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PLF 2019 : en attendant la loi spécifique sur les finances locales...

Le projet de loi de finances pour 2019 présenté ce 24 septembre ne comprend pas de nouveauté majeure en matière de finances et de fiscalité locales. La grande réforme des finances locales se jouera début 2019 dans un projet de loi spécifique. Stabilité des dotations, réforme de la dotation d'intercommunalité, réforme de la fiscalité sur les locaux industriels, fiscalité écologique... Plusieurs dispositions sont toutefois à retenir, tout comme les priorités et les choix qui structurent ce deuxième projet de budget du quinquennat.

"L'objectif à long terme de ce budget, c'est de construire une nouvelle prospérité française, qui doit bénéficier à tous les Français et à tous les territoires", a assuré le ministre des Finances, Bruno Le Maire, en exposant le projet de loi de finances 2019 à la presse ce lundi 24 septembre au matin, avant la présentation officielle en conseil des ministres quelques heures plus tard. Parlant de "constance" et d'"engagements tenus", le ministre a mis l'accent sur le "rétablissement des finances publiques", le "pouvoir d'achat des ménages" et la "compétitivité des entreprises". Il a de même évoqué trois "choix structurels" : "le travail", "l'investissement" avec pour clef "l'innovation" ("l'innovation, c'est la clef du développement des territoires, y compris ruraux", a-t-il dit) et "l'environnement". Le slogan choisi cette année est d'ailleurs "Soutenir le travail, investir pour l'avenir".

Allègements d'impôts

Ce deuxième PLF 2019 du quinquennat Macron se traduira ainsi par un allègement d'impôts de 6 milliards d'euros pour les ménages, malgré des hausses de taxes sur les carburants et le tabac, évaluées au total à 2,3 milliards d'euros. Ce geste fiscal, reposant principalement sur une nouvelle baisse de la taxe d'habitation pour 80% d'entre eux et la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, constitue "la plus grande baisse d'impôts pour les ménages depuis 2008", a insisté le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin.
Le gouvernement a par ailleurs décidé de baser le montant des APL sur les revenus actuels des bénéficiaires, et non plus à partir des revenus enregistrés deux ans plus tôt, comme c'est le cas aujourd'hui. Dire "contemporanéisation des APL". Une réforme qui fera de facto "des gagnants et des perdants", a-t-il relevé. Mais qui devrait en tout cas permettre d'économiser un milliard d'euros, les revenus de début 2019 étant potentiellement plus élevés que ceux observés deux ans avant.
Les entreprises bénéficieront quant à elles d'une nouvelle baisse de l'impôt sur les sociétés (IS, dont le taux va passer de 33,3% à 31%), de la transformation du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisses de charges et de la suppression du "forfait social" de 20% sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. Soit une réduction d'impôt totale de 18,8 milliards d'euros.

Maîtrise des dépenses

La hausse du produit intérieur brut devrait atteindre 1,7% en 2019, au lieu des 1,9% initialement attendus. En sachant que le ministère des Finances a dû s'accommoder de la réforme du CICE, qui impliquera une "année noire" pour les finances publiques (supporter simultanément le remboursement du CICE pour 2018 et la baisse de cotisations décidée pour 2019, soit une facture globale de 40 milliards).
Malgré les obstacles, "le cap" de réduction du déficit public sera "tenu", a assuré Bruno Le Maire. Il s'établira à 2,8% du PIB, un chiffre en hausse de 0,4 point par rapport à la dernière prévision. Ce chiffre devrait permettre de rester dans les clous par rapport aux engagements européens. Pour réussir, Bercy a dû se résoudre à procéder à un tour de vis sur les dépenses.
Le projet de loi de finances comprendra ainsi un quasi gel des pensions de retraite, des allocations familiales et des aides personnalisées au logement, qui ne seront revalorisées que de 0,3% alors que l'inflation est attendue à 1,3%. De quoi économiser près de deux milliards d'euros. Des efforts seront également demandés aux chambres de commerce et d'industrie ou à l'administration fiscale.

Fonction publique : "la pente va s'intensifier" après 2019

La politique de l'emploi, enfin, sera mise à contribution avec une baisse de crédits de 2,1 milliards d'euros, qui passera notamment par une réduction du nombre de contrats aidés. Le gouvernement en financera l'an prochain environ 130.000, contre 200.000 budgétés en 2018 et 320.000 en 2017. Gérald Darmanin a fait valoir "la fongibilité des crédits qui n'existait pas avant" et a insisté sur le fait que seulement "130.000 à 150.000" des contrats budgétés l'an dernier avaient effectivement été consommés. Selon lui, la demande des collectivités et des associations aurait chuté du fait notamment des nouvelles exigences en termes de formation.
Sur le terrain social, le PLF consacre 175 millions d'euros à la mise en oeuvre du plan pauvreté, dont 150 millions au titre de la contractualisation avec les collectivités (accès aux droits, accès "aux biens et services essentiels", rénovation du travail social...).
Selon les ministres, les hausses de crédits concernent principalement les trois ministères régaliens (Défense, Intérieur, Justice) ainsi que l'Ecologie et l'Education. Quant au budget du ministère des Sports, qui a fait l'objet d'un véritable feuilleton estival, est en baisse de 6,2%. Roxana Maracineanu, la nouvelle ministre, bénéficiera d'un budget de 451 millions d'euros, soit 30 millions de moins qu'en 2018, auxquels il faut rajouter 65 millions fléchés vers la réalisation des infrastructures des Jeux de Paris 2024.
Côté fonction publique, cette cure d'amaigrissement se traduira par la suppression de 4.164 postes sur le périmètre de l'État, soit un petit peu moins que prévu, sur un total de 50.000 prévus d'ici à 2022. Les ministères les plus touchés seront les Comptes publics (2.000 postes) et l'Éducation nationale (1.800). "Nous ne supprimons pas brutalement" des postes, "nous modernisons les services", a fait valoir le secrétaire d'Etat Olivier Dussopt, indiquant en revanche que "la pente va s'intensifier dans les années à venir".

