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Plan Bâtiment durable : dix ans et un rôle croissant auprès des collectivités

La mobilisation des collectivités est mise à l'honneur dans le dernier rapport d’activité du plan Bâtiment durable. Un rapport qui marque la fin d'une décennie de travaux au service d'une transition énergétique du bâtiment. Le 6 février, 450 partenaires dont des élus, professionnels et associations se sont réunis pour fêter cela et jeter un regard prospectif sur les défis à venir. L’année 2019 voit des vents nouveaux se lever avec la maturation des actions régionales, la préparation d'une nouvelle réglementation environnementale, la mise en route du plan de rénovation énergétique des bâtiments et la préfiguration d'un observatoire national. 

Petite équipe, grande ambition. Le 6 février, une salle comble a salué l'engagement des (seulement) cinq permanents du plan Bâtiment durable (PBD) qui, en dix ans depuis sa première lettre de mission, a su entraîner dans son sillage des filières et des acteurs auparavant peu ou pas toujours portés sur l'échange. Et collaborer de façon constante avec les territoires, "qu’ils soient communaux, métropolitains ou régionaux [car] c’est là que les solutions apparaissent, qu’un écosystème de la rénovation peut se tisser et se développer pour inspirer confiance aux maîtres d’ouvrage", souligne Jérôme Gatier, directeur du PBD dans son rapport annuel publié le 28 janvier. 

L'administration, vante ce rapport, s'appuie désormais sur la force de frappe et de concertation du PBD : "Nos travaux ont été le lieu de discussion de nombreux dispositifs qui structurent aujourd’hui la politique publique, aussi bien au travers d'édifices législatifs (loi Elan, loi de transition énergétique pour la croissance verte) que par la production d’éléments contenus dans le Plan climat ou le plan de rénovation énergétique". Autre exemple mis en avant par la secrétaire d'État Emmanuelle Wargon, le 6 février lors des dix ans du plan, la mobilisation visant à rénover plus de bâtiments éducatifs (avec la Banque des Territoires). Consultation amont des acteurs, groupe de travail ad hoc (une quarantaine mis en place depuis ses débuts) puis rapport et accompagnement-suivi : la méthode "Plan Bat’" semble avoir fait ses preuves. Une vingtaine d'actions ont d'ailleurs émergé sur cet enjeu dont l'idée d'un vaste plan ciblant le parc éducatif "de la maternelle à l’université". 

Le locatif, ce segment oublié

"Nous avons ouvert d'autres chantiers indispensables, avec la concertation territoriale qui les accompagne, sur la fiabilisation du diagnostic de performance énergétique (DPE) et la rénovation du parc locatif privé", poursuit dans le rapport Philippe Pelletier, président du PBD. Ce segment du parc de logements en représente environ 6,5 millions dont un grand nombre de passoires thermiques. "Jusqu'alors, il a été peu ou mal traité", confie-t-on au PBD. Les marges de progrès sont jugées "considérables" à condition d'imaginer les bons dispositifs aptes "à accompagner propriétaires et locataires". Un groupe de travail planche sur la question et lancera dans les prochaines semaines une consultation numérique : trois-quatre questions posées aux acteurs concernés pour défricher le terrain et esquisser un état de l'art des pratiques et positions de chacun. 

Discours de la méthode 

"Nous procédons souvent ainsi et l'avons fait en appui de la DHUP (direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, au ministère de la Transition écologique, ndlr) pour mener la concertation sur la nécessaire fiabilisation du DPE", raconte-t-on dans l'équipe. Outil de sensibilisation connu des ménages mais critiqué de toutes parts pour son manque de fiabilité, ce DPE va être musclé en tenant compte des contributions d'acteurs, dont une restitution est prévue le 19 février prochain. Le but ? Le rendre "plus lisible et compréhensible pour faciliter son opposabilité et permettre d’asseoir des dispositifs fiscaux ou réglementaires sur ses résultats". La publication des textes réglementaires n'interviendra que début 2020. D'autres dispositions issues de la loi Elan sont attendues : décret et ordonnance sur le droit de la copropriété (harmonisation des règles de vote de travaux d'économie d'énergie, gouvernance de la copropriété), décret sur l’individualisation des frais de chauffage (nouvelles dérogations introduites), etc. 

