Pas de fléchissement sur le marché de l’emploi cadre en 2023
L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) a présenté jeudi 8 février sa dernière étude en date qui anticipe les évolutions du marché de l’emploi des cadres en France. Un marché qui continue de progresser malgré des prévisions de croissance revues à la baisse pour 2023.
Les premières données de l’étude de l’Apec sur l’emploi des cadres en 2023 ont surpris jusqu’à son directeur général Gilles Gateau. Après une année 2022 marquée par l’inflation, la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en a découlé, "nous nous attendions à un fléchissement compte tenu des prévisions de croissance pour le premier trimestre 2023 (+0,1% selon l’Insee)". Au final, la dynamique observée en fin d’année sur le front de l’emploi des cadres semble, au contraire, se renforcer. "Fin 2021 nous avions enregistré un niveau très fort d’intentions d’embauches par effet de rattrapage après la phase Covid", rappelle le directeur général de l’Apec, avant de connaître un ralentissement au premier semestre 2022, signe que "les intentions d’embauches ont une forte sensibilité au contexte économique et géopolitique !" Depuis, la dynamique est redevenue positive, en dépit du contexte, ce qui semble perturber les experts de l’Apec : "la dynamique de création d’emplois est bien plus forte que ne le laisserait penser le niveau de croissance".
Face à cette situation, Gilles Gateau ébauche deux explications : nous assisterions à un phénomène transitoire avant une nécessaire correction de trajectoire ; ou bien il s’agirait d’un changement de modèle dans la relation croissance/travail qui serait bien plus profond. De manière plus prosaïque, les excellentes perspectives du premier trimestre 2023 pourraient découler d’un changement d’attitude des employeurs face à l’allongement des délais de recrutement. En résumé, "il devient plus risqué de mettre un projet sur pause au risque de ne pas trouver les compétences dont les entreprises ont besoin", souligne Gilles Gateau.
Les choix des entreprises pour surmonter les difficultés de recrutement
C’est bien la capacité à surmonter les difficultés de recrutement qui s’impose comme l’enjeu essentiel auquel sont confrontées les entreprises. Un enjeu plus essentiel encore dans un contexte de ralentissement de la croissance qui reste "le sujet n°1 des entreprises". Dans le détail, 6 entreprises sur 10 ont connu en 2022 des difficultés à recruter et un tiers d’entre elles qualifient leurs démarches en ce sens de "très difficiles", pointant en premier lieu un manque de candidatures pertinentes au regard de leurs besoins ou encore des désistements de candidats en cours de process (pour 40% des entreprises interrogées). Un phénomène devenu récurrent "dans un marché très clairement favorable aux candidats", ajoute Gilles Gateau. Du coup, 26% des entreprises renoncent à leurs projets d’embauche avec pour conséquence de surcharger les équipes en place ou bien de refuser des commandes. Pour 2023, elles sont près de 80% à anticiper des difficultés à recruter.
Pour contourner ces difficultés, elles ont davantage recours à l’approche directe des candidats : 36% des cadres en poste déclarent avoir été en contact avec un cabinet de recrutement au cours des trois derniers mois. En 2022, 56% des entreprises interrogées ont également procédé à des ajustements à la hausse sur la rémunération proposée pour attirer les candidats. L’Apec souligne également que 22% des cadres en poste depuis moins de 2 ans ont demandé une rupture de leur contrat de travail en raison, le plus souvent, d’un décalage entre le poste proposé et la réalité effective du poste. Enfin, 53% des cadres disent qu’ils refuseraient une proposition qui ne prendrait pas en compte le télétravail !
Une spécificité des cadres sur la question de la fin de carrière
S’agissant des cadres seniors (+ de 55 ans), la directrice générale adjointe de l’Apec, Laetitia Niaudeau, rappelle qu’ils sont plus souvent au chômage de longue durée (6,8%) que les seniors dans leur ensemble. Une population estimée à 102.000 personnes en France dont 36% recherchent un emploi depuis plus d’un an. En parallèle, la DGA souligne que seulement 6% des cadres recrutés en 2021 avaient plus de vingt ans d’expérience. Pourtant, loin des idées reçues, la plupart d’entre eux continuent de se former et se déclarent près à faire des ajustements sur leurs critères de recherche (temps de travail, salaire, poste...). En lien avec l’actualité du moment, Laetitia Niaudeau prévient : "si on recule l’âge légal de départ à la retraite sans augmenter le temps passé en emploi, cela fera peser un risque économique et social très important".
Pas de phénomène observable de "grande démission"
L’étude de l’Apec pointe également la nécessité d’adapter les politiques de rémunération dans un contexte d’inflation. Globalement inquiets pour leurs perspectives d’évolutions salariales, les cadres estiment à 44% obtenir au moins 5% d’augmentation en quittant leur entreprise. Les envies de mobilité progressent fortement puisque 15% d’entre eux l’envisage dans les trois prochains mois. Dans le même temps, l’Apec n’observe pas de phénomène de "grande démission", au contraires : les cadres se disent à 95% investis dans leur travail et même fiers de leur entreprise (82%). En revanche, le sentiment de surinvestissement et le besoin d’un nouvel équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle touche un cadre sur deux.
Enfin, le télétravail interroge dans les entreprises. Si les cadres semblent de plus en plus nombreux à le plébisciter, beaucoup jugent qu’il impacte "le collectif de travail" (25%), la qualité de la relation avec les collègues (22%) ou encore la capacité à collaborer avec d’autres membres de l’équipe (20%).