Pénurie de MNS : des mesures au milieu du gué
Les états généraux de l’encadrement et de la surveillance dans la filière aquatique ont débouché sur quelques mesures pour faire face à la pénurie chronique de maîtres-nageurs-sauveteurs en France. Le statut du BNSSA est au centre de toutes les attentions.
Certains y verront le bassin à moitié plein, d'autres à moitié vide. Les états généraux de l’encadrement et de la surveillance dans la filière aquatique, tenus à l'Insep le 10 février, n'ont pas manqué de démontrer que le chantier reste vaste et les solutions, pour beaucoup, encore lointaines.
Derrière l'intitulé de cette journée proposant la synthèse de travaux entamés dès novembre 2022, il faut comprendre les tensions dans le recrutement et les offres de formation de la profession de maître-nageur-sauveteur (MNS). On manque de candidats aux emplois tant publics que privés, mais également dans les différentes formations. Certains participants ont même rapporté des annulations de formations faute de candidats.
Pour l'accès à la profession, la valorisation et l'attractivité du métier sont en cause. Ici, il est question de l'image du métier, des conditions d'emploi mais encore, et surtout, de la rémunération et du manque de dynamisme dans la carrière des MNS, particulièrement pour les salariés de la fonction publique territoriale.
Le BNSSA dans le viseur des MNS
Pour l'accès aux formations, le manque de lisibilité et la complexité ressentie tant par les employeurs que par les candidats apparaissent criants. De fait, il existe pas moins de trois ministères certificateurs, auxquels il faut ajouter la Fédération française de natation. Sans surprise, les participants aux états généraux demandent une simplification de la carte des formations mais aussi un meilleur accès aux financements alors qu'une formation de MNS complète coûte plus de 6.000 euros.
Au carrefour des difficultés de recrutement et de formation se trouve un cadre d'exercice qui cristallise de nombreux reproches : le BNSSA (brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique). Par dérogation préfectorale, cette certification, très loin d'être équivalente à celle donnant le titre de MNS, autorise la surveillance en autonomie des baignades d'accès payant durant quatre mois par an. Elle permet donc de se passer de MNS dûment diplômés et rémunérés durant la période estivale, et fait à l'occasion l'objet d'abus de la part d'employeurs qui y recourent au-delà des périodes autorisées. Pour les représentants syndicaux des MNS, le recours aux titulaires du BNSSA fait craindre pour l'avenir même de leur métier.
En clôture des travaux, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a reconnu la baisse du nombre de MNS titulaires ces dernières années ainsi que les 10% de postes de saisonniers restés vacants au cours de l'été 2021, mais elle aussi a noté "des évolutions", avec un nombre de certifications en augmentation : 1.154 en 2021 contre 952 en 2018. Puis elle a martelé son ambition : "Dessiner ensemble un chemin de solutions efficaces dans les toutes prochaines semaines." Un dessin qui n'en est pourtant qu'au stade du croquis.
Vers plus de BNSSA ?
Le plan d'action en quatre volets d'Amélie Oudéa-Castéra – réglementation, formation, conditions de travail et valorisation du métier – comprend en effet des points qui restent largement à discuter et sur lesquels les travaux des états généraux n'ont pas amené d'avancées concrètes si l'on considère les problèmes connus de longue date.
Sur le premier volet, la ministre a annoncé, dès la première semaine de mars, le lancement de travaux "visant à définir les réglementations pertinentes que le ministère pourrait entériner à court terme pour solutionner les difficultés d'organisation de la surveillance, tout en maintenant l'accès le plus large possible aux apprentissages encadrés de la natation". Quelles mesures se cachent derrière cette formulation sibylline ? On comprend qu'elles porteront sur le recours aux titulaires du BNSSA et la place des MNS dans l'édifice. À ce stade, on sait que la ministre souhaite faire reconnaître le BNSSA par France compétences afin d'en faciliter l'accès, le financement et l'articulation avec les autres certifications. Concrètement, il faut s'attendre à un assouplissement du recours aux titulaires du BNSSA, réclamé par les gestionnaires d'équipements, et notamment les collectivités territoriales (lire notre article du 28 février 2022), mais décrié par les MNS.
Coup d'épée dans l'eau
Un certain flou persiste également en ce qui concerne l'amélioration des conditions de travail et l'attractivité. Sur ces thèmes, les états généraux auront été un coup d'épée dans l'eau puisque la ministre s'en remet, d'une part, aux branches professionnelles auxquelles elle demande de "continuer leurs efforts sur les métiers en tension et [de] promouvoir des solutions et pratiques qui permettent vraiment de faire progresser cette attractivité", d'autre part, à la réforme actuellement conduite dans la fonction publique par Stanislas Guérini (lire notre article du 2 février).
Le volet formation semble un peu plus avancé puisque la ministre annonce, en lien avec le CNFPT, le lancement d'une offre dédiée aux MNS afin que les agents bénéficient de formations continues menant à "des carrières dynamiques". Un enjeu qu'Amélie Oudéa-Castéra place "au sommet de [ses] priorités". Le partenariat entre le ministère des Sport et le CNFPT devrait, en outre, s'étendre au financement de l'apprentissage.
Quant à la valorisation du métier, elle devrait s'en tenir à "une grande campagne de communication et de promotion" en amont de la saison estivale 2023 fin de renforcer l'image des MNS et encourager les vocations. "Quand on sauve des vies, cela vaut le coup de le dire", a souligné la ministre.
Boycott des syndicats
La ministre a enfin tenu à "saluer la posture super constructive de presque tout le monde". Le "presque" était en effet de rigueur. Alors qu'elles avaient participé aux travaux préparatoires de l'automne, pas moins de cinq organisations syndicales de la profession (FDSP CGT, SNPMNS, FO-SPS, FFMNS et CFTC) ont boycotté ces états généraux, fustigeant dans un communiqué un "plan de communication […] très loin des enjeux réels, de l’intérêt général et de celui des agents et salariés".
Ces syndicats revendiquent notamment un plan d’urgence national de formation de 6.000 maîtres-nageurs avant les Jeux olympiques de 2024, une dotation spéciale de fonctionnement de l’État en faveur des collectivités locales pour le recrutement mais aussi la réhabilitation et la construction d'équipements, ou la mise en place de formations continues en lien avec la profession pour une évolution de carrière adaptée aux enjeux.
Ces états généraux laissent donc un goût d'inachevé. De nombreuses préconisations des acteurs de terrain sont loin, en l'état, de faire l'objet de mesures concrètes. D'autres seront même contrariées. "Certaines propositions entrent un petit peu en conflit et nous obligent à reprioriser les éléments", avait prévenu Amélie Oudéa-Castéra… Pour déployer ce plan, un comité de suivi va être installé dans le mois à venir.