Pas-de-Calais : les violentes crues de ces derniers mois n'ont pas été causées par un manque d'entretien des cours d'eau

Les inondations exceptionnelles qui ont laissé des milliers d'habitants sinistrés dans le Pas-de-Calais depuis novembre dernier n'ont pas été causées par un manque d'entretien des cours d'eau, pointé par certains élus et agriculteurs critiques des contraintes environnementales, a conclu une mission administrative dont le rapport a été publié ce 15 juillet.

"Le manque d'entretien des réseaux hydrauliques permettant l'évacuation des eaux vers la mer n'a pas été la cause des inondations dans le Nord et le Pas-de-Calais", écrivent les inspecteurs des ministères de la Transition écologique (IGEDD) et de l'Agriculture (CGAAER) dans un rapport daté d'avril dernier mais publié ce 15 juillet seulement.

"Le facteur déclenchant (...) est l'ampleur des précipitations, avec des cumuls atteignant près de 800 mm sur les deux derniers mois de l'année 2023, causant des crues dépassant très largement les niveaux centennaux", selon leurs conclusions. "Ces cumuls ont très largement excédé les capacités des ouvrages de protection contre les crues, même quand ils sont parfaitement entretenus, ceux-ci étant le plus souvent, et logiquement, dimensionnés pour des épisodes d'occurrence inférieure à une crue cinquantennale", poursuit le rapport.

Mission "flash" lancée le 1er février 2024

"Les inondations d'ampleur inédite, survenues à l'automne 2023 et en janvier 2024 sur les secteurs de l'Audomarois, du delta de l'Aa, du Boulonnais et du Montreuillois, ont donné lieu à des critiques exprimées notamment par la profession agricole" contre un entretien jugé "insuffisant", rappellent les inspecteurs de l'IGEDD et du CGAAER. Ces derniers avaient été chargés le 1er février 2024 d'une mission "flash" afin d'identifier de potentielles mesures de "simplifications" des contraintes légales pesant sur l'entretien des cours d'eau, dont certaines visent à protéger les espèces menacées.

Début janvier le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, avait annoncé préparer un changement de réglementation pour "faciliter le curage". La pertinence de la technique fait toutefois débat au sein des experts, compte-tenu du risque de destruction du fonds biologique des rivières ou parce que dans certains cas il est préférable de ralentir l'écoulement de l'eau que de l'accélérer vers l'aval. Dès janvier, des dérogations pour ces curages avaient été accordées par les préfets du Pas-de-Calais et du Nord, en urgence. "Adaptée aux circonstances du moment, cette base juridique serait sujette à caution si elle devait perdurer", avertit la mission.

En raison du réchauffement climatique, les précipitations extrêmes devraient augmenter en nombre et en intensité dans la région, selon les climatologues. Le delta de l'Aa, vaste polder très peuplé et quasiment sous le niveau de la mer à marée haute, est l'une des zones françaises les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique.

Clarifier et simplifier le cadre légal de l'entretien des cours d'eau

Les inspecteurs proposent donc plusieurs pistes de clarification et de simplification du cadre légal tout en appelant à faciliter le recours à des dispositifs juridiques liés à l'urgence. Ils recommandent notamment d'appliquer l’article L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime pour faire bénéficier les travaux d’une déclaration d’intérêt général et obtenir ainsi la possibilité d’accéder aux parcelles. Autre proposition : compléter l’article L.214-3 du code de l’environnement en son alinéa - II bis pour que le régime d’urgence qu'il prévoit, qui a pour effet d’exempter des travaux du régime de l’autorisation ou de la déclaration environnementale, soit applicable non seulement à des travaux destinés à prévenir un danger grave et immédiat mais aussi à des travaux destinés à remédier à des inondations d’ampleur inédite ou à en prévenir le retour à court terme. 

Les préfets de département pourraient aussi fixer des prescriptions à la réalisation de travaux d’entretien des cours d’eau, en vue d’éviter les risques d’atteinte à des espèces protégées ou à leurs habitats. Les inspecteurs suggèrent également de supprimer les procédures administratives pour des travaux d’entretien de cours d’eau lorsqu’ils sont adossés à un programme général conçu par une collectivité publique et ayant reçu l’accord de l’administration. Ils préconisent de renforcer la base juridique des dispositions que les préfets prennent lors des crises. Il faudrait aussi prévoir que ces dispositions soient à nouveau mises en œuvre si des interventions dans les cours d’eau restent nécessaires pour éviter de nouvelles inondations. Enfin, ils proposent de simplifier le statut juridique des sédiments extraits à l’occasion de travaux d'entretien des cours d'eau, et de sécuriser leur valorisation agricole.

 

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