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Municipales - Parité : malgré la loi de 2007, rien n'est gagné

Les municipales de mars vont certainement permettre, grâce à la règle du "chabadabada", à davantage de femmes d'accéder à des fonctions électives locales. Y compris dans les grandes villes ? Et à quel niveau de responsabilité ? L'Observatoire de la parité s'interroge...

Les scrutins de mars prochain seront-ils ceux d'un avènement massif des femmes aux responsabilités électives locales ? A en croire l'Observatoire de la parité, les choses vont forcément progresser. Celui-ci estime même que les conseils municipaux issus de ces élections "constitueront l'avant-garde de la révolution paritaire". Les municipales de 2008 vont en effet permettre d'appliquer les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 - un texte qui a permis de renforcer sensiblement les apports de la loi fondatrice du 6 juin 2000 "tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives". Ceci, principalement, en introduisant pour les communes de plus de 3.500 habitants une obligation d'alternance stricte dans la composition des listes électorales - autrement dit le principe "chabadabada" (un homme, une femme !), alors que la parité ne s'appliquait jusqu'ici que par groupe de six candidats, reléguant bien souvent la première femme en septième position sur la liste... Autre nouveauté introduite par la loi de 2007 : l'obligation de parité sur les listes d'adjoints élus par le conseil municipal. Une nouveauté de taille, puisque l'on sait que la part des femmes parmi les adjoints représentait jusqu'ici l'un des points faibles de la parité, même si l'on ne dispose pas, faute de statistiques sexuées, de données sur la proportion exacte d'ajointes, ce que regrette d'ailleurs vivement l'Observatoire. On peut néanmoins l'évaluer à 30%.
Toutes tailles de communes confondues, les femmes représentent 33% des conseillers municipaux et 10,9% des maires élus en 2001. S'agissant des conseillères municipales, leur part est plus importante dans les communes de 3.500 habitants (entre 47 et 48%), seules soumises à la législation sur la parité. A contrario, la part des femmes maires n'augmente pas avec la taille de la commune, l'Observatoire y voyant naturellement le résultat de "l'enjeu de pouvoir" prévalant dans les grandes villes - enjeu toujours préjudiciable aux femmes.

Le filtre des partis politiques...

S'il faudra attendre le dépôt des listes, à la mi-février, pour connaître la place des femmes parmi les têtes de liste, notamment au niveau des grandes villes, "les premières indications disponibles auprès des partis politiques laissent entrevoir un progrès, de l'ordre de 10%", note Mariette Sineau, politologue participant entre autres aux travaux de l'Observatoire. Pas de révolution en vue toutefois : les premières investitures annoncées pour les villes de plus de 20.000 habitants semblent présager pas moins de 85% de listes dirigées par des hommes. Sans oublier qu'il faut ensuite distinguer investitures et mairies réellement gagnables.
Marie-Jo Zimmermann, rapporteure générale de ce même Observatoire, qui présentait le 23 janvier les résultats de ses dernières enquêtes, ainsi qu'un certain nombre de recommandations, insiste d'ailleurs très largement sur la nécessité d'"inciter les partis politiques à prendre l'engagement de respecter l'article 4 de la Constitution" sur l'égalité hommes-femmes. Les partis politiques, principal facteur bloquant ? On pourrait en effet le penser, lorsqu'on constate que les femmes ne sont majoritaires que parmi les élus "non-encartés". "On observe un mode de recrutement différent des élus municipaux selon le sexe : partis politiques pour les hommes, société civile pour les femmes", résume l'Observatoire.
Pour Marie-Jo Zimmerman, l'autre grande nécessité est la modernisation du statut de l'élu. "Tant qu'on n'aura pas obtenu de vrai statut de l'élu, on n'avancera pas sur la parité", assure-t-elle. "Les enquêtes mettent en permanence en avant les difficultés à articuler vie personnelle, vie professionnelle et engagement politique", poursuit-elle. Si ces difficultés valent sans doute pour l'ensemble des élus locaux, elles seraient plus flagrantes encore pour les femmes.

Et l'intercommunalité ?

Cette modernisation doit notamment passer par un aménagement du temps de travail (grâce, par exemple, à des "décharges" sur le modèle des décharges syndicales, à une hausse des indemnités facilitant le passage à temps partiel...) et par une validation des acquis de l'expérience des élus en fin de mandat. "La reconnaissance de ce qu'on a acquis et de ce qu'on a donné au cours de son mandat peut contribuer à l'envie de s'investir", commente Marie-Jo Zimmermann. D'autres facteurs matériels, tels que le développement de services de prise en charge de la petite enfance et des personnes dépendantes, pourraient aussi débloquer certaines vocations féminines, estime l'Observatoire.
Reste à savoir, au-delà même de l'élection, quelles seront les responsabilités réelles confiées aux femmes dans les équipes municipales. On songe par exemple au schéma classique de la petite enfance confiée à une adjointe tandis que l'urbanisme ira systématiquement à un collègue masculin. L'analyse de la députée de Moselle et candidate à la mairie de Metz va même plus loin : "Ce n'est pas parce qu'on a réglé le problème de la parité sur les listes qu'on a forcément gagné l'égalité dans la vie locale. La réalité nous montre que la présence au sein des équipes ne suffit pas, que les femmes ne se sentent pas assez intégrées dans les prises de position. Je n'irai pas jusqu'à dire que les femmes sont réduites à un rôle de potiches... mais il y a un vrai problème de confiance."
Enfin, Marie-Jo Zimmermann espère que l'on reparlera bientôt d'un autre enjeu - celui de la parité à l'échelon intercommunal. Si celle-ci a été écartée de la loi de 2007, malgré les amendements qui avaient été déposés en ce sens, "c'est là qu'il faut aujourd'hui porter nos efforts", estime l'élue : "La réalité du pouvoir, aujourd'hui, est là, à la tête des agglomérations. Or les femmes y sont peu présentes. Il faut, pour y remédier, une avancée législative. C'est ma bataille pour les dix ans à venir."

 

Claire Mallet

 

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