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Parité dans les intercommunalités : le Haut conseil à l'égalité n'exclut pas les pistes les plus radicales

Dans un avis qu'il a publié ce jeudi, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes formule treize recommandations pour avancer vers la parité dans les intercommunalités, des lieux de pouvoir dans lesquels les femmes sont aujourd'hui ultra-minoritaires. L'une d'elles consiste à organiser deux scrutins distincts pour les communes et les intercommunalités.

Organiser de manière distincte l'élection du conseil municipal et l'élection du conseil communautaire : cette piste qui, pour beaucoup d'élus, signerait "la mort" des communes, n'est pas taboue pour le Haut Conseil à l'égalité (HCE) entre les femmes et les hommes, une instance présidée par l'ex-députée PS Danielle Bousquet et rattachée au Premier ministre. Dans un avis qu'il a publié ce 29 novembre sur la parité dans les intercommunalités, l'organisme avance 13 propositions pour parvenir à "une égale représentation des hommes et des femmes dans les instances communautaires", qu'il qualifie de "bastions" résistant à la mise en œuvre de la parité.
La recommandation n°5 formulée par le HCE comprend trois scénarios, dont un qui prévoit qu'il est mis fin au système de fléchage utilisé depuis 2014 dans les communes de plus de 1.000 habitants pour l'élection des EPCI à fiscalité propre. À la place, le haut conseil envisage une élection des conseillers communautaires "distincte" de celle des conseillers municipaux. Le conseil communautaire serait élu au suffrage universel direct, au scrutin de liste composée alternativement de candidats de chaque sexe.

Propositions de l'AMF

Les deux autres scénarios envisagés par le HCE sont moins explosifs. Le premier, que le haut conseil qualifie de "scénario a minima" consiste à "assouplir le système de fléchage, afin que la tête de liste à l'élection municipale ne puisse pas être du même sexe que la tête de liste à l'élection communautaire. Avec ce système, la ou le maire ne siège plus dans l’intercommunalité : le HCE observe que c'est là "un sujet d’inquiétude de la part des maires".
Le HCE a formulé un scénario alternatif, qui consiste à assurer une représentation de chaque commune par au moins deux personnes de sexe différent. L’écart entre le nombre de femmes et d’hommes parmi les représentants ne pourrait alors être supérieur à un. Mais cette proposition pose une difficulté de l'aveu même de son auteur, car il irait "à l’encontre du principe de représentation proportionnelle du nombre d’habitants des communes dans les intercommunalités", dont l'application est étroitement contrôlée par le Conseil constitutionnel.
Le HCE recommande encore d'étendre aux communes de moins de 1.000 habitants le mode de scrutin qui s'applique aujourd'hui pour l'élection des conseils municipaux des communes de plus de 1.000 habitants. Les listes de candidats seraient composées d’autant de femmes que d’hommes, avec alternance obligatoire. En outre, le maire et son premier adjoint seraient de sexe différent. Moins révolutionnaires qu'une partie de la recommandation n°5, ces dernières pistes rejoignent les propositions que le groupe de travail "Promotion des femmes dans les exécutifs locaux" de l'Association des maires de France (AMF), co-présidé par Cécile Gallien, maire de Vorey et Edith Gueugneau, maire de Bourbon-Lancy, a présentées en juillet dernier et a précisées lors du dernier congrès des maires de France.

Limitation du cumul des mandats

Dans le même but de faire progresser la parité, le HCE recommande de renforcer la limitation du cumul des mandats, en ajoutant la fonction de président d’EPCI à la liste des fonctions incompatibles entre elles. Appliquée de manière stricte, cette règle conduirait à interdire l'exercice des mandats de maire et président d'intercommunalité. La limitation du cumul des mandats doit aussi s'appliquer dans le temps, selon le haut conseil. Ce dernier souhaite que "chaque citoyen et chaque citoyenne puisse exercer au maximum, de manière consécutive ou non, trois mandats à la tête d’un exécutif local".
Dans cet avis qui porte pourtant sur la parité dans les intercommunalités, le HCE propose d'étendre l'obligation de nominations équilibrées pour les emplois de direction prévue par la loi Sauvadet de mars 2012. Ce système de quota devrait, selon lui concerner, aussi les communes de moins de 80.000 habitants, lesquelles sont exclues aujourd'hui.

Les syndicats de communes, également dans le viseur

Le HCE s'intéresse aussi aux syndicats de communes, des lieux de pouvoir souvent ignorés dans les débats sur la parité en politique. Pour féminiser les instances de ces structures, il est recommandé de "prévoir des binômes paritaires ou des listes par alternance selon le nombre de délégués désignés". En s'assurant que le premier de la liste ne soit pas du même sexe que le second. 
Les propositions du HCE ont peu de chances d'être mises en œuvre dès 2020. Pour permettre leur application lors du prochain mandat, une loi organique devrait être adoptée au moins un an avant le renouvellement général prévu en mars 2020, soit en mars 2019 au plus tard. Le délai paraît trop court. D'autant que l'exécutif ne paraît pas pressé de recueillir l'avis du haut conseil. Officiellement pour des raisons d'agenda, la ministre en charge de la cohésion des territoires a renoncé, ce jeudi, à une rencontre avec les responsables de l'instance.
En septembre 2017, on comptait 34,6% de femmes dans les conseils communautaires, mais seulement 20% dans les exécutifs de ces conseils. La présence des femmes à la tête des EPCI est encore plus faible : respectivement 92% des intercommunalités à fiscalité propre et 84,7% des syndicats de communes ou mixtes sont présidés par un homme.

 

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