Stabilité des dotations aux collectivités

S'agissant des collectivités locales, Gérald Darmanin a tenu à faire valoir que la dépense de l'Etat ne progressera que de +0,8% hors inflation alors que la cible d'évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités est, en vertu de la loi de programmation des finances publiques, de +1,2%.
Selon le dossier de présentation diffusé par Bercy, les charges de fonctionnement des collectivités progresseraient de +0,9% en 2018. Pour 2019, "la maîtrise des dépenses doit être maintenue"… et ce, alors même que "certains facteurs de modération des dépenses dont le report du parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), identifiés en 2018, vont s’atténuer en 2019".
Comme l'avait fait savoir Edouard Philippe la semaine dernière lors de la Conférence des villes, les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales seront stables et même en très légère hausse par rapport à la précédente loi de finances (+100 millions d'euros) et s'élèveront à 48,2 milliards.
La dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes et des départements restera stable en 2019, à hauteur de 26,9 milliards. "Elle sera répartie en fonction des dynamiques de population et de richesses, en tenant compte du renforcement de la péréquation entre collectivités du bloc communal (180 millions d'euros) en faveur des collectivités les plus fragiles", résume Bercy, Gérald Darmanin ayant évoqué une hausse de la DSU et de la DSR. Quant aux régions, il est rappelé qu'elles se sont "vu allouer une fraction de TVA en substitution de leur ancienne DGF à compter de 2018", nouvelle ressource fiscale dont la progression est estimée à 166 millions d'euros entre 2018 et 2019.
Stabilité, également, pour les dotations de soutien à l’investissement : 2,1 milliards, dont 1,8 milliard pour le bloc communal et 300 millions pour les départements (hors FCTVA). Plus précisément, on comptera comme cette année 1 milliard pour la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), 570 millions pour la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et 150 millions pour la dotation politique de la ville (DPV). Pour les départements, il s'agit de 212 millions d'euros de l'ex-dotation globale d’équipement des départements (DGE), transformée en une "dotation de soutien à l’investissement dédiée aux départements". S'y ajoutent 50 millions pour des départements "remplissant certains critères de potentiel fiscal".
Enfin, comme le détaillait Localtis dans sa précédente édition, le PLF 2019 introduit une réforme de la dotation d'intercommunalité "pour la simplifier, rendre ses évolutions plus prévisibles et mieux tenir compte des charges" en introduisant un critère de revenu des habitants.

Peu de nouveautés en matière de fiscalité locale

On ne trouvera pas d'importante "disposition spécifique sur la fiscalité locale" dans ce PLF, a prévenu Gérald Darmanin. La deuxième tranche de baisse de la taxe d'habitation, pour un montant de 3,8 milliards (après 3,2 milliards en 2018) est bien inscrite dans le texte, sous forme de dégrèvement. Le ministre de l'Action et des Comptes publics a confirmé au passage que la troisième tranche interviendra dans le prochain PLF (pour 2020) et que l'idée est toujours bien de supprimer l'intégralité de la taxe d'habitation d'ici 2021, hors résidences secondaires.
Il a aussi confirmé que la question de la compensation des collectivités pour "les 20% qui restent" sera abordée dans "un projet de loi spécifique sur les finances locales" qu'il portera avec Olivier Dussopt "sans doute au premier trimestre 2019". Et a relevé que les travaux sur cette compensation conduisent à "réfléchir aux finances locales en général".
La seule véritable nouveauté fiscale pour les collectivités (mis à part diverses mesures liées à la fiscalité écologique – voir ci-dessous notre article de ce jour) concerne les établissements industriels. Une concertation a été conduite sur le sujet avec les représentants des entreprises et des collectivités. Le constat : "Aujourd’hui, un local qualifié d’établissement industriel est évalué selon une méthode spécifique, dite 'comptable', qui permet de tenir compte des caractéristiques propres à chacun de ces établissements, mais qui peut être source d’incertitudes, voire d’incompréhension en cas de requalification d’un local commercial en établissement industriel." Le PLF vient ainsi clarifier la définition de l’établissement industriel et lisser dans le temps les conséquences de la qualification d’un local en établissement industriel.

L'ensemble des dispositions collectivités de ce PLF sera présenté de façon détaillée aux élus locaux membres du Comité des finances locales (CFL) par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ce mardi 25 septembre. Localtis y reviendra dans sa prochaine édition et détaillera les crédits de certaines des "missions" de ce PLF. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sera pour sa part présenté ce mardi par Agnès Buzyn. Un projet de loi de finances rectificative (PLFR) est également prévu mais il s'agira d'un "PLFR réduit à son strict minimum" et ne comprenant pas de dispositions fiscales, a précisé Gérald Darmanin, indiquant en outre qu'il "n'y aura pas de décrets d'avance cette année".

 

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