Petites Villes de demain : cherche chefs d'orchestre pour jouer la partition
La première rencontre nationale du programme Petites Villes de demain s'est tenue jeudi 22 avril. L'occasion de mettre en avant le rôle charnière des "chefs de projets", notamment dans cette phase de démarrage où l'ingénierie est capitale. Des postes pris en charge à 75% par les partenaires.
"Le bonheur est dans les petites villes." Nicolas Soret, maire de Joigny, 9.500 habitants dans l'Yonne, ne boude pas son plaisir de figurer parmi les 1.600 lauréats du nouveau programme de revitalisation Petites Villes de demain réservé aux villes de moins de 20.000 habitants. D’autant que sa commune avait été retoquée lors de l’ancien appel à manifestation d’intérêt Centres-Bourgs. Sa ville connaît un regain d’attractivité, du fait notamment de sa relative proximité avec Paris. Les ventes immobilières y auraient doublé en un an. "Nous avions de longue date attendu l’hypothétique programme national, nous étions prêts", a-t-il témoigné lors de la première rencontre Petites Villes de demain, organisée sous forme de webinaire jeudi 22 avril, à laquelle plus de 1.000 élus ont participé. Comme pour de nombreuses petites villes, la revitalisation du centre historique, avec nombre de maisons en colombages classées, n’est pas une mince affaire. Dans sa politique de repeuplement du centre, le maire travaille main dans la main avec l’architecte des bâtiments de France (ABF) de l’Yonne, Jean-François Briand. Un atout quand on sait les relations parfois chatouilleuses entre élus et ABF. "Le but de l’opération est d’accroître l’attractivité de Joigny en conservant son caractère patrimonial. Il faut mener une réflexion globale à l’échelle de l’îlot et non au coup par coup", plaide Jean-François Briand.
Permis de louer
Nicolas Soret dit mener "une lutte acharnée contre l’habitat indigne". Contre les "marchands de sommeil", la mairie a ainsi mis en place un "permis de louer". Ce dispositif issu de la loi Alur de 2014 permet d’imposer une visite des services de l’hygiène de la municipalité avant toute mise en location. Le propriétaire peut alors se voir imposer des travaux et s’expose à de fortes amendes s’il ne s’exécute pas.
Autre enjeu de premier plan pour les petites villes : la revitalisation commerciale. C’est le combat mené depuis plusieurs années par La Souterraine, une commune de 5.300 habitants dans la Creuse qui, il y a deux ans, a fait l’actualité avec la liquidation de l’équipementier automobile GM&S. "Il a fallu recréer du flux, la vacance commerciale a été divisée par deux en six ans", se félicite le maire, Étienne Lejeune. La ville a notamment mis en place des aides au loyers commerciaux, dans la limite de 250 euros mensuels sur deux ans. Elle s’appuie aussi sur une Micro-Folie installée dans l’église...
Mais les deux maires savent la situation des petites villes fragile. Ils comptent sur le programme pour traduire leurs efforts dans la durée. S'appuyant sur plusieurs partenaires (ANCT, Banque des Territoires, Anah, Ademe et Cerema), Petites Villes de demain va entrer dans sa phase active, en particulier grâce à un important soutien en ingénierie de 250 millions d’euros sur les 3 milliards d'euros étalés sur la durée du mandat municipal. Après la publication de la liste des communes retenues le mois dernier, les premières conventions d'adhésion commencent à être signées. "Après Action cœur de ville – le grand frère de Petites Villes de demain qui s’adresse, lui, aux villes moyennes, ndlr – je savais qu’il fallait créer un programme pour toutes ces petites villes qui jouent un rôle de centralité sur les bassins de vie", a rappelé Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires, lors de cette rencontre. "Beaucoup d’élus de France vont trouver les réponses à leurs enjeux, numériques, de transition écologique ou sociaux. Il y aura des réponses appropriées à leurs préoccupations particulières", s'est félicitée l’avocate du "cousu-main".
L’un des atouts du programme est de financer 75% des postes de chefs de projet pendant la durée du mandat municipal. Les postes sont cofinancés par l’Anah, la Banque des Territoires et l’ANCT.
Des chefs de projet extrêmement polyvalents
"C’est un véritable chef d’orchestre qu’il faut trouver. Il faut lui donner la partition", a souligné Laurence Porte, maire de Montbard, ville de 5.000 habitants en Côte-d’Or. Selon elle, le chef de projet doit être "extrêmement polyvalent", avoir des qualités relationnelles (contacts avec les élus et les habitants). Le profil dépend aussi du projet de la municipalité : "Certains élus qui ont un centre ancien se tournent vers des architectes, d’autres cherchent davantage un profil de développeur économique", a précisé Juliette Auricoste, directrice du programme Petites Villes de demain à l’ANCT.
Parfois les postes sont mutualisés à l’échelle d’une intercommunalité. C’est le cas à Bouzonville et Sierck-les-Bains, deux communes frontalières de Moselle. "Nous avons décidé de mutualiser le travail de notre chef de projet et de faire rayonner la revitalisation de nos centres bourgs sur l’ensemble des communes autour", a indiqué Helen Lambard-Hammond, maire de Sierck. "C’est le génie de ce programme : on rassemble tout le monde dans une intercommunalité rurale, frontalière et industrielle", s’est enthousiasmé Patrick François, le directeur régional Grand Est de la Banque des Territoires.
Un sondage effectué sur le vif pendant cette rencontre montre que 16% des communes ont déjà recruté leur chef de projet, 40% sont en train, 41% l’ont prévu pour 2021 et 3% n’en ont pas l’intention. "Je déconseille vivement de faire l’économie d’un chef de projet en pensant qu’on va pouvoir le faire en interne. C’est risqué", a prévenu Laurence Porte. Le Cerema dispensera deux sessions de formation gratuite dédiées aux chefs de projet : l’une en juin, l’autre à l’automne. Ces formations se tiendront sous forme de webinaire et seront aussi ouvertes aux élus référents. Le Cerema dispensera aussi cinq jours d'expertise...
"Un formidable accélérateur de projets"
Le secrétaire d’État à la Ruralité, Joël Giraud, a aussi appelé les élus à se saisir du tout nouveau dispositif de volontaires territoriaux en administration (VTA), de jeunes diplômés qui viendront épauler les collectivités dans le montage de projets. Les associations d’élus sont également éligibles, a-t-il précisé. Par ailleurs, la Banque des Territoires consacrera 50 millions d’euros à la réalisation d’études via un marché à bons de commande. "C’est très simple pour les élus. Nous avons déjà sélectionné les cabinets qui vont travailler avec eux", a indiqué Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts.
Selon un autre sondage réalisé lors de la rencontre, 5% des maires déclarent avoir démarré leur opération de revitalisation, 45% y travaillent, mais 46% disent avoir besoin d’aide.
Christophe Bouillon, maire de Barentin (Seine-Maritime) - où le programme a été officiellement lancé le 1er octobre 2020 -, loue un "formidable accélérateur de projets", qui plus est à l'heure de la relance. "Pour que les contrats de relance et de transition écologique - portés à l’échelle des intercommunalités dans le cadre de la relance - soient vraiment au service des territoire, il faut qu’ils soient un aspirateur à financement", a lancé le président de l’Association des petites villes de France (APVF) au gouvernement (voir aussi notre article de ce jour sur l'enquête menée par l'APVF concernant le regard des maires de petites villes en matière de finances et de relance).