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Grand plan d'investissement : 10 milliards d'euros pour les collectivités

Plus qu’un plan d’investissement, c’est un plan de "transformation" du pays que le Premier ministre a dévoilé le 25 septembre : les investissements au service des réformes structurelles et vice versa. Au total, 57 milliards d’euros seront mobilisés sur cinq ans (transition écologique, numérique, innovation, formation), dont 10 milliards vers les collectivités territoriales.

20 milliards d’euros pour accélérer la transition écologique, 15 milliards pour les compétences et la formation professionnelle, 13 milliards pour la compétitivité et l’innovation, 9 milliards d’euros pour le numérique. Au total : 57 milliards d’euros sur la durée du quinquennat. C’est le détail du "grand plan d’investissement" voulu par le président de la République et dévoilé par le Premier ministre, lundi 25 septembre. C'est donc plus que les 50 milliards évoqués ces dernières semaine, un écart qui tient notamment à l’intégration des crédits du troisième programme d’investissement d’avenir (PIA), doté de 10 milliards d’euros. Ce "PIA 3" avait été programmé l’an dernier par l’ancien gouvernement mais aucun crédit ne lui avait encore été affecté.

"Transformation en profondeur"

Pensé par Jean Pisani-Ferry, ancien commissaire général de France stratégie (débauché par Emmanuel Macron pendant sa campagne), le GPI est "un projet de transformation en profondeur de notre pays", a martelé le Premier ministre, qui souhaite ainsi agir sur deux leviers : "engager des réformes économiques, fiscales et sociales", tout en amplifiant ces réformes structurelles "en les accompagnant par des investissements massifs".
Le Premier ministre a aussi apporté quelques éléments sur le financement du plan qui était jusqu’ici la grande inconnue. Une bonne part du plan n’aura aucun effet sur le déficit public, promet-il alors que le gouvernement s’engage à réaliser 16 milliards d’euros d’économie dans le prochain budget 2018 qui sera présenté ce mercredi. 12 milliards d’euros seront en réalité des réaffectations d’investissements existants. 11 milliards d’euros seront investis en prêts, garanties (sur le modèle du plan Juncker) et fonds propres : le gouvernement s’appuiera ainsi sur une "mobilisation exceptionnelle de la Caisse des Dépôts et de la Banque européenne d’investissement". La Caisse des Dépôts apportera "son savoir-faire, son expertise et ses fonds propres". Avec la BEI, "nous allons approfondir notre partenariat", a déclaré le Premier ministre.
A cela s’ajoute, les 10 milliards du PIA (pour rappel, celui-ci se répartira entre 6 milliards d’euros de subventions et 4 milliards d’euros en fonds propres). Il reste donc un solde de 24 milliards d’euros de nouvelles dépenses budgétaires ! L’une des grandes nouveautés par rapport au deux premiers PIA, c’est la "responsabilisation" des ministres voulue par Edouard Philippe. En clair : les crédits feront partie de leur budget, ils seront simplement "labellisés" GPI, précise Matignon.
Sur le total des 57 milliards, "10 milliards d’euros seront territorialisés vers les collectivités territoriales", a insisté le Premier ministre. Et un milliard dans les outre-mer.

Priorité à la rénovation thermique

La grande priorité sera donc la transition écologique qui va rafler plus du tiers des crédits. Avec toutefois des rapprochements curieux dans ce chapitre, comme la rénovation des routes nationales… "Ce plan s’inscrit dans la continuité du plan Climat lancé par le ministre d’Etat [Nicolas Hulot] au début du mois de juillet", a précisé le Premier ministre. Le grand chantier sera celui de la rénovation thermique des logements des ménages modestes et des bâtiments publics (9 milliards d’euros sur les 20). Le plan financera la rénovation d’environ un million de "passoires thermiques" dans le logement social d’ici cinq ans, sachant que, d’après le rapport de Jean Pisani-Ferry, la France compte 3,8 millions de ménages en situation de "précarité thermique", dont 2,1 millions dans le logement social (propriétaires ou locataires). Le programme "Habiter mieux" de l’Anah (Agence nationale de l’habitat) recevra ainsi 1,2 milliard d’euros de plus (soit au total 3,7 milliards d’euros). Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) sera transformé en prime (celle-ci pourrait profiter à 75.000 ménages modestes chaque année).
Le plan prévoit parallèlement d’investir 4,8 milliards d’euros dans la réduction de l’empreinte énergétique de bâtiments publics, dont 3 milliards d’euros pour ceux appartenant aux collectivités (500 millions d’euros de dotation de soutien à l’investissement local, 2 milliards de prêts concessionnels de la Caisse des Dépôts, 500 millions d’euros de fonds propres de la Caisse des Dépôts).
Au total, la Caisse des Dépôts devrait ainsi investir pour près de 5,5 milliards d’euros de prêts et des fonds propres pour la rénovation énergétique du logement social et des bâtiments des collectivités (soit plus de la moitié de ce volet). Elle pourra aussi assurer le cofinancement de sociétés de projets réalisant des travaux de rénovation énergétique pour les collectivités (comme les lycées). Elle se rémunérera "sur les économies d’énergie réalisées", précise le plan.

Prime à la casse

A côté des bâtiments et des logements, le plan prévoit de mobiliser 4,2 milliards d’euros dans le transport durable, en parallèle avec les Assises de la mobilité. Il prévoit la mise en place d’une nouvelle "prime à la casse". Cette "prime à la transition" de 1.000 euros sera doublée pour les ménages non imposables. L’objectif : renouveler quelque 100.000 véhicules par an.
Le plan soutiendra les collectivités qui ont des projets de transport de proximité (plateformes de mobilité, aménagements cyclables…). Une enveloppe de 500 millions d’euros gérée par les préfets, "en lien avec les collectivités", est prévue.
Le plan apportera par ailleurs 700 millions d’euros supplémentaires à la rénovation des routes nationales. Par ailleurs, 2,1 milliards d’euros seront octroyés à SNCF Réseau pour la rénovation des lignes ferroviaires "les plus vétustes et les plus utilisées", afin d’avoir "un impact socio-économique maximal", précise le plan. Enfin, 7 milliards d’euros seront dépensés dans les énergies renouvelables, avec l’objectif d’augmenter de 70% la production par rapport au niveau de 2016.

Former un million de chômeurs et un million de décrocheurs

Deuxième grand volet du plan : le renforcement des compétences et de l’employabilité… C’est un peu le pendant "sécurité" de la flexibilité introduite par la réforme du code du travail. L’objectif : "rendre l’accès à l’emploi à ceux qui en sont les plus éloignés". Refrain entonné au moment de chaque réforme de la formation. Le plan entend proposer une réponse concrètes à deux millions de personnes : un million de chômeurs peu qualifiés de plus de 25 ans (7,1 milliards d’euros) et un million de décrocheurs (6,7 milliards d’euros). Le chantier sera lancé "avec les régions", a précisé Edouard Philippe, dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, début octobre. Le Premier ministre veut aussi encourager "l’innovation pédagogique au sein de l’Education nationale", notamment dans les méthodes de formation des maîtres (300 millions d’euros) et en finir avec "la sélection par l’échec à l’université" (400 millions d’euros).

Un Etat "plus agile"

Le Premier ministre souhaite aussi "construire un Etat plus agile". Il s’agit à la fois de générer "des économies dans le fonctionnement de la machine de l’Etat" et de veiller à "ne laisser personne sur le côté du chemin". Ce sont les plus de 9 milliards d’euros prévus pour s’"adapter à l’ère du numérique" : 4,4 milliards pour les services publics et 4,9 milliards pour le système de santé (déploiement de la télémédecine dans les territoires ruraux ou ultramarins, numérisation des hôpitaux, développement des maisons de santé…). Le plan se fixe un objectif de "100% des services publics dématérialisés (hors délivrance des titres d’identité". Un fonds de 700 millions d’euros sera créé pour financer des projets qui génèreront des "économies durables", comme le paiement en ligne pour les cantines, les musées… Il fonctionnera sous forme d’appels à projets.

Premières mesures au 1er janvier 2018

Enfin, le plan prévoit d'octroyer 13 milliards d'euros à "l'innovation et la compétitivité", dont 5 milliards dans l'agriculture pour "accélérer l'adaptation des outils et le changement des pratiques". Il faudra attendre les conclusions des Etats généraux de l’alimentation pour en savoir plus, a précisé Jean Pisani-Ferry. 3,5 milliards seront investis dans l’excellence scientifique et la consolidation de "grandes universités de rang mondial", 4,6 milliards pour améliorer la compétitivité et l’innovation dans les entreprises ou pour soutenir les filières stratégiques, en particulier la filière aéronautique. Le plan reprend aussi les objectifs assignés par le président de la République au déploiement du très haut débit lors de la Conférence des territoires. Dans son rapport, Jean Pisani-Ferry indique qu’il s’agit d’engager dès à présent "300 millions d’euros complémentaires au plan très haut débit" (sachant que 3 milliards sur les 3,3 milliards de ce plan ont été engagés), puis de "déterminer les besoins complémentaires d’investissements, au-delà de l’objectif de 2022", en lien "avec les collectivités territoriales, les cofinanceurs publics, les opérateurs télécom et les partenaires privés".
S’agissant du calendrier, le Premier ministre a indiqué que les premières mesures figureraient dans le budget 2018 pour une entrée en vigueur "au 1er janvier 2018". Il souhaite ensuite instaurer un suivi "pragmatique" afin de "réorienter les dispositifs qui ne marcheraient pas pour les rediriger vers les investissements et les programmes qui fonctionnent mieux". Coordination, suivi, évaluation : tout sera piloté depuis Matignon.

 

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