Planification écologique : Dominique Faure défend les COP au Sénat
Invitée par le groupe Les Républicains à débattre au Sénat de l’efficacité des COP régionales, Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, s’est employée ce 30 avril à défendre tant la méthode que les premiers résultats de ce dispositif de "territorialisation" de la planification écologique, qui devrait donner naissance à des "feuilles de route" à l’été "ou après". Un dispositif d’autant plus vertement critiqué par les parlementaires qu’il serait aujourd’hui mis à mal par les récents "coups de rabot budgétaires".
Le débat organisé ce 30 avril au Sénat, à l’initiative du groupe Les Républicains, avec la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, sur l’efficacité des COP (conférences des parties) régionales en matière de planification écologique n’aura pas réussi à concilier les points de vue, si tant est que tel était l’objectif poursuivi.
Face à une pluie de critiques...
D’emblée, le sénateur du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc (LR) n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer "une démarche centralisatrice et bureaucratique d’un autre âge, dont l’État n’a pas ou plus les moyens", "un ersatz de dialogue qui commence […] avec des tableaux et des chiffres qui tombent de Paris […], se poursuit avec des questionnaires par emails adressés à toutes les collectivités dignes de Kafka et se terminera à coup sûr par des demandes de contribution financière des collectivités sur des actions que nous aurons à peine discutées et qui seront en fait sélectionnées à Paris". Non sans rappeler ainsi quelques critiques récemment lancées par la présidente de la région Île-de-France (voir notre article du 3 avril).
Une vision pessimiste partagée par nombre des sénateurs qui se sont exprimés lors des échanges, dénonçant tout à tour "une planification très verticale" (Fabien Genet, Saône-et-Loire, ratt. LR), "une énième couche" alors que les élus locaux sont déjà las "de ces partenariats changeant sans fin et souvent sans bilan" (Louis-Jean de Nicolay, Sarthe, LR), "une concertation accélérée qui rend difficile l’intégration des enjeux de nos territoires ruraux dans les documents stratégiques" (Marie-Claude Varaillas, Dordogne, CRCE-K) ou encore des "questionnaires conçus par des acteurs très, très, très éloignés du terrain", lesquels "ont largement découragé les collectivités de s’investir dans le processus" (Cédric Chevalier, Marne, Les Indépendants). Sans compter ceux qui, comme Stéphane Demilly (Somme, UC), trouvaient l’idée "très bonne sur le papier", mais qui la jugent désormais dévoyée par "les derniers signaux envoyés par le gouvernement". Au premier chef, les "coups de rabot budgétaires", notamment du fonds vert (voir notre article du 19 février), dénoncés à de multiples reprises – pour l’anecdote, juste après un débat lors de la même séance sur l’orientation des finances publiques. Mais aussi l’absence de suite donnée au "partage de la valeur sur les énergies renouvelables que nous avions voté au Sénat" (voir notre article du 8 février 2023), déplorée par Ronan Dantec (Loire-Atlantique, Gest) – "Nous attendons les décrets d’application !", insiste l’élu. Ou encore "la remise en cause de certaines avancées écologiques" vilipendée par le sénateur Hervé Gillé (Gironde, SER), parmi lesquelles "des annonces sur les phytosanitaires" et "l’abandon de la loi de programmation énergie-climat, définitivement enterrée" (voir notre article du 11 avril).
Dominique Faure défend la méthode…
Seule dans l’arène, Dominique Faure s’est employée à défendre une "méthode innovante et efficace pour cranter, ancrer la planification écologique dans les territoires", vantant un "dispositif inédit animé par le préfet de région et le président du conseil régional" qui "vise à embarquer toutes les collectivités locales" et "fait de tous les échelons des collectivités un maillon essentiel de cette territorialisation". Elle en rappelé l’origine – la volonté du président de la République exprimée à Marseille le 16 avril 2022 – et la fin : "Mettre en œuvre de manière effective dans les territoires les objectifs que nous nous sommes donnés nationalement." "Le but [de ces COP] est qu'elles fassent émerger des actions qui relèvent des compétences des collectivités territoriales, mais aussi qu'elles valorisent les actions déjà engagées car nous le savons, les collectivités sont déjà pleinement actives", a-t-elle souligné. Dominique Faure a précisé les "quatre points de sortie" qui devaient en résulter : "Un alignement des parties prenantes sur les objectifs ; un état des lieux partagé du territoire sur les dynamiques en cours et les programmes déjà engagés ; un plan d’action cohérent et pragmatique qui tienne compte des initiatives décidées par l’ensemble des collectivités, qui complète les actions éventuellement déjà engagées ; la liste des sujets à évoquer lors de la prochaine COP, tous les sujets ne pouvant pas être parfaitement traités en une seule fois et en un an."
… et se félicite des premiers résultats des COP régionales
La ministre a également mis en avant les premiers résultats déjà obtenus, qu’elle qualifie "d’encourageants". En premier lieu, le fait qu’"il n’y a que deux régions qui n’ont pas encore lancé leur COP, qui sont Mayotte et la Guyane". Certes, elle concède "que ça ne se déroule pas à la même vitesse partout. Il y a des endroits dans lesquels on peut regretter que ce soit plus lent". Et si elle veut bien entendre que "quelques régions s’inquiètent très probablement" du manque de perspectives et de cohérence des messages auparavant dénoncé par la sénatrice Nathalie Delattre (Gironde, RDSE), c’est pour immédiatement relever que "d’autres, elles, avaient déjà mis en œuvre des politiques de décarbonation bien avant qu’avec le SGPE [Secrétariat général à la planification écologique, ndlr], nous leur demandions de travailler sur le sujet. Donc d'autres ne s’inquiètent pas". Et de prendre exemple de la région Occitanie, dans laquelle "11 des 13 départements ont déjà planifié sur les 15 premiers jours de mai leur première réunion départementale".
De manière générale, elle met en exergue "une forte mobilisation des collectivités. Sept régions ont déjà clôturé le recueil des retours des collectivités pour leur phase de diagnostic et plus de 70% des EPCI, conseils départementaux et régionaux nous ont répondu". Et de lancer : "Pour nous, le verre il est pas mal plein !"
Une nouvelle circulaire sur les CRTE, une feuille de route après l’été et une loi sur la pluriannualité des financements ?
Pour preuve, la ministre déclare même avoir "rencontré beaucoup de collectivités qui ont répondu avec beaucoup de plaisir et de bonheur" aux questionnaires. Elle annonce qu’un état des lieux tiré de ces derniers sera disponible "d’ici un mois", ce qui devrait permettre de tracer une "feuille de route" qu’elle a d’abord promis "avant l’été", pour préciser par la suite que "ça pourra être juste après l’été". Elle tient par ailleurs à rassurer : "L’État accompagnera la mise en place opérationnelle de ces feuilles de route à travers les CRTE, ces contrats pour la réussite de la transition écologique qui sont l'objet d'une nouvelle circulaire qui a été signée en avril, et qui ont vocation à devenir le cadre de travail de droit commun entre l'État et les collectivités sous la forme d'un contrat chapeau qui rassemble les programmes d'appui territorialisés."
Une circulaire qui ne précisera toutefois pas "les critères d’attribution des 250 millions d’euros [devenus 200 millions] d’accompagnement des PCAET et des CRTE" prévus dans le fonds vert, comme l’espérait le sénateur Ronan Dantec. "Le fléchage des fonds ne sera véritablement défini que dans le courant de l’été, m’a dit Christophe Béchu", avoue la ministre. Laquelle a également tenu à tranquilliser les élus sur les conséquences dudit passage de 250 à 200 millions de ce poste budgétaire (voir notre article du 22 avril) : "Quand on sera en fin d’année et qu’on aura dépensé les 200 millions, on saura trouver comment financer les 50 millions restants si vraiment le problème était entre les 250 et les 200". Sans convaincre. "Vous auriez pu complétement raboter la ligne", grince Christine Lavarde (Hauts-de-Seine, LR), qui estime qu’on "est venu ajouter toute une machine administrative [les COP] pour prendre quelque chose qui sera complètement inapplicable dans le calendrier. Aucun dossier ne pourra être financé sur cette ligne de crédit avant la fin de l’année". Pas sûr que l’année prochaine sera plus favorable budgétairement. En tout cas, Dominique Faure l’a confirmé : elle travaille actuellement avec Thomas Cazenave "à une loi qui vise à la pluriannualité des financements dans les collectivités locales".