Rénovation énergétique des bâtiments : un plan pour faire bloc et cimenter l'action
C'est dans un lycée d'Angers fraîchement rénové dans le cadre d'une démarche de haute qualité environnementale (HQE) que le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a présenté ce 26 avril le plan national de rénovation énergétique des bâtiments. Issu d'une vaste concertation et attendu depuis des semaines, il place les collectivités territoriales au cœur d'une stratégie de massification des rénovations tout en revalorisant le rôle de l'initiative privée.
C'est en cachant sous une apparente modestie l'ambition d'accélérer la rénovation énergétique des bâtiments que Nicolas Hulot a dévoilé, le 26 avril, lors d'un déplacement à Angers (Maine-et-Loire), le contenu de ce plan national doté d'une trentaine de mesures qui visent à "créer un choc de confiance, renouveler l'élan de tous les acteurs pour atteindre les objectifs du plan Climat de juillet 2017".
L'envie d'avoir envie
Son but : rénover "plus, mieux et moins cher". Et entraîner les territoires dans cette nouvelle dynamique car "rien de tout ce qui pourra arriver ne se fera sans les collectivités locales", a insisté le ministre de la Transition écologique et solidaire. Certes, ce n'est pas le premier plan du genre. "Il y en a eu d'autres, assortis d'objectifs", reconnaît-il, mais "les résultats ne sont pas à la hauteur". "Ce nouveau plan n'est pas révolutionnaire en soi mais vise à mettre le paquet, faire converger l'ensemble des acteurs en changeant de méthode et en réinventant notre façon de parler d'efficacité et de rénovation énergétiques", poursuit-il. Son pilotage est ministériel mais intègre aussi des représentants d'associations de collectivités (Régions de France, Assemblée des départements de France, Assemblée des communautés de France, Association des maires de France).
Pour valoriser la rénovation énergétique aux yeux de tous, une campagne de communication de l'Ademe est prévue à l'automne prochain. Une "signature commune" va être trouvée - "un peu dans l'esprit de la marque French Tech", compare le ministre - pour "parler d'une seule voix, donner confiance et envie de rénover". Le suivi de la dynamique de rénovation et l'évaluation des politiques publiques associées va être structuré, afin de "mettre les données au service des acteurs qui font la rénovation, dont les collectivités territoriales", et ce sous la forme d'un observatoire national de la rénovation énergétique que l'Ademe va mettre en place "en articulation avec les acteurs existants".
Réformer les aides
Colonne vertébrale du plan : la refonte des aides à la rénovation énergétique. Certificats d'économies d'énergie (CEE), crédit d'impôt transition énergétique (Cite), éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), aides de l'Anah auxquelles s'ajoutent celles des collectivités... La volonté d'alléger ce millefeuille va donner lieu à des "simplifications drastiques" concernant l'éco-PTZ, dont la refonte va être alignée sur celle du Cite, lui-même amené à se transformer dès l'an prochain en prime, afin que les ménages puissent toucher l'aide financière plus rapidement, juste après les travaux et non "avec une année de retard, lors du dénouement de l'impôt sur le revenu, ce qui constitue un frein important pour les ménages aux revenus modestes ou moyens". Notons que cette refonte devra tenir compte des spécificités et besoins des territoires d'outre-mer.
Réveiller l'éco-prêt
Par ailleurs on le sait, les prêts classiques à prix très bas font de l'ombre aux éco-prêts individuels. Pour rassurer et motiver les banques, un fonds garantit ceux qu'elles octroient. Ce fonds dit de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE) va être rendu opérationnel grâce à un coup de pouce d'EDF. EDF s'apprête en effet à l'abonder de 57 millions d'euros sur trois ans grâce à ses certificats d'économie d'énergie (CEE). Des prêts devraient être plus facilement accordés aux plus modestes (35.000 ménages visés). Mais aussi dans des copropriétés où le reste à charge à financer freine la décision de réaliser des travaux. Via ce dispositif, jusqu'à 6.500 prêts collectifs en copropriétés par an, ainsi contregarantis, pourraient être débloqués.
L'éco-prêt logement social (éco-PLS), qui finance la rénovation énergétique de ce parc, va aussi être musclé par l'État et la Caisse des Dépôts, en associant les bailleurs sociaux, énergéticiens et représentants de professionnels. Le logement social dénombre en effet 500.000 passoires énergétiques. Le gouvernement s'est fixé l'objectif de toutes les faire rénover, au rythme effréné de 150.000 logements par an. Un objectif que des professionnels du secteur estiment hors de portée.
Seconde vie du décret tertiaire
Ce plan fixe par ailleurs la marche à suivre pour rénover les bâtiments tertiaires et y réaliser des économies d'énergie, en particulier dans le parc public. Suspendu l'été dernier par le Conseil d'État, le décret tertiaire va revenir à l'ordre du jour, via le projet de loi Elan "portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique", qui entame son parcours parlementaire (voir notre inventaire complet de ses mesures dans notre édition du 20 avril 2018). Sa base légale va être rediscutée, consolidée. "Le futur décret permettra de davantage cibler les secteurs plus consommateurs d'énergie, de moduler les exigences en fonction des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales éventuelles". Il tiendra compte de la taille du bâtiment, du profil des obligés (pour ne pas imposer des mesures disproportionnées aux PME), des spécificités des outre-mer et prévoira des solutions pour les bâtiments du "petit tertiaire".
Rendre lisible l'action publique
Partant du constat d'un foisonnement des structures et missions existantes, lequel "a mis à mal la lisibilité de l'action publique", ce plan invite à créer des repères pour orienter et favoriser la prise de décisions des ménages. Il reprend notamment des propositions issues du rapport cosigné par l'ancien député Michel Piron et Benoît Faucheux (Régions de France). Des plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE) existent. Reste à rationaliser le paysage des acteurs, à encourager les régions à mettre en place un schéma de ces plateformes territoriales. Mais aussi à trouver des synergies entre les dispositifs existants, à faire émerger de véritables services publics de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) et à mieux articuler l'offre publique territoriale et l'offre privée. La maturation de ces SPPEH s'appuiera sur des travaux qui débutent en mai entre le gouvernement et les collectivités. A terme, les entreprises et collectivités sont amenées à mieux collaborer pour massifier ces rénovations énergétiques.
Exemplarité des bâtiments publics
Ce plan engage l'État à continuer d'agir sur son propre parc immobilier et rendre ses bâtiments exemplaires. Un parc dont il améliore déjà sa connaissance : le suivi centralisé de ses consommations sera opérationnel dès 2019. L'objectif est de les réduire de 15% à l'horizon 2022 (par rapport à 2010). Pour multiplier les rénovations "en ciblant prioritairement des cités administratives", un investissement additionnel d'un milliard d'euros sur cinq ans est prévu. Un focus est fait sur le parc universitaire (15% des surfaces) : celui-ci "pourra donner lieu à l'expérimentation de modèles économiques de rénovation plus ambitieux et plus globaux".
Financement : miser sur les CPE
Quant au parc des collectivités, composé pour moitié d'écoles, de collèges et de lycées, sa rénovation doit aussi s'accélérer mais des difficultés de financement et d'ingénierie de contrat ou de projet sont pointées. Pour ces projets de rénovation, trois milliards d'euros sont mis sur la table dans le cadre du Grand plan d'investissement par l'État et la Caisse des Dépôts. Le plan met en exergue un outil plus vraiment nouveau mais qui reste innovant et "à promouvoir", le contrat spécifique de performance énergétique (CPE) qui permet "d'autofinancer une partie des investissements et d'obtenir une garantie de la part du maître d'œuvre ou d'une société de service en efficacité énergétique".
Ce type de contrat n'est pas facile à mettre en place pour toutes les collectivités. Des outils vont leur être destinés pour faciliter les choses. Autre dispositif mis en avant, "l'intracting", que la Caisse des Dépôts peut financer et qui "permet d'isoler comptablement les économies d'énergie réalisées ou à venir pour les affecter aux actions d'efficacité énergétique", en ciblant "les économies les plus rapides, notamment en agissant sur les usages et la régulation des systèmes". D'autres montages innovants seront encouragés. Enfin, une start-up dédiée à la rénovation des bâtiments publics va être missionnée pour lever les freins, massifier les contrats et réduire les coûts.