Paupérisation des copropriétés immobilières : les propositions de la commission d’enquête sénatoriale
La commission d’enquête sénatoriale sur la paupérisation des copropriétés immobilières fait une série de recommandations afin de juguler un phénomène décrit comme "l’angle mort" des politiques en matière de logement.
Constituée en février dernier, la commission d’enquête sénatoriale présidée par la sénatrice du Pas-de-Calais Amel Gacquerre a mené à terme ses travaux dans un contexte "très chargé", reconnaît l’élue. Avec une feuille de route simple : mieux connaître le phénomène de la paupérisation des copropriétés immobilières pour ensuite mieux le combattre. La dernière réforme en date de la loi de 1965 sur les copropriétés remonte à 2014. Un recul plus que suffisant pour dresser un état des lieux circonstancié de ces objets juridiques considérés comme "l’angle mort" des politiques publiques en matière de logement. Premier constat, "le phénomène touche l’ensemble du territoire", explique Amel Gacquerre, les territoires ruraux autant que les grandes métropoles, et tend à s’accentuer rapidement dès lors qu’il s’installe dans une copropriété.
Il existe à ce jour 10 millions de logements en copropriété en France, relève la rapporteure Marianne Margaté (sénatrice de Seine-et-Marne), dont 1 million de copropriétés modestes, voire très modestes. Et si l’Anah en répertoriait près de 900.000 en 2023, 300.000 ne sont cependant pas immatriculées au registre national (RNIC). "Or tout laisse à penser que ce sont les plus petites et les moins bien gérées sur lesquelles nous avons le moins d’information." La Banque des Territoires avance pour sa part le chiffre de 215.000 copropriétés ayant un montant d’impayés d’au moins 20% de leur budget annuel. Des données auxquelles s’ajoutent les 90.000 copropriétés qui n’auraient pas approuvé leurs comptes depuis plus de 2 ans et les quelque 23.000 qui ne l’auraient fait depuis plus de 5 ans.
Les facteurs qui entraînent cette paupérisation des copropriétés sont multiples, depuis le vieillissement des immeubles en passant par les difficultés des copropriétaires eux-mêmes, dont un pourcentage non négligeable vit sous le seuil de pauvreté. Dès lors, la dégradation des copropriétés est décrite comme un engrenage, entre impayés, conflits de gestion, augmentation des charges ou encore absence de travaux d’entretien. C’est cette "spirale de la paupérisation" que les sénateurs entendent juguler à travers une série de recommandations autour de trois thématiques distinctes.
Création d’une banque de la rénovation et de la copropriété
Le premier chantier concerne la prévention et le traitement de ces difficultés qui passent par une amélioration du renseignement du RNIC ou encore la généralisation des Maisons de l’habitat portées par les intercommunalités, intégrant la problématique des copropriétés en fédérant les professionnels du secteur et les associations et visant à simplifier les démarches. La commission d’enquête propose en parallèle de favoriser le financement de missions de mandataires ad hoc à travers les aides de l’Anah ou encore l’accélération de la lutte contre les marchands de sommeil par l’introduction de sanctions en cas de manquement à l’obligation de signalement incombant aux professionnels. Le second enjeu, estime la rapporteure Marianne Margaté, concerne la pérennisation et l’amélioration des politiques publiques en la matière. La sénatrice appelle de ses vœux la préparation d’un nouveau plan initiative copropriétés (PIC) à horizon 2028 ainsi que la création d’un PIC dédié aux petites copropriétés. La commission d’enquête préconise également la création d’une banque de la rénovation et de la copropriété au sujet de laquelle elle souhaite qu’une mission de préfiguration soit confiée à un parlementaire. Elle confirme d’ailleurs des échanges avec les représentants du monde bancaire pour ébaucher cet outil "qui ne viendrait pas en concurrence du système bancaire, mais davantage en accompagnement". En parallèle, elle propose que le recours au fonds de solidarité pour le logement soit plus systématiquement ouvert au profit des copropriétaires pauvres.
Enfin, le rapport de la commission d’enquête aborde la question de la gouvernance des copropriétés en proposant de renforcer les obligations d’information et de formation des nouveaux acquéreurs. Elle suggère également d’intégrer les charges et les montants prévus dans le plan pluriannuel de travaux de la copropriété dans le calcul du taux d’effort des ménages qui contractent un prêt auprès d’un établissement bancaire. Dès l’annonce du prochain gouvernement, Amel Gacquerre promet "d’aller présenter les conclusions de la commission d’enquête afin que soit intégré un volet consacré aux copropriétés dans une future loi de programmation sur le logement".