Régionaliser le plan

Entamé en 2012, le rapprochement entre le réseau national et les acteurs des territoires et collectivités a pris de l'ampleur. Six régions - l’Occitanie est la dernière en date - sont engagées dans la déclinaison du Plan Bâtiment, "reproduisant le modèle de mobilisation en l'adaptant aux enjeux locaux". Une septième, les Pays de la Loire, engage des discussions. "Chaque région s'en empare différemment", indique l'équipe du PBD. Portés par les conseils régionaux en lien avec les services de l’État, ses agences sur le territoire (Ademe, Anah) et les professionnels, ces plans régionaux se divisent en deux profils selon que le territoire mobilise des réseaux bancaires régionaux (souvent mutualistes) pour faciliter l’accès aux financements, ou bien mise sur le dispositif de tiers-financement (cas des Hauts-de-France). Occitanie et Grand Est réfléchissent à un opérateur de tiers-financement. Le Centre-Val de Loire lance le sien cet été (en savoir plus) et proposera vite des offres.

Par ailleurs se poursuit l'émergence, dans une logique de rationalisation des acteurs existants, de services publics de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). Introduits par la loi transition énergétique, ces "socles" sont amenés à assumer un "rôle de tiers de confiance de la rénovation" selon le ministère, et comme ce rôle s’exprime dans la proximité "les territoires doivent en prendre le leadership". Le PBD prédit la généralisation des SPPEH d’ici 2021. La Bretagne est en avance : "Rénov’Habitat y couvre à travers six plateformes les deux tiers de la population. Ce réseau est une préfiguration avancée du SPPEH attendu début 2020", observe-t-on au PBD. 

Un pilote dans l'observatoire ?

Prévue dans le plan national (action n°2), la création d'un observatoire national de la rénovation énergétique va prendre du temps. Les données actuelles sont nombreuses, éparpillées entre des observatoires existants (Open, BBC, base des DPE, précarité énergétique), voire incomplètes. Les bases de données utilisées sont différentes, ce qui pose des questions de compatibilité et d'interopérabilité. Le futur décret tertiaire (publié en 2017, annulé par le Conseil d’État, en cours de reconstruction sur base légale de la loi Elan) en générera une nouvelle. Un réseau peu connu, celui des CERC (17 cellules économiques régionales de la construction, coordonnées par un GIE national) fournit d'intéressants tableaux de bord régionaux du bâtiment durable. Pour structurer toutes ces données et faciliter l'évaluation des politiques engagées, "une étude avant tout exploratoire va être lancée en vue de préfigurer cet observatoire national, d’en évaluer le périmètre mais aussi le coût et les moyens humains nécessaires à mobiliser", éclaire-t-on au PDB. 

Expérimentation, fiscalité et vie interne

L'équipe s'emploie aussi à valoriser les expérimentations de massification des rénovations. Les douze projets d'ExpéRénos retenus l'an dernier avec l'Ademe - expérimentation Eco-Loti testée à Valence Romans Agglo, Oktave devenue une SEM dans le Grand Est ou le Véfa Réno de Saint-Brieuc en prise avec les notaires - lui donnent envie d'aller plus loin : "Avant d'en soutenir d'autres, réfléchissons à comment les formater, les dupliquer." La transaction immobilière comme moment clé du passage à l’action de rénovation est, poursuit l'équipe, une idée qui "prend corps au sein de la filière". Son rapport revient sur la perspective d’un bonus-malus sur les transactions au regard des critères énergétiques, "une question régulièrement posée depuis plusieurs années". Si rien n'a été arbitré à fin 2018, il signale toutefois "l’initiative de plusieurs communes qui, pour encourager les dépenses relatives à l’efficacité énergétique des logements, accordent une exonération partielle ou totale de la taxe foncière" pour certains logements. Est-ce localement une amorce de fiscalité verte ? Un recensement (non exhaustif) de l’Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) auprès d'une trentaine de ses agences départementales (dont l'Adil de Maine-et-Loire) "conduit à repérer 59 communes qui procèdent ainsi dans le parc existant". Enfin, relevons que le plan Bâtiment durable s'intéresse et veut faire connaître le sujet de l’économie circulaire à l’ensemble des acteurs de la filière bâtiment et immobilier. Et qu'en interne, son bureau orientant le choix des travaux et où sont déjà présents des représentants du bâtiment et des collectivités, devrait voir sa composition évoluer et s'ouvrir à un acteur jusque-là absent, celui des énergéticiens.