Parité dans les petites communes : adoptée en première lecture, la proposition de loi a peu de chance d'aboutir
Les députés ont adopté jeudi 3 février 2022, en première lecture, une proposition de loi MoDem visant à instaurer une parité obligatoire dans toutes les communes, y compris les plus petites, dès les élections municipales de 2026, avec à la clef un scrutin de liste qui fait débat. Ce texte adopté a gommé la référence à l’intercommunalité. Il a peu de chance d'aboutir, faute d'engagement par le gouvernement de la procédure accélérée.
C'est le "dernier kilomètre pour les femmes en politique", s'est félicitée la présidente (LREM) de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à propos du texte porté par Elodie Jacquier-Laforge (MoDem) adopté le 3 février en séance par 105 voix pour et trois contre. "Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour la femme", a salué l’auteure de la proposition de loi dont on peut douter qu'elle soit adoptée avant la fin de la mandature, en raison du calendrier très resserré. D'autant plus que le gouvernement n’a pas engagé la procédure accélérée pour permettre une seule lecture devant chaque chambre. Le texte va suivre une procédure parlementaire normale et les probabilités qu'il revienne en 2e lecture sont faibles car les travaux de l’Assemblée nationale doivent se clore le 27 février. Pour autant, il pourrait constituer un possible premier jalon en vue de la prochaine législature.
Pour mémoire, à ce jour, dans les communes de moins de 1.000 habitants, les élections municipales se font au scrutin majoritaire avec possibilité de panachage ou suppression de nom.
Le dispositif adopté le 3 février prévoit de supprimer le seuil de 1.000 habitants et met en place le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes. Il organise aussi la création d’une nouvelle strate de communes : entre 500 et 999 habitants, dans laquelle le conseil municipal compterait 13 membres au lieu de 15. Il autorise le dépôt de listes incomplètes dans toutes les communes de moins de 1.000 habitants. Il organise enfin un élargissement des dérogations au principe de complétude du conseil municipal, prévues actuellement pour les communes de moins de 500 habitants, aux communes entre 500 et 999 habitants.
En revanche, il ne fait plus référence à l’intercommunalité. Le texte initial comprenait un article consacré aux intercommunalités, avec la mise en place d’un dispositif prévoyant que la répartition des vice-présidents de chaque sexe au sein des EPCI corresponde à leur répartition au sein de l’organe délibérant pris dans son ensemble. Cet article a été supprimé en commission et n’a pas été rétabli en séance publique.
"Il y a un risque d'inconstitutionnalité"
"C'est un acte d'une grande portée démocratique", a salué la communiste Marie-George Buffet, chaleureusement applaudie sur les bancs de la majorité. "Il y a des tas de communes où on n'arrive même pas à trouver le nombre suffisant de conseillers municipaux (...) Je ne sais pas quelle idée vous a passé par la tête !", a inversement critiqué le chef de file des députés Libertés et Territoires, Bertrand Pancher, s'attirant les huées d'une partie de l'hémicycle, où les LR étaient absents.
Par la voix de Marc Fesneau, ministre des Relations avec le Parlement, le gouvernement s'en est remis au choix souverain des députés, en ne donnant pas précisément de consigne de vote. "Nous partageons l'objectif de parité", a souligné le ministre MoDem, qui s'interroge cependant sur son "articulation" avec "le principe constitutionnel de pluralisme politique". Celui-ci est sanctuarisé actuellement par le scrutin plurinominal à deux tours dans ces petites communes.
"Il y a un risque d'inconstitutionnalité", a mis en garde le député corse Jean-Félix Acquaviva qui préconisait d'abaisser le seuil à 500 habitants, une disposition qui avait été adoptée en 2019 dans une première version de la loi Engagement et proximité avant de disparaître dans la version finale. Supprimées en commission, les dispositions initiales du texte qui prévoyaient une amélioration de la parité dans les exécutifs des intercommunalités n'ont pas été rétablies en séance, malgré les efforts de Marie-George Buffet et de certains députés MoDem.
Selon un rapport publié le 2 février par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), un maire sur cinq est une femme, un président d'intercommunalité sur 10 est une femme et à peine 29% des communes sont concernées par les règles de parité. Le HCE recommande précisément d'instaurer la parité dès le premier habitant au plus tard d'ici dix ans, "seule disposition à même d'offrir les conditions d'une parité numérique". Pour les "intercos", le HCE propose également des mesures volontaristes afin d'en finir avec "un sexisme systémique persistant en politique".