Emploi - Plans de sauvegarde de l'emploi : "pas de raz-de-marée", d'après Michel Sapin
"Contrairement à ce que certains pouvaient craindre, il n'y a pas eu un raz-de-marée d'entreprises qui auraient attendu la nouvelle loi pour utiliser les nouvelles dispositions." Michel Sapin, ministre du Travail, a été catégorique lors de son audition le 11 septembre 2013 par la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale : la loi de sécurisation de l'emploi, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013, n'a pas provoqué une hausse excessive des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE).
La loi avait été pourtant critiquée, notamment par les syndicats FO et la CGT, pour son aspect trop laxiste en matière de licenciements collectifs. Elle ouvre deux possibilités aux entreprises de plus de 50 salariés qui souhaitent élaborer un PSE. Soit elles mettent en place un plan avec l'accord majoritaire des représentants des salariés, soit elles ne consultent pas les syndicats et doivent faire alors valider le PSE par l'administration du travail.
Au total, depuis la mise en vigueur de la loi, "79 procédures ont été engagées ; on est sur les mêmes chiffres que précédemment", a précisé le ministre. 35 décisions ont déjà été prises par les Direccte. "Les Direccte [directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ndlr) ont refusé cinq fois l'homologation lors de la première demande, ce qui a permis d'améliorer le contenu du PSE ou de rectifier des procédures qui auraient été non appropriées, a souligné Michel Sapin, et dans trois quart des procédures, c'est par la négociation qu'il a été décidé au sein de l'entreprise de trouver une solution. Je trouve que ce chiffre est encourageant et montre que tout le monde a privilégié la négociation."
Globalement, le nombre de PSE reste stable ces dernières années, depuis la crise de 2009, autour de 1.000 par an et "30% concernent des entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire", a précisé Michel Sapin.
En matière d'impact sur le chômage, les PSE représentent entre 3 et 7% du nombre total des entrées à Pôle emploi qui s'élève entre 150.000 et 300.000 personnes par an. "Dans ce nombre, la part des licenciements économiques suite à un PSE est minoritaire, il y a largement plus des fins de CDD ou des missions d'intérim pour venir faire augmenter le nombre des chômeurs", a souligné le ministre estimant toutefois que "les PSE sont la partie visible des mutations plus profondes qui ont des impacts bien plus importants sur l'emploi et notre économie et qui justifient évidemment une action des pouvoirs économiques".
Les conséquences sur les intérimaires, sur les salariés en CDD, la chaîne des sous-traitants et des prestataires, et sur le tissu économique local sont également à prendre en compte. Les PSE "traduisent aussi souvent une perte de potentiel industriel qu'il est difficile ensuite de reconstruire, a précisé Michel Sapin. Ils marquent l'échec d'une anticipation et d'une adaptation, et tout ceci crée un grand gâchis en termes de compétences. Il faut donc agir, l'Etat l'a déjà fait, et il faudra continuer à agir au cours des prochaines années."
Des milliers d'emplois sauvés grâce aux commissaires au redressement productif
Le ministre a fait le bilan des actions engagées par le gouvernement pour contrer ces PSE et leurs conséquences néfastes. La mise en place des commissaires au redressement productif (CRP), qui ont été nommés en juillet 2012, prenant le relais des anciens commissaires à la réindustrialisation, ont permis de sauver quelques milliers d'emplois. Leur action est jugée très positivement par le ministre. "Ils ont comblé un vide, en améliorant la coordination des instances aptes à aider les entreprises avant qu'elles n'en arrivent à devoir envisager des licenciements", a-t-il signalé, estimant que "l'identification par les PME d'un référent en cas de difficultés a été incontestablement considérée comme positive." Selon le ministre, le CRP est aujourd'hui à même de mobiliser les différents outils de l'Etat et des collectivités territoriales pour apporter des réponses.
Autres mesures mises en œuvre : les politiques de filières, auxquelles le gouvernement a souhaité donner un nouvel élan, à travers le Conseil national de l'industrie (CNI), les espaces de négociation et de dialogue ouverts par la loi de sécurisation de l'emploi, et les leviers donnés aux salariés en matière de mobilité dont le nouveau compte personnel de formation (CPF) qui doit voir le jour en 2014.
Le ministre a également insisté sur l'importance du territoire, qui "est tout à la fois le creuset dans lequel se construisent les avantages compétitifs et l'espace de vie des salariés. Mon action vise à bien articuler les actions de développement économique avec celles en faveur de l'emploi et de la formation". Pour ce faire, le gouvernement développe des actions en faveur de l'appui à la gestion territoriale des emplois et des compétences (GTEC), des appuis conseils destinés aux très petites entreprises, de la promotion d'actions interentreprises et des plateformes de mutations économiques mises en place dans le cadre du pacte de compétitivité et de croissance.
Le ministre a aussi mis en avant la nécessité de s'occuper des emplois non pourvus, dont le nombre est estimé entre 120.000 et 130.000 par an par Pôle emploi. "Mais cela finit à un moment donné par s'accumuler, a souligné Michel Sapin. Il faut qu'il y ait un objectif global aux alentours de 100.000 à 120.000 formations correspondant à ces emplois vacants. Nous allons le faire en urgence : 30.000 en fin d'année et 70.000 en début d'année 2014. Et l'avenir, c'est la réforme de la formation professionnelle." Les négociations avec les partenaires sociaux autour du projet de loi de réforme "en profondeur" de la formation professionnelle vont démarrer le 24 septembre, le texte devant être prêt en début d'année 2014.
Enfin, le ministre a fait le point sur l'expérimentation, en cours sur certains bassins d'emploi, de l'extension du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) aux contrats à durée déterminée, aux salariés précaires et aux salariés des entreprises sous-traitantes. "Une fois que le test aura été fait, on regardera exactement ce que cela a changé, en nombre de personnes concernées et en efficacité, et à partir de là on se posera la question de sa généralisation", a signalé Michel Sapin.