalement dans le Maine-et-Loire, qui, du fait de leur taille accrue, ont perdu le bénéfice de recettes – parfois importantes – de DSR.
- Encadrer les conditions dans lesquelles une intercommunalité à fiscalité propre peut réduire unilatéralement les attributions de compensation de ses communes membres, dans le cas d'une diminution de ses recettes de fiscalité économique.
- Encadrer le calendrier de consommation des crédits des subventions en faveur de l'investissement local (DSIL et DETR) : à partir de 2023, 80% de l’enveloppe départementale (pour la DETR) ou régionale (pour la DSIL) devra être notifiée pendant le premier semestre de l’année. Les députés ont aussi rendu obligatoire la publication par les préfectures, "dans un format ouvert et aisément réutilisable", des opérations ayant bénéficié d’une subvention, du montant de la subvention et du montant du projet.
- Voter l'inscription de 254 millions d'euros en autorisations d'engagement et 6 millions d'euros en crédits de paiement pour lancer les travaux de rénovation de 174 écoles de Marseille, que le président de la République a promis le 2 septembre dernier.
- Instituer un dispositif de soutien exceptionnel en faveur des communes forestières touchées par la crise des scolytes (insectes ravageurs). Près d'une trentaine de communes forestières dont l'épargne nette est négative partageront des subventions d'un montant total d'1 million d'euros en 2022.
- Reconduire en 2022 la répartition dérogatoire (déjà réalisée en 2021) de la croissance des recettes de cotisation foncière des entreprises, pour deux tiers au profit de la métropole du Grand Paris, et pour un tiers au profit des établissements publics territoriaux (EPT). Il s'agit de soutenir l'an prochain les finances de la métropole, qui pourraient connaître des difficultés en raison d'une possible baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cette solution a été loin de faire l'unanimité, certains (dont le rapporteur général du budget) défendant l'idée qu'il faut soutenir les finances des EPT, qui portent des compétences opérationnelles.
L'Assemblée nationale poursuit cette semaine la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022, le vote solennel sur l'ensemble du projet de loi étant prévu le 16 novembre.