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Loi Création - Patrimoine : un décret fleuve pour appliquer les dispositions de la loi LCAP

Un décret daté du 29 mars 2017 relatif au patrimoine mondial, aux monuments historiques et aux sites patrimoniaux remarquables est paru au JO du 31 mars 2017, en application de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP). Au menu notamment : les nouvelles commissions, la valorisation de la "zone tampon" des biens inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, des précisions sur le "périmètre délimité des abords" et sur les nouveaux "sites patrimoniaux remarquables" remplaçant les anciens dispositifs ZPPAUP, Avap, quartiers Malraux...

Un volumineux décret (30 pages !) du 29 mars 2017 tire les conséquences réglementaires des modifications apportées par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) en matière de patrimoine mondial, de monuments historiques et de sites patrimoniaux remarquables (voir notre article ci-dessous du 12 juillet 2016). Les dispositions du décret s'appliquent aux demandes d'autorisations d'urbanisme et aux déclarations préalables déposées à compter du lendemain de sa publication, soit à compter du 1er avril 2017.


Nouvelle loi, nouvelles commissions

Le décret procède tout d'abord à la mise en place des nouvelles commissions prévues par la loi LCAP. Ainsi, la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture remplace à la fois la Commission nationale des monuments historiques et la Commission nationale des secteurs sauvegardés. Au niveau territorial, c'est la commission régionale du patrimoine et de l'architecture qui se substitue à la commission régionale du patrimoine et des sites et à la commission départementale des objets mobiliers.
Le décret du 29 mars précise également la composition et le fonctionnement de cette nouvelle Commission nationale du patrimoine et de l'architecture. Elle comprend sept sections, allant des sites patrimoniaux remarquables et leurs abords aux parcs et jardins, en passant par la protection des immeubles au titre des monuments historiques, les domaines nationaux et l'aliénation du patrimoine de l'Etat, les projets architecturaux et travaux sur les immeubles, ou encore la protection des objets mobiliers au titre des monuments historiques et travaux, sans oublier les sections dédiées aux instruments de musique et aux grottes ornées.
Le décret détaille ensuite la composition de chacune de ces sections. Chaque section compte trois ou cinq membres titulaires d'un mandat électif (en dehors des éventuels élus figurant au titre des personnalités qualifiées), répartis entre titulaires d'un mandat national et détenteurs d'un mandat local. Les autres membres sont les représentants de l'Etat, ceux des fondations ou associations et les personnalités qualifiées. Le secrétariat de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture est assuré par la direction générale des patrimoines.

Trois sections pour la commission régionale du patrimoine et de l'architecture

La commission régionale du patrimoine et de l'architecture ne comprend en revanche que trois sections : protection et valorisation de l'architecture et du patrimoine immobilier, projets architecturaux et travaux sur immeubles, protection des objets mobiliers et travaux. Comme pour la commission nationale, les élus nationaux et locaux sont représentés dans chaque commission régionale. Le président de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture est choisi par le préfet de région parmi les membres titulaires d'un mandat électif national ou local. Les élus président également chacune des trois sections.
Par ailleurs, le décret précise que "la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, de document d'urbanisme en tenant lieu et de carte communale, ainsi que l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme sont informées de l'ordre du jour qui les concerne et sont entendues par la commission si elles en font la demande". L'architecte des Bâtiments de France et le conservateur des antiquités et objets d'art sont également entendus par la commission lorsqu'elle examine des affaires les concernant.

Patrimoine mondial et zone tampon

Le décret du 29 mars 2017 consacre aussi plusieurs dispositions aux biens inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Le texte précise notamment que "pour assurer la préservation de la valeur universelle exceptionnelle des biens reconnus en tant que biens du patrimoine mondial, l'Etat et les collectivités territoriales ou leurs groupements protègent ces biens et, le cas échéant, tout ou partie de leur zone tampon par l'application des dispositions du présent livre, du livre III du Code de l'environnement ou du livre Ier du Code de l'urbanisme".
Le décret intègre également la notion de zone tampon, fortement recommandée - mais non obligatoire - par l'Unesco. Le périmètre et le plan de gestion de cette zone tampon sont définis par un arrêté du préfet de région. Curieusement, la consultation de la commission nationale et de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture est prévue, mais non obligatoire.

Des précisions sur l'aliénation de biens patrimoniaux

Autre avancée du décret : les clarifications apportées sur l'aliénation de biens relevant du patrimoine et appartenant à des personnes publiques. Ainsi, "en cas de projet d'aliénation d'un immeuble classé appartenant à une collectivité territoriale ou à l'un de ses établissements publics, le préfet de région présente ses observations dans le délai de deux mois suivant la notification faite par le propriétaire de l'immeuble".
Dans le cas d'un projet d'aliénation d'un immeuble classé ou inscrit appartenant à l'Etat ou à l'un de ses établissements publics, les observations sont présentées, dans un délai de six mois, par le ministre de la Culture, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture.

Quid du "périmètre délimité des abords" ?

Plusieurs articles sont consacrés à la notion de périmètre délimité des abords, qui remplace le périmètre de protection adapté. Ils prévoient notamment que "lorsque la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent élabore, modifie ou révise [...] le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu ou lorsqu'il élabore ou révise la carte communale, le préfet saisit l'architecte des Bâtiments de France afin qu'il propose, le cas échéant, un projet de périmètre délimité des abords". La mise en place de ce périmètre s'assortit d'un régime des travaux en abords, lui aussi rénové, dont le décret détaille les modalités d'autorisation.
Le décret précise aussi les modalités d'exercice du droit de préemption de l'Etat en cas d'aliénation d'un immeuble situé dans le périmètre d'un domaine national, ainsi que les modalités de servitude.

Les sites patrimoniaux remarquables

Une grande partie du décret est consacrée aux sites patrimoniaux remarquables, une des novations majeures de la loi LCAP, qui doit simplifier la protection du patrimoine en remplaçant l'accumulation de dispositifs survenue au fil des ans (ZPPAUP, Avap, quartiers Malraux...).
Le décret du 29 mars commence par définir la procédure de classement au titre des sites patrimoniaux remarquables : accord préalable de la commune ou de l'EPCI, enquête publique organisée par le préfet, prise de décision... Il précise également la composition et le rôle de la "commission locale du site patrimonial remarquable", constituée à compter de la publication de la décision de classement d'un site patrimonial remarquable. Les maires des communes concernées, de même que le préfet, le Drac et l'architecte des Bâtiments de France en sont membres de droit, tandis que les membres désignés comprennent au moins un tiers de représentants désignés par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI.
Le décret détaille aussi le contenu du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine et le régime des travaux dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable.
Enfin, un long article adapte les dispositions correspondantes du Code du patrimoine aux collectivités d'outre-mer, notamment en ce qui concerne la composition de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. De même, plusieurs articles procèdent à un toilettage du Code du patrimoine pour l'adapter aux nouvelles règles et dénominations mises en place par la loi LCAP. Parmi ces dispositions finales figurent en particulier le contenu et les modalités de mise en œuvre du plan de sauvegarde et de mise en valeur qui peut être établi sur tout ou partie d'un site patrimonial remarquable classé.

Références : décret 2017-456 du 29 mars 2017 relatif au patrimoine mondial, aux monuments historiques et aux sites patrimoniaux remarquables (Journal officiel du 31 mars 2017).