Logement - Plan contre les marchands de sommeil : les collectivités pourront bénéficier directement du montant des astreintes
Lors d'un déplacement à Goussainville (Val-d'Oise, 30.000 habitants), Julien Denormandie, a présenté le plan du gouvernement en matière de lutte contre les marchands de sommeil. A cette occasion, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires indique, dans un tweet, avoir rendu visite à une famille victime d'un marchand de sommeil : 35 m2, dont 20 m2 en sous-sol pour un loyer de 850 euros par mois... Soit un loyer mensuel de plus de 24 euros au mètre carré (sous-sol compris), alors que le coût moyen d'un HLM en Ile-de-France (déjà supérieur de 24% à la moyenne nationale) est seulement de 6,70 euros au mètre carré, selon les derniers chiffres publiés par le Commissariat général au développement durable (voir notre article ci-dessous du 4 décembre 2017)...
Traiter les marchands de sommeil "comme des trafiquants"
Le plan du gouvernement englobe notamment les mesures, de nature législative, prévues dans le projet de loi pour l'évolution du logement, de l'aménagement et de la transition numérique (Elan), en cours de concertation (voir notre article ci-dessous du 12 décembre 2017). Les trois axes principaux du plan - repris dans le projet de loi Elan - sont notamment de faciliter et favoriser le regroupement des compétences "habitat indigne" au niveau intercommunal, de simplifier les procédures de lutte contre l'insalubrité et le saturnisme en vue d'un meilleur traitement de l'urgence immédiate, mais aussi de renforcer encore les sanctions à l'encontre des marchands de sommeil.
Dans une interview donnée au quotidien "Le Parisien" le jour de la présentation du plan, Julien Denormandie indique ainsi que "les marchands de sommeil seront traités comme des trafiquants". En pratique, il s'agit d'aller au-delà des résultats actuels. Selon le secrétaire d'Etat, il existe aujourd'hui environ 200.000 logements insalubres en métropole. Ceux-ci donneraient lieu à environ 3.000 arrêtés d'insalubrité chaque année, mais seuls 80 à 90 marchands de sommeil seraient condamnés.
Une présomption de revenus et un renversement de la charge de la preuve
Pour lutter plus efficacement, le secrétaire d'Etat explique qu'à travers le projet de loi, les marchands de sommeil seront considérés "pour ce qu'ils sont, des criminels au même titre que les trafiquants de drogue, d'armes, de fausse monnaie, de tabac, d'alcool ou de contrefaçon". Pour cela, le code général des impôts sera modifié, afin de créer "une présomption de revenus imputable aux marchands de sommeil". Cela correspond à un renversement de la charge de la preuve, puisqu'il appartiendra désormais aux marchands de sommeil de faire la preuve que leurs revenus ne proviennent pas de la location illégale d'un logement insalubre.
De même, le plan du gouvernement - et notamment cette présomption de revenus - devrait permettre de contrer la pratique de certains marchands de sommeil qui organisent leur insolvabilité pour échapper aux amendes. Les peines susceptibles d'être infligées aux intéressés - aujourd'hui un maximum de cinq années d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende - seront par ailleurs renforcées, dans des proportions qui restent à préciser.
Inciter les collectivités à renforcer la détection et la lutte
Le plan prévoit également une mesure innovante pour inciter les communes ou les intercommunalités à renforcer la détection et la mise en cause des marchands de sommeil. Aujourd'hui, selon Julien Denormandie, plus de 200 collectivités disposent déjà d'un service de lutte contre les logements indignes. Mais, pour aller plus loin et inciter d'autres collectivités à créer de telles services, le plan prévoit que les astreintes payées par les marchands de sommeil qui ne mettent pas aux normes leurs logements (jusqu'à 50.000 euros par logement) seront versées non plus à l'Anah, mais directement aux communes concernées. Autrement dit, plus une collectivité luttera contre les marchands de sommeil, plus elle sera financée...
Reste une question délicate, à laquelle le plan n'apporte pas de réponse spécifique pour le moment : s'il ne viendrait à l'idée de personne de contester le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne, comment seront relogées les personnes qui vivent actuellement dans les 200.000 logements jugés insalubres en métropole